documentation sur DROIT DES SOCIETES: ( LA SA) LE DIRECTOIRE( + mise à jour)





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JurisClasseur Sociétés Traité

Cote : 01,2007

Date de fraîcheur : 02 Octobre 2006

Fasc.  133-50 :   DIRECTOIRE


Jean-Jacques Caussain
Docteur en droit
Avocat à la Cour d'appel de Paris (AMCO)
Membre du Conseil National des Barreaux

Points-clés

1. -           Le directoire comprend de deux à cinq membres, ce nombre pouvant être porté à sept par les statuts lorsque les actions de la société sont négociées sur un marché réglementé (V. n° 95 à 98). Dans les sociétés dont le capital est inférieur à 150 000  EUR , les fonctions dévolues au directoire peuvent être exercées par une seule personne qui porte alors le titre de directeur général unique (V. n° 96).
2. -           Les membres du directoire doivent obligatoirement être des personnes physiques. Ils peuvent être choisis en dehors des actionnaires (V. n° 24 à 30) et peuvent être titulaires d'un contrat de travail (V. n° 32 à 39). La révocation de leurs fonctions de membre du directoire n'a pas pour effet de résilier ce contrat (V. n° 32 à 39).
3. -           Les membres du directoire sont nommés par le conseil de surveillance pour une durée pouvant aller de deux à six ans, si celle-ci est déterminée par les statuts ou, à défaut de clause statutaire, pour une durée fixe de quatre ans. Le conseil désigne également le président du directoire (V. n° 47 à 54).
4. -           Les membres du directoire peuvent être révoqués par l'assemblée générale ainsi que, si les statuts le prévoient, par le conseil de surveillance (V. n° 57 à 83). Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à dommages-intérêts (V. n° 67 à 75).
5. -           Organe chargé de la direction de la société, le directoire est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société ; il les exerce dans la limite de l'objet social et sous réserve de ceux expressément attribués par la loi au conseil de surveillance et aux assemblées d'actionnaires (V. n° 116 à 148).
6. -           Les cautions, avals et garanties, la cession de certains actifs, l'octroi de sûretés, de même que les conventions auxquelles sont intéressés, directement ou indirectement, les membres du directoire doivent faire l'objet d'une autorisation préalable du conseil de surveillance (V. n° 123). En outre, les statuts peuvent subordonner la conclusion des opérations qu'ils énumèrent à l'autorisation préalable du conseil (V. n° 124).
7. -           Lorsqu'une opération exige l'autorisation du conseil de surveillance et que ce dernier la refuse, le directoire peut soumettre le différend à l'assemblée qui décide de la suite à donner à l'opération (V. n° 124).
8. -           La société est représentée, dans ses relations avec les tiers, par le président et, le cas échéant, par les membres du directoire qui ont été investis par le conseil de surveillance du titre de directeur général (V. n° 125 à 130). Lorsque la société est dirigée par un directeur général unique, celui-ci assume la gestion et la direction de la société, ainsi que sa représentation vis-à-vis des tiers (V. n° 96 et 117).
9. -           Les dispositions des statuts limitant les pouvoirs du directoire (V. n° 124) ou le pouvoir de représentation du président et des membres du directoire investis du titre de directeur général sont inopposables aux tiers (V. n° 129).
10. -       Les membres du directoire sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés anonymes, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion (V. n° 149 à 156).

Sommaire analytique

Introduction

I. - Fonctions de membre du directoire

A. - Accès aux fonctions

1° Conditions d'accès aux fonctions

a) Conditions générales

b) Incapacité professionnelle

c) Conditions spéciales

2° Nomination aux fonctions

3° Publicité de la nomination

B. - Durée des fonctions

C. - Fin des fonctions

1° Généralités

2° Démission volontaire

3° Révocation

a) Révocation des membres du directoire

b) Révocation des représentants légaux (président du directoire, directeurs généraux, directeur général unique)

c) Révocation abusive

d) Respect du principe du contradictoire

4° Publicité

D. - Rémunération des fonctions

II. - Fonctionnement du directoire

A. - Organisation interne du directoire

1° Composition

a) Nombre des membres

b) Présidence du directoire

2° Délibérations et prises de décisions

a) Règlement intérieur

b) Réunions

c) Règles de convocation

d) Représentation

e) Quorum

f) Majorité

g) Conventions de vote

h) Obligation de discrétion

i) Procès-verbaux des délibérations

j) Nullité des délibérations

k) Registre de présence

B. - Attributions du directoire

1° Pouvoirs généraux

a) Direction de la société

b) Représentation de la société

2° Attributions particulières

a) Convocation des autres organes

b) Accès aux assemblées

c) Établissement des comptes annuels et des rapports

d) Communication et présentation des comptes et des rapports

e) Pouvoirs délégués par l'assemblée générale

f) Agrément en cas de cession d'actions à un tiers

III. - Responsabilité des membres du directoire

A. - Responsabilité civile

1° Étendue de la responsabilité

2° Action en responsabilité

3° Procédure collective

B. - Responsabilité pénale

1° Textes applicables

2° Responsabilité au titre de la direction ou de l'administration de la société

3° Responsabilité pénale du chef d'entreprise

4° Responsabilités fiscales et sociales

Généralités

1. -  Organe investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société, dans les limites de l'objet social et des pouvoirs expressément attribués par la loi au conseil de surveillance et aux assemblées d'actionnaires, le directoire cumule certaines des attributions revenant, dans la société anonyme de type traditionnel, au conseil d'administration chargé de la gestion, avec celles conférées au directeur général, ainsi que, le cas échéant, aux directeurs généraux délégués, investis de la direction générale et de la représentation de la société.
Lors des débats parlementaires préalables à la réforme de la loi de 1966, au cours desquels furent discutés les amendements Capitant-Le Douarec relatifs à la société à directoire, l'Assemblée nationale avait retenu le terme "comité de direction" (JOAN, 9 juin 1965, p. 1867), mais, afin d'éviter une confusion avec le comité de direction prévu par la loi du 16 novembre 1940, le Sénat proposa l'appellation "conseil de direction" (JO Sénat, 23 avr. 1966, p. 254). Puis, lors de la séance du 10 juin 1966 en deuxième lecture devant l'Assemblée nationale, M. Le Douarec déclara que le terme "conseil de direction" était trop proche de celui de "conseil d'administration" et caractérisait mal cet organe de nature collégiale. Il fut donc proposé de lui substituer l'appellation de "directoire" qui se définit comme un conseil chargé d'une direction et reflète ainsi plus exactement la mission dévolue à l'organe exécutif du nouveau type de société anonyme (JOAN, 11 juin 1966, p. 1937). Après un recours à la commission mixte paritaire, le vocable "directoire" fut finalement retenu (Rapp. Sénat. n° 255 : JO Documents et annexes, session 1965-1966). Les membres du "comité de direction" étaient, quant à eux, qualifiés de "directeurs généraux" dans le projet initial et, sur une opposition du Sénat qui préférait le mot "membre", l'expression "directeur général" fut finalement réservée par la commission mixte paritaire aux seuls des membres du directoire investis du pouvoir de représenter la société (JO Sénat, 22 avr. 1966, p. 251).
Nous envisagerons, tout d'abord, les règles relatives aux fonctions de membre du directoire, puis celles concernant le fonctionnement de cet organe et enfin le régime de la responsabilité applicable à ses membres.

I. -  Fonctions de membre du directoire

2. -  Seront successivement examinés : l'accès aux fonctions de membre du directoire, la durée et la fin des fonctions et enfin la rémunération.

A. -  Accès aux fonctions

3. -  L'accès aux fonctions de membre du directoire, qui suppose que plusieurs conditions soient satisfaites par l'intéressé, obéit à certaines modalités et fait l'objet de mesures de publicité.

1°  Conditions d'accès aux fonctions

a)  Conditions générales

4. -  D'une manière générale, sont applicables à l'accès aux fonctions de membre du directoire les dispositions visant les dirigeants des sociétés commerciales en matière de capacité, qu'elle soit civile ou professionnelle, et de nationalité. S'appliquent également les règles en matière d'incompatibilités, d'interdictions et de déchéances qui peuvent interdire l'accès aux fonctions de gestion et de direction d'une société commerciale.

1)  Capacité civile

5. -   Mineurs - Le mineur émancipé ayant la même capacité qu'un majeur dans tous les actes de la vie civile peut, sans restriction, être membre et, le cas échéant, président du directoire d'une société anonyme (C. civ., art. 481, al. 1er).
En revanche, le mineur non émancipé, dès lors qu'il n'est pas entièrement soumis aux responsabilités qu'implique l'exercice d'une fonction de gestion, d'administration ou de direction, ne peut appartenir à un directoire (dans ce sens, à propos de la nomination d'un mineur non émancipé aux fonctions d'administrateur : Rép. min. à M. Valbrun n° 40253 : JOAN Q 21 déc. 1977, p. 9127.)

6. -   Majeurs incapables - Le majeur en tutelle ou en curatelle ne peut pas être nommé membre du directoire, car il ne jouit pas de la pleine capacité juridique (J. Hémard, F. Terré, P. Mabilat, Sociétés commerciales : Dalloz 1972, t. I, n° 1061).
À l'inverse, le majeur placé sous sauvegarde de justice peut faire partie d'un directoire puisqu'il conserve le plein exercice de ses droits (C. civ., art. 491-2).

7. -   Époux - Quel que soit le régime matrimonial qui leur est applicable, deux époux peuvent être membres d'un même directoire (C. civ., art. 1832-1, al. 1er). En outre, l'un des époux peut siéger au directoire, alors que l'autre fait partie du conseil de surveillance de la même société.

2)  Capacité professionnelle

8. -  Aucune condition de capacité professionnelle n'est requise par les dispositions du Code de commerce relatives aux sociétés à directoire. Un diplôme ou la justification d'une expérience professionnelle peuvent cependant être exigés par un texte spécial des membres du directoire ou de ceux d'entre eux qui sont investis du pouvoir de représentation, lorsqu'il s'agit de sociétés exerçant une activité réglementée (V. Fasc. 191-10), telles que, par exemple, les sociétés de courtage d'assurance (C. assur., art. R. 513-1). Une capacité professionnelle peut également être requise par les statuts, même en l'absence d'un texte impératif.

3)  Nationalité

9. -   Principe - Sous réserve des exceptions tenant à l'activité de la société et touchant l'intérêt national (par exemple, les sociétés fabriquant ou vendant des explosifs, les sociétés concessionnaires de services publics...), ou d'une clause statutaire imposant aux membres du directoire d'être ressortissants d'un État membre de l'Union européenne, les étrangers peuvent être librement nommés membres du directoire.

10. -   Autorisation préfectorale - Aux termes de l'article L. 122-1 du Code de commerce (Ord. n° 2004-279, 25 mars 2004, art. 1er et 1, 1°) :

Un étranger qui exerce sur le territoire français une profession commerciale, industrielle ou artisanale dans des conditions rendant nécessaire son inscription ou sa mention au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers doit en faire la déclaration au préfet du département dans lequel il envisage d'exercer pour la première fois son activité dans les conditions définies par décret.

Toute infraction aux prescriptions de cet article et à celles du décret d'application prévu à l'article L. 122-4, est punie d'une amende de 3 750  EUR  et d'un emprisonnement de six mois. En cas de récidive, les peines sont portées au double. Le tribunal peut, en outre, ordonner la fermeture de l'établissement (C. com., art. L. 122-2 ; pour une application. - Cass. crim., 6 mai 1981 : Bull. Joly 1981, p. 536, § 276).
L'article 3 du décret n° 98-58 du 28 janvier 1998 assujettit à l'obligation d'être titulaires de cette carte les personnes de nationalité étrangère "ayant le pouvoir de diriger, gérer ou le pouvoir général d'engager à titre habituel la personne morale". Il s'agit, pour la société anonyme régie par les articles L. 225-57 à L. 225-93 du Code de commerce, du président du directoire, des directeurs généraux et du directeur général unique. En revanche, les membres du directoire qui ne sont pas habilités à représenter la société dans ses rapports avec les tiers, échappent à cette exigence (V. en ce sens, A. Charvériat, A. Couret et B. Mercadal : Mémento Lefebvre, Sociétés commerciales, 2006, n° 29050).
L'ordonnance n° 2004-279 du 25 mars 2004 a supprimé l'obligation d'être titulaire d'une carte de commerçant étranger qu'elle a remplacée par une autorisation préfectorale dont les conditions de délivrance doivent être précisées par un décret. Dans l'attente de la publication de ce décret, cette disposition n'est pas entrée en vigueur et la carte de commerçant étranger est demeurée exigible (Avis n° 04-39 du CCRCS : BRDA, 17/2004, inf. 23).
L'article 22 de la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration a, de nouveau, modifié les dispositions du Code de commerce concernant les commerçants étrangers. Celles-ci entreront en vigueur, dans leur nouvelle rédaction, à compter de la publication du décret d'application.
L'autorisation préfectorale devrait être remplacée par une simple déclaration au préfet du département dans lequel l'intéressé envisage d'exercer pour la première fois son activité dans des conditions qui seront fixées par décret (C. com., art. L. 122-1, al. 1er).
Cette déclaration ne devrait être requise que des étrangers non résidents en France et, comme sous l'actuel régime, les ressortissants des États de l'Espace économique européen et de la Confédération helvétique en seront dispensés (C. com., art. L. 122-1, al. 2), ainsi que les étrangers pouvant se prévaloir d'une convention dérogatoire, tels que les ressortissants des Vallées d'Andorre, de la Principauté de Monaco et de la République populaire d'Algérie.
Dans l'attente de la publication du décret qui doit être pris en application de la loi nouvelle, les ressortissants des États autres que ceux de l'Espace économique européen ou les étrangers ne bénéficiant pas d'accords particuliers avec la France doivent obtenir une carte de commerçant étranger s'ils ne sont pas titulaires de la carte de résident dans les conditions prévues par le décret n° 98-58 du 28 janvier 1998 qui est toujours en vigueur.

4)  Incompatibilités

11. -   Parlementaires - L'article LO 146 du Code électoral édicte les incompatibilités entre les fonctions de membre du directoire de certaines sociétés et les mandats de député ou de sénateur (R. Chiroux, L'incompatibilité du mandat parlementaire avec certaines activités professionnelles sous la Ve République, Mélanges Stoufflet : LGDJ, 2001, p. 49 s.). Aux termes de ce texte :

Sont incompatibles avec le mandat parlementaire les fonctions de chef d'entreprise, de président de conseil d'administration, de président et de membre de directoire, de président du conseil de surveillance, d'administrateur délégué, de directeur général, directeur général adjoint ou gérant exercées dans :
1° Les sociétés, entreprises ou établissements jouissant, sous forme de garanties d'intérêts, de subventions ou, sous forme équivalente, d'avantages assurés par l'État ou par une collectivité publique, sauf dans le cas où ces avantages découlent de l'application automatique d'une législation générale ou d'une réglementation générale ;
2° Les sociétés ayant exclusivement un objet financier et faisant publiquement appel à l'épargne, ainsi que les sociétés civiles autorisées à faire publiquement appel à l'épargne et les organes de direction, d'administration ou de gestion de ces sociétés ;
3° Les sociétés ou entreprises dont l'activité consiste principalement dans l'exécution de travaux, la prestation de fournitures ou de services pour le compte ou sous le contrôle de l'État, d'une collectivité ou d'un établissement public ou d'une entreprise nationale ou d'un État étranger ;
4° Les sociétés ou entreprises à but lucratif dont l'objet est l'achat ou la vente de terrains destinés à des constructions, quelle que soit leur nature, ou qui exercent une activité de promotion immobilière ou, à titre habituel, de construction d'immeubles en vue de leur vente ;
5° Les sociétés dont plus de la moitié du capital est constitué par des participations de sociétés, entreprises ou établissements visés aux 1°, 2°, 3° et 4° ci-dessus.
Les dispositions du présent article sont applicables à toute personne qui, directement ou par personne interposée, exerce en fait la direction de l'un des établissements, sociétés ou entreprises ci-dessus visés.


12. -   Membres du Gouvernement - Aux termes de l'article 23 de la Constitution, les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec toute activité professionnelle, ce qui interdit à l'intéressé d'être membre du directoire. D'autre part, aucune personne ayant eu la qualité de membre du Gouvernement ne peut occuper les fonctions mentionnées aux articles LO 145 et LO 146 du Code électoral et, en particulier, celles de membres du directoire, si elle n'a pas cessé de faire partie du Gouvernement depuis au moins six mois, à moins qu'il ne s'agisse de fonctions déjà exercées par elle antérieurement à sa nomination au Gouvernement (Ord. n° 58-1099, 17 nov. 1958, art. 6).

13. -   Avocats - L'exercice de la profession d'avocat est incompatible avec les fonctions de membre du directoire d'une société anonyme, à moins que celle-ci n'ait pour objet la gestion d'intérêts familiaux ou professionnels (D. n° 91-1197, 27 nov. 1991, art. 111 b). Lorsque les avocats exercent dans le cadre d'une société d'exercice libéral à forme anonyme (SELAFA) ayant opté pour le système dualiste, les membres du directoire doivent tous être associés de la société et exercer la profession au sein de celle-ci (L. n° 90-1258, 31 déc. 1990, art. 12).

14. -   Notaires - L'interdiction faite au notaire de s'immiscer soit directement, soit indirectement, soit par personnes interposées, dans l'administration d'une société commerciale rend incompatible l'exercice de cette profession avec les fonctions de membre du directoire (D. n° 45-0117, 19 déc. 1945, art. 13, 2° ; pour une application de cette interdiction aux fonctions de président du conseil d'administration, V. Cass. com., 10 oct. 1995 : Juris-Data n° 1995-002548 ; Bull. Joly 1995, p. 1064, § 379). Dans les SELAFA de notaires dirigées par un directoire, les membres de cet organe doivent tous être associés de la société et exercer la profession au sein de celle-ci (L. n° 90-1258, 31 déc. 1990, art. 12).

15. -   Experts-comptables - L'interdiction pour un expert-comptable d'être membre du directoire de sociétés autres que celles reconnues par l'ordre a été supprimée par une loi du 8 août 1994 (Ord. n° 45-2138, 19 sept. 1945, art. 22, modifié L. n° 94-679, 8 août 1994, art. 46). Cependant, le texte modifié interdisant aux experts-comptables tout acte de commerce et tout mandat de recevoir, conserver ou délivrer des fonds ou valeurs ou de donner quittance, le Conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables a considéré que cette interdiction entraîne celle d'exercer des fonctions de direction dans une société commerciale (SIC, n° 134, juin-juill. 1995, p. 27).

16. -   Personnel d'un établissement de crédit - Les membres du personnel d'un établissement de crédit ayant reçu le pouvoir de signer pour le compte de cet établissement ne peuvent, sauf autorisation de la direction générale de leur établissement, exercer des fonctions d'administration, de gestion ou de direction dans une société commerciale, et donc être membre d'un directoire ni dans un autre établissement de crédit, ni dans une autre entreprise d'investissement, ni dans une société commerciale régie par le Code de commerce (C. monét. fin., art. R. 511-2 et R. 533-10).

17. -   Fonctionnaires - Les fonctionnaires ne peuvent, à titre professionnel, exercer une activité lucrative, de quelque nature qu'elle soit. Il leur est donc interdit d'appartenir à un directoire, même si ces fonctions ne sont pas rémunérées (L. n° 83-634, 13 juill. 1983, art. 25).
En outre, un ancien fonctionnaire ne peut, sous peine de sanctions pénales, avant l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de la cessation de ses fonctions, accepter ou prendre "une participation par travail, conseils ou capitaux" dans des entreprises dont il assumait la surveillance ou le contrôle (C. pén., art. 432-13). Il ne peut donc exercer les fonctions de membre du directoire de telles entreprises.

18. -   Autres professions - On ne saurait évidemment citer ici toutes les professions réglementées dont l'exercice peut être incompatible avec la fonction de membre du directoire. II en est ainsi, notamment, des professions d'huissier, d'avoué d'appel, d'administrateur judiciaire (V. P. Le Cannu, La société anonyme à directoire, préface de Jean Derrupé : LGDJ, 1979, n° 330 et 331).

5)  Interdictions et déchéances

19. -  Les dirigeants peuvent faire l'objet d'une interdiction de gérer ou d'administrer une société aux termes de diverses dispositions contenues dans le Code pénal et dans le Code de commerce.

20. -   Code pénal - Le Code pénal prévoit, pour certaines infractions (vol, escroquerie, abus de confiance, etc.), l'interdiction, à titre de peine complémentaire, d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice de laquelle ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise, ou toute autre activité professionnelle ou sociale définie par la loi qui réprime l'infraction (C. pén., art. 131-28). Cette interdiction peut être soit définitive, soit temporaire sans, dans ce dernier cas, pouvoir excéder cinq ans (C. pén., art. 131-27). Cette peine complémentaire ne peut s'appliquer que si elle a été expressément prononcée par le juge (C. pén., art. 132-17), étant entendu que, sauf en matière criminelle, le juge peut la substituer à la peine encourue à titre principal (C. pén., art. 131-11). Toute violation de l'interdiction est punie de deux ans d'emprisonnement et de 30 000  EUR  d'amende (C. pén., art. 434-40).

21. -   Code de commerce - Le Livre sixième du Code de commerce consacré aux difficultés des entreprises (C. com., art. L. 610 à L. 663) contient diverses mesures d'interdictions et de déchéances visant les dirigeants des sociétés faisant l'objet d'une procédure collective.
Aux termes de l'article L. 653 du Code de commerce, il est fait interdiction à toute personne dont la faillite personnelle a été prononcée de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, une entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole, ou une personne morale ayant une activité économique.
D'autre part, le tribunal peut, en application de l'article L. 653-8 du Code de commerce (dans l'un des cas prévus aux articles L. 653-3 à L. 653-6 du Code de commerce), prononcer, au lieu de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.

b)  Incapacité professionnelle

22. -   Décret-loi du 8 août 1935 et loi du 30 août 1947 - Le décret-loi du 8 août 1935, portant application aux dirigeants de sociétés de la législation de la faillite et de la banqueroute et instituant l'interdiction et la déchéance du droit de gérer et d'administrer une société de même que la loi n° 47-1635 du 30 août 1947, relative à l'assainissement des professions commerciales et industrielles ont été abrogés par l'ordonnance n° 2005-428 du 6 mai 2005 (C. com., art. L. 128-1 à L. 128-6).

23. -   Ordonnance du 6 mai 2005 - À ces textes qui instituaient une interdiction de gérer et d'administrer, en cas de condamnation pour crime ou pour certains délits, l'ordonnance n° 2005-428 du 6 mai 2005, a substitué une incapacité professionnelle (C. com., art. L. 128-1 à L. 128-6).
Désormais, toute une série de condamnations entraînent l'incapacité d'exercer une profession commerciale ou industrielle, ainsi que celle de diriger, gérer ou contracter, à un titre quelconque, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale (C. com., art. L. 128-1). L'incapacité résulte automatiquement de la condamnation pour l'une des infractions prévues par les textes, sans que le tribunal ait à prononcer cette incapacité. Toutefois, le tribunal peut, soit au moment où il prononce la condamnation, soit ultérieurement, relever le condamné de tout ou partie de l'incapacité ou en limiter la durée (C. com., art. L. 128-4). Toute infraction à l'incapacité est punie d'un emprisonnement d'une durée de cinq ans et d'une amende de 375 000  EUR . En outre, le contrevenant encourt la sanction de la confiscation des marchandises et du fonds de commerce (C. com., art. L. 128-5).

c)  Conditions spéciales

24. -  Les conditions particulières d'accès aux fonctions ont été influencées par la conception des auteurs de la loi du 24 juillet 1966 dont l'intention initiale avait été de réserver aux seuls cadres de l'entreprise l'accès aux fonctions de membre du directoire. Il en est résulté plusieurs dispositions en ce sens dans les textes : la qualité d'actionnaire n'est pas exigée ; les personnes morales ne peuvent être membres du directoire ; les fonctions peuvent être cumulées avec un contrat de travail. D'autre part, en application du principe de la séparation des pouvoirs de gestion et de contrôle, les fonctions de membre du directoire sont incompatibles avec celles de membre du conseil de surveillance et celles de commissaire de sociétés. De plus, afin que les membres du directoire consacrent l'essentiel de leur activité à l'exercice de leur mission, la loi a imposé une limitation au nombre de mandats sociaux que ceux-ci peuvent exercer. Enfin, par une loi du 31 décembre 1970 visant notamment à rajeunir la direction des sociétés commerciales, le législateur a prévu, à titre supplétif, une limite d'âge pour l'exercice des fonctions de membre du directoire.

1)  Faculté d'être ou non actionnaire

25. -   Généralités - Les membres du directoire ne sont pas tenus de détenir des actions de la société mais, dans le cas où ils seraient actionnaires de la société, comme dans le cas où ils pourraient se voir attribuer de tels titres, ils peuvent être soumis à certaines obligations ou à certaines interdictions.

26. -   Dispense de l'obligation d'être actionnaire - Les membres du directoire peuvent être choisis en dehors des actionnaires (C. com., art. L. 225-59, al. 3), à la différence des administrateurs (C. com., art. L. 225-25, al. 1er) ou des membres du conseil de surveillance (C. com., art. L. 225-72, al. 1er). En effet, aucun texte ne les oblige à posséder un nombre d'actions de la société déterminé par les statuts. Cette absence d'obligation légale n'interdit pas aux rédacteurs des statuts d'imposer aux membres du directoire la détention d'un certain nombre d'actions de la société.

27. -   Régime des actions de sociétés cotées - En application de l'article L. 225-109 du Code de commerce, les membres du directoire d'une société anonyme sont tenus soit « de faire mettre sous la forme nominative, ou de déposer les actions qui appartiennent à eux-mêmes ou à leurs enfants mineurs non émancipés et qui sont émises par ladite société elle-même, par ses filiales, par la société dont elle est la filiale ou par les autres filiales de cette dernière société, lorsque ces actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé ». La même obligation incombe à leur conjoint non séparé de corps.
Cette disposition impérative est complétée par les articles 153-1 à 153-3 du décret du 23 mars 1967 qui précisent les modalités de la mise sous forme nominative ou du dépôt des actions possédées par les personnes visées à l'article L. 225-109 du Code de commerce. Son inobservation est sanctionnée pénalement d'une amende de 9 000  EUR  par l'article L. 247-4 du Code de commerce (sur l'ensemble de la question, V. Ph. le Tourneau, Les actions des dirigeants initiés des sociétés par actions : RTD com. 1971, p. 593. - Sur la sanction du "délit d'initié", V. Ord. n° 67-833, 28 sept. 1967, art. 10-1, modifié L. n° 96-597, 2 juill. 1996).

28. -   Régime des actions à dividende prioritaire sans droit de vote - L'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004, qui a modifié le régime des valeurs mobilières, a supprimé la possibilité pour les sociétés par actions d'émettre des actions à dividende prioritaires sans droit de vote. Pour les titres de cette nature déjà émis, la loi fait interdiction aux membres du directoire d'une société anonyme, ainsi qu'à leur conjoint non séparé de corps et à leurs enfants mineurs non émancipés, de détenir, sous quelque forme que ce soit, des actions à dividende prioritaire sans droit de vote émises par cette société (C. com., art. L. 228-35-8 résultant de l'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 qui a repris les dispositions de l'ancien article 228-17). Cette interdiction est sanctionnée pénalement d'un emprisonnement de six mois et d'une amende de 6 000  EUR  (C. com., art. L. 245-3, sur renvoi art. L. 245-4).

29. -   Options de souscription ou d'achat d'actions - Les membres du directoire peuvent se voir attribuer des options donnant droit à la souscription ou à l'achat d'actions de leur société ou d'une société qui lui est liée, dans les conditions prévues par les articles L. 225-177 à L. 225-184 du Code de commerce. Mais ce droit leur est refusé s'ils détiennent plus de 10 % du capital social (C. com., art. L. 225-182). En outre, dans la mesure où l'on peut considérer l'attribution de telles options aux membres du directoire comme un complément de leur rémunération, cette décision devrait, normalement, être approuvée par le conseil de surveillance, ce dernier étant seul compétent pour fixer la rémunération des membres du directoire (en ce sens, A. Charvériat, A. Couret et B. Mercadal, op. cit., n° 18743. - en sens contraire, ANSA, avis comité juridique, 1er mars 2000, n° 556).

30. -   Attributions gratuites d'actions - La loi de finances pour 2005 (L. fin. n° 2004-1484, 30 déc. 2004) a introduit un nouvel instrument de rémunération au profit des salariés et des dirigeants en créant le régime des attributions gratuites d'actions. Aux termes de l'article L. 225-197, I, alinéa 1er, du Code de commerce, l'assemblée générale extraordinaire, sur le rapport du directoire et sur le rapport spécial des commissaires aux comptes, peut autoriser le directoire à procéder, au profit des membres du personnel salarié de la société ou de certaines catégories d'entre eux, à une attribution gratuite d'actions existantes ou à émettre (J.-P. Mattout, Les attributions gratuites d'actions aux salariés et dirigeants : Dr. et patrimoine, n° 137, mai 2005, p. 26. - F. Basdevant, F. Peltier, F. Martin-Laprade, L'attribution gratuite d'actions : Actes prat. ing. sociétaire juill.-août 2005, n° 82, p. 5 à 35).
L'assemblée générale extraordinaire fixe le pourcentage maximal du capital social pouvant être attribué dans les conditions définies ci-dessus. L'attribution des actions à leurs bénéficiaires est définitive au terme d'une période d'acquisition dont la durée minimale est déterminée par l'assemblée générale extraordinaire, mais ne peut être inférieure à deux ans. L'assemblée générale extraordinaire fixe également la durée minimale de l'obligation de conservation des actions par les bénéficiaires. Cette durée court à compter de l'attribution définitive des actions, mais ne peut être inférieure à deux ans (C. com., art. L. 225-197-1, I, al. 2).
Les membres du directoire peuvent également se voir attribuer des actions de la société dans les mêmes conditions que les membres du personnel salarié. Ils peuvent également se voir attribuer des actions d'une société liée dans les conditions prévues à l'article L. 225-197-2, sous réserve que les actions de cette dernière soient admises aux négociations sur un marché réglementé (C. com., art. L. 225-197-2, I, dernier al.).
Il ne peut être attribué d'actions aux salariés et aux mandataires sociaux détenant chacun plus de 10 % du capital social. Une attribution gratuite d'actions ne peut pas non plus avoir pour effet que les salariés et les mandataires sociaux détiennent chacun plus de 10 % du capital social (C. com., art. L. 225-197-1, dernier al.).

2)  Exclusion des personnes morales

31. -  Comme le président du conseil d'administration, le directeur général ou les directeurs généraux délégués de la société anonyme de type classique, les membres du directoire doivent, à peine de nullité de leur nomination, être des personnes physiques (C. com., art. L. 225-59, al. 3). Alors qu'elles peuvent être administrateurs ou membres du conseil de surveillance d'une société anonyme, les personnes morales ne peuvent donc être membres du directoire.

3)  Cumul avec un contrat de travail

32. -   Travaux préparatoires à la loi du 24 juillet 1966 - Lors des débats devant le Parlement, les promoteurs du système dualiste envisageaient de n'admettre au sein du directoire que des cadres de l'entreprise. Mais ce projet s'est heurté à la crainte exprimée par les sénateurs de voir le pouvoir des managers renforcé, le gouvernement de l'entreprise tombant alors entre les mains des technocrates (JO Sénat 23 avr. 1966, p. 251 s.). Aussi, à la suite d'un amendement proposé par M. Étienne Dailly, cette conception quelque peu rigide fut assouplie afin de permettre que le recrutement des membres du directoire puisse également être effectué en dehors des salariés de l'entreprise (JO Sénat 23 avr. 1966, p. 251).

33. -   Article L. 225-61, alinéa 2 du Code de commerce - La possibilité de cumuler, au sein de la même société, un contrat de travail avec un siège de membre du directoire résulte clairement de l'article L. 225-61, alinéa 2, du Code de commerce qui dispose qu'"au cas où l'intéressé aurait conclu avec la société un contrat de travail, la révocation de ses fonctions de membre du directoire n'a pas pour effet de résilier ce contrat" (V. infra n° 77).

34. -   Règles du cumul - Le cumul des fonctions de membre du directoire avec un contrat de travail est possible, aussi bien dans le cas où un salarié est nommé membre du directoire que lorsqu'un membre du directoire en exercice se voit attribuer un emploi salarié au sein de la société (Cass. soc., 17 nov. 1988 : Rev. sociétés 1980, p. 232, note B. Petit).
Lorsqu'un salarié accède aux fonctions de membre du directoire, il convient de distinguer selon que la société est ou non cotée.
Si les titres de la société ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé, il n'est pas nécessaire de soumettre à l'autorisation préalable du conseil de surveillance le contrat de travail de l'intéressé (Ph. Merle, Sociétés commerciales : Dalloz, 10e éd. 2005, n° 440).
En revanche, lorsque les titres de la société sont admis aux négociations sur un marché réglementé, en cas de nomination aux fonctions de membre du directoire ou de directeur général unique d'une personne déjà liée par un contrat de travail à la société ou à toute société contrôlée ou qui la contrôle au sens des II et III de l'article L. 233-16, les dispositions dudit contrat correspondant, le cas échéant, à des éléments de rémunération, des indemnités ou des avantages dus ou susceptibles d'être dus à raison de la cessation ou du changement de ces fonctions, ou postérieurement à celles-ci, sont soumises à la procédure des conventions réglementées régies par les dispositions des articles L. 225-86 et L. 225-88 à L. 225-90 (C. com., art. L. 225-79-1. - L. n° 2005-842, 26 juill. 2005, pour la confiance et la modernisation).
Lorsqu'un membre du directoire se voit consentir un contrat de travail par la société, que cette dernière soit ou non cotée, le contrat de travail ainsi conclu est considéré comme une convention réglementée qui doit, dès lors, être soumise à la procédure d'autorisation préalable du conseil de surveillance prévue aux articles L. 225-86 à L. 225-90 du Code de commerce (V. Fasc. 133-60. - Pour un exemple : Cass. soc., 11 juin 1997 : Bull. Joly 1997, p. 880, § 397, note P. Le Cannu). En outre, le contrat de travail étant conclu avec la société, cette décision devra avoir été prise avec l'accord du directoire statuant dans les conditions de majorité prévues dans les statuts ou le règlement intérieur.
En toute hypothèse, toute reconduction ou modification substantielle de cette convention qui interviendrait ultérieurement devra être soumise à l'accord préalable du conseil de surveillance, en application des articles L. 225-85 à L. 225-90 du Code de commerce.

35. -   Emploi effectif dans le cadre du contrat de travail - Bien que la loi ne le précise pas en ce qui concerne les membres du directoire, le cumul du mandat social avec un contrat de travail au sein de la même société doit obéir aux règles fixées par la jurisprudence (V. F. Mansuy, La notion d'emploi effectif et ses conséquences sur le maintien du contrat de travail des dirigeants sociaux : Rev. sociétés 1987, p. 1 s.).
Tout d'abord, le contrat de travail doit correspondre à un emploi effectif. Il ne doit pas avoir été conclu en vue de détourner les dispositions légales relatives à la révocation des dirigeants sociaux (J.-J. Caussain, La précarité de la fonction de mandataire social : Bull. Joly 1993, p. 523, § 151, n° 24 s.). Cela suppose l'existence de fonctions bien délimitées et nécessitant une technicité particulière permettant de les distinguer de la fonction de membre du directoire (pour une application au président du directoire : Cass. soc., 17 nov. 1988 : Juris-Data n° 1988-702543 ; Bull. civ. 1988, V, n° 608 ; Rev. sociétés 1989, p. 232, note B. Petit. - Cass. soc., 5 juill. 1989 : Bull. civ. 1989, V, n° 503). Les fonctions techniques faisant l'objet du contrat de travail doivent aussi faire l'objet d'une rémunération distincte (Cass. soc., 6 juill. 1981 : Juris-Data n° 1981-002121 ; Bull. Joly 1981, p. 741, § 365. - Cass. soc., 19 nov. 1986 : Juris-Data n° 1986-700477 ; Bull. Joly 1987, p. 32, § 12).
D'autre part, le membre du directoire doit, dans l'exercice de ses fonctions salariées, être placé dans un état de subordination à l'égard de la société. Il ne doit donc pas être investi de pouvoirs étendus équivalents à ceux d'un mandataire social, ni jouir d'une entière indépendance dans ses activités (Cass. soc., 14 mars 1979 : Bull. civ. 1979, V, n° 234. - Cass. soc., 5 juill. 1989 : Bull. civ. 1989, V, n° 503). De même, le monopole des connaissances techniques détenues par un mandataire social, en particulier lorsque la dimension de la société est modeste, peut faire disparaître le lien de subordination (Cass. soc., 11 juill. 1995 : Juris-Data n° 1995-002358 ; RJDA 10/1995, n° 1096).
En pratique, il est essentiel que le membre du directoire aménage la preuve de l'existence de ses fonctions salariées. Cette preuve résulte de la convention écrite passée avec la société, le contrat étant régi par le droit du travail. Outre les clauses habituelles, le contrat doit, en particulier, viser les fonctions techniques constituant l'objet de cette convention qui doivent être décrites avec précision et correspondre à l'emploi exercé. Le contrat doit également faire ressortir le lien de subordination et indiquer le montant ou le mode de calcul de la rémunération qui est attribuée sous la forme d'un salaire.
D'autre part, le bulletin de paie doit faire apparaître qu'un salaire est versé au titre du contrat de travail correspondant à la fonction salariée (directeur financier ou directeur administratif, par exemple) et indiquer que l'intéressé cotise au régime d'assurance-chômage. Ce document n'a pas à mentionner que le salarié est également membre du directoire. Si une rémunération est versée au titre du mandat de membre du directoire, il convient alors de prévoir un deuxième bulletin de paie. Enfin, la distinction entre le mandat social et le contrat de travail doit être effectivement respectée dans les faits, le dirigeant devant à cet égard conserver tous les éléments de preuve du lien de subordination (organigramme, notes de service, correspondance, etc.) pour établir la réalité de son statut de salarié (J.-J. Caussain, article préc. n° 38).
La nature du lien de subordination, qui constitue l'une des caractéristiques essentielles du contrat de travail, peut varier en fonction de la composition du directoire. Lorsque le directoire comprend au moins trois membres et prend ses décisions à la majorité, chaque membre, lié à la société par un contrat de travail, se trouve indiscutablement en état de subordination vis-à-vis de cet organe qui peut lui donner des instructions et même décider de mettre fin à son contrat de travail. La question est plus délicate dans les trois situations suivantes : tout d'abord, lorsque le directoire ne comprend qu'un directeur général unique ; ensuite, quand le directoire ne comprend que deux membres ; enfin, lorsque le directoire, étant composé de plus de deux membres, prend ses décisions à l'unanimité. Dans ces différentes éventualités, en effet, l'existence d'un lien de subordination est plus difficile à prouver. On peut même craindre qu'elle ne soit contestée et que la validité du contrat de travail ne soit remise en cause, car le membre du directoire lié à la société par un tel contrat est en mesure de bloquer toute décision du directoire pouvant l'affecter en sa qualité de salarié (Deslandes, Réflexions sur le cumul d'un mandat social et d'un contrat de travail : D. 1982, chron. p. 23).

36. -   Jurisprudence - La chambre sociale de la Cour de cassation a affirmé le principe selon lequel "le mandat de président ou de membre du directoire n'est pas, en lui-même, incompatible avec les fonctions de salarié" (Cass. soc., 17 nov. 1988, préc. n° 35). Encore, faut-il que le contrat de travail du mandataire social corresponde à un emploi effectif et qu'existe un lien de subordination conformément aux principes généraux dégagés par les tribunaux en matière de cumul d'un mandat social avec un emploi salarié.
Ainsi selon la Cour de Paris, un membre du directoire ne peut cumuler son mandat social avec un contrat de travail, que si celui-ci correspond à l'exercice de fonctions techniques effectives et dans un lien de subordination avec la société (CA Paris, 21e ch. C., 4 mai 1995 : Juris-Data n° 1995-023186 ; Bull. Joly 1995, p. 760, § 261, note P. Le Cannu).
Dans le même sens, la chambre sociale de la Cour de cassation a pu décider que, dès lors que le directeur technique et commercial d'une société a été, au moment de sa désignation comme directeur général adjoint, investi de l'ensemble des pouvoirs nécessaires à la direction de la société et que, en tant que président du directoire, il a également joui ensuite des pouvoirs les plus étendus, il y a lieu de considérer que les fonctions qu'il a exercées en ces deux qualités, et pour lesquelles il n'a reçu qu'une seule rémunération, étaient à peu près identiques et impliquaient la direction technique et commerciale de l'entreprise. Ni la délivrance des bulletins de paie et d'un certificat de travail, ni l'immatriculation à la Sécurité sociale, ne suffisent à caractériser par elles-mêmes le contrat de travail. Il en résulte que, au contrat de directeur général adjoint, même qualifié de contrat de travail, a été, à compter de la nomination de l'intéressé comme membre et président du directoire, définitivement substitué, avec son consentement, un mandat social essentiellement révocable (Cass. soc., 1er juin 1978 : Rev. sociétés 1979, p. 79, note P. Le Cannu ; Bull. Joly 1978, p. 639, § 266).
La chambre sociale a, d'autre part, estimé qu'un président du directoire qui dispose de tous les pouvoirs, sans aucun contrôle, et exerce sa fonction salariée en toute indépendance ne peut invoquer un lien de subordination qui constitue l'élément essentiel d'un contrat de travail (Cass. soc., 5 juill. 1989 : Bull Joly 1990, p. 278, § 78, note P. Le Cannu ; JCP E 1990, 15838, n° 7, obs. A. Viandier et J.-J. Caussain). Dans le même sens, la Cour de Bordeaux a pu considérer qu'il n'y a pas subordination si les fonctions salariées se confondent avec celles de président du directoire (CA Bordeaux, 1re ch., 9 oct. 1992 : Juris-Data n° 1992-051338 ; Bull. Joly 1993, p. 211, § 47).
L'existence du lien de subordination est également susceptible d'être contestée par les ASSEDIC, dans le cas où le membre du directoire intéressé est actionnaire majoritaire (Rép. min. emploi n° 6266 à M. Cousté : JOAN Q 18 oct. 1982, p. 4343).

37. -   Suspension du contrat de travail - Lorsqu'un salarié est appelé à exercer les fonctions de membre du directoire de la société qui l'emploie, il peut être convenu, lors de sa nomination, que son contrat de travail sera suspendu jusqu'à la date d'expiration de son mandat social et que la convention reprendra vigueur à cette dernière date, dans les conditions déterminées au moment de la suspension. À l'expiration du mandat social, le contrat de travail suspendu retrouve tous ses effets et le salarié peut reprendre son poste dans l'entreprise. Lorsque les fonctions de membre du directoire prennent fin par la révocation, dans la plupart des cas, la société ne souhaite pas garder comme simple salarié le dirigeant évincé. Une procédure de licenciement devra alors être engagée dans le respect des dispositions du droit du travail (J.-J. Caussain, article préc., n° 39 s. - B. Petit, La suspension du contrat de travail des dirigeants de la société anonyme : RTD com. 1981, n° 32).
Selon la chambre sociale de la Cour de cassation, le contrat de travail peut aussi être suspendu, même en l'absence d'une convention expresse prévoyant cette suspension, lorsque la nomination du salarié, en tant que mandataire social, n'a pas entraîné une " novation " de ce contrat et son remplacement par le mandat social (Cass. soc., 20 juin 1966 : Bull. civ. 1966, IV, n° 622. - Cass. soc., 9 mai 1973 : Bull. civ. 1973, V, n° 284. - Cass. soc., 12 déc. 1990, Ribeyron c/ SA Veuve Ernest Leporq et Cie : Juris-Data n° 1990-703866 ; Bull. civ. 1990, V, n° 658 ; JCP E 1991, I, 61, n° 9, obs. A. Viandier et J.-J. Caussain). De même, cette juridiction a-t-elle considéré que, dès lors qu'un salarié nommé mandataire social n'avait pas renoncé expressément au bénéfice de son contrat de travail et n'avait pas invoqué le cumul des fonctions de directeur salarié et de directeur général, son contrat de travail avait été suspendu (Cass. soc., 11 juin 1997 : Juris-Data n° 1997-002688 ; Bull. Joly 1997, p. 882, § 318, note B. Petit). En application de cette jurisprudence, la suspension même non expressément prévue par les parties joue de plein droit lorsque l'intéressé cesse d'être mandataire social. Le contrat de travail, qui avait cessé d'être exécuté, reprend alors vie. La reprise des relations salariales oblige la société à fournir du travail à l'ancien mandataire social. À défaut, celle-ci doit mettre en oeuvre la procédure de licenciement (CA Paris, 18e ch., 27 févr. 1992 : Juris-Data n° 1992-020634 ; Bull. Joly 1992, p. 509, § 164, note P. Le Cannu). De même, il a été jugé que le salarié d'une entreprise, devenu membre du directoire et n'exerçant plus de fonctions salariées, ne saurait perdre le bénéfice de la suspension de son contrat de travail, lequel, à la cessation des fonctions de membre du directoire, reprend automatiquement vie, au moins pour le temps restant à courir, s'il s'agit d'un contrat à durée déterminée (CA Saint-Denis-de-la-Réunion, 23 juin 1978 : Rev. sociétés, 1979, p. 526, note P. Le Cannu ; Bull. Joly 1979, p. 578, § 338).

38. -   Compétence du conseil de prud'hommes - Le conseil de prud'hommes est compétent pour trancher les litiges relatifs au contrat de travail existant entre un membre du directoire et la société, à condition que l'intéressé puisse apporter la preuve de la réalité de cette convention. Il a, ainsi, été jugé que lorsqu'un membre du directoire d'une société anonyme ne peut rapporter la preuve certaine de l'existence d'un contrat de travail le liant à la société, distinct de son mandat social, mais fournit seulement des documents équivoques, le conseil de prud'hommes est incompétent pour statuer sur sa demande de dommages et intérêts pour résiliation abusive du premier contrat (CA Rennes, ch. soc., 28 mars 1973 : Rev. sociétés 1974, p. 708, note J.-J. Burst ; JCP G 1974, II, 17743, note H.-M. Synvet ; RTD com. 1974, p. 298, obs. R. Houin).

39. -   Élection des délégués du personnel - La chambre sociale de la Cour de cassation a décidé que l'appartenance d'un directeur salarié au directoire le fait participer aux pouvoirs d'un employeur, ce qui lui interdit de prendre part aux élections de délégués du personnel (Cass. soc., 25 mars 1980 : Rev. sociétés 1980, p. 757, note P. Le Cannu).

4)  Incompatibilité avec certaines fonctions sociales

40. -   Membre du conseil de surveillance - En vertu du principe de la séparation des pouvoirs de gestion et de contrôle sur lequel repose l'organisation de la société à directoire, les fonctions de membre du directoire sont incompatibles avec celles de membre du conseil de surveillance. Selon l'article L. 225-74 du Code de commerce, "aucun membre du conseil de surveillance ne peut faire partie du directoire". L'interdiction vise également le représentant permanent d'une personne morale qui occuperait un siège au conseil de surveillance, celui-ci étant, en effet, soumis au même régime que s'il était membre du conseil de surveillance en son nom propre.
L'article 98 du décret du 23 mars 1967 sanctionne le cas où un membre du conseil de surveillance serait élu au directoire, en décidant que : "Si un membre du conseil de surveillance est nommé au directoire, son mandat au conseil prend fin dès son entrée en fonction". Mais ce texte n'envisage pas le cas où un membre du directoire serait nommé au conseil de surveillance. Dans cette dernière hypothèse, on peut donc se demander si c'est le mandat au conseil qui est nul ou si ce sont les fonctions au directoire qui cessent (J. Hémard, F. Terré et P. Mabilat, op. cit., t. I, n° 1065). En raison de l'incompatibilité existant entre les deux fonctions, un membre de directoire ne saurait être nommé au conseil de surveillance qu'après avoir démissionné de ses fonctions. Il faut donc accepter la nullité de toute nomination d'un membre du directoire au conseil de surveillance de la même société (dans ce sens, P. Le Cannu, La société anonyme à directoire, op. cit., n° 286).

41. -   Commissaire aux comptes de sociétés - En application de la règle de la séparation des pouvoirs et afin d'assurer une indépendance complète des commissaires aux comptes à l'égard des sociétés qu'ils contrôlent, il a toujours été prescrit une incompatibilité entre ces fonctions et celles de mandataire social et, en particulier, celle de membre du directoire (V. Y. Guyon, L'indépendance des commissaires aux comptes : JCP G 1977, I, 2831).
Le dispositif législatif existant précédemment a été récemment modifié par la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 et par l'ordonnance n° 2005-1126 du 8 septembre 2005. Il résulte de l'article L. 822-11 du Code de commerce (créé L. 2003-706, 1er août 2003, art. 104, II, modifié Ord. n° 2005-1126, 8 sept. 2005, art. 13, 1°) que les commissaires aux comptes ne peuvent être membres du directoire des sociétés qu'ils contrôlent.
En outre, ils ne peuvent être nommés dirigeants (donc membres du directoire) ou salariés des sociétés qu'ils contrôlent moins de cinq années après la cessation de leurs fonctions. Pendant ce même délai, ils ne peuvent exercer les mêmes fonctions dans une personne ou entité morale contrôlée ou qui contrôle la personne ou entité morale dont ils ont certifié les comptes (C. com., art. L. 822-12).

5)  Cumul avec d'autres mandats sociaux

42. -   Principe - Les dispositions régissant les cumuls de mandats sociaux par les membres du directoire qui résultaient de la loi du 24 juillet 1966 (art. 127 maintenant codifié sous C. com., art. L. 225-67) ont été notablement modifiées par l'article 110 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 sur les nouvelles régulations économiques (A. Viandier, Sociétés et loi NRE, Les réformes de la loi "Nouvelles régulations économiques" : Mémento Lefebvre sociétés, 2001, n° 232 et 295. - J.-J. Daigre, Loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques : JCP E, 2001, p. 1013), et par l'ordonnance n° 2002-1303 du 29 octobre 2002. La nouvelle réglementation des cumuls impose deux niveaux de limitations : un plafond spécial et un plafond global.
Tout d'abord, une personne physique ne peut exercer qu'un mandat de membre du directoire. Alors que sous le régime antérieur une même personne pouvait appartenir simultanément à deux directoires, il résulte dorénavant des articles L. 225-54-1, alinéa 1er, et L. 225-67, alinéa 1er, du Code de commerce, qu'une personne physique ne peut exercer plus d'un mandat de directeur général d'une société anonyme de type classique ou de membre du directoire ou encore de directeur général unique d'une société anonyme à directoire, lorsqu'il s'agit de sociétés ayant leur siège social sur le territoire français, sous réserve des dérogations prévues au deuxième alinéa de l'article précité (V. infra n° 43).
D'autre part, la réglementation des cumuls impose un plafond global prenant en considération l'ensemble des mandats sociaux exercés par la même personne : "Sans préjudice des dispositions des articles L. 225-21, L. 225-54-1, L. 225-67, L. 225-77 et L. 225-94, une personne physique ne peut exercer simultanément plus de cinq mandats de directeur général, de membre du directoire, de directeur général unique, d'administrateur ou de membre du conseil de surveillance de sociétés anonymes ayant leur siège sur le territoire français. Pour l'application de ces dispositions, l'exercice de la direction générale par un administrateur est compté pour un seul mandat" (C. com., art. L. 225-94-1, al. 1er).
Ainsi, une personne déjà titulaire d'un mandat de membre du directoire ne peut exercer simultanément que quatre autres mandats d'administrateur et/ou de membre du conseil de surveillance de sociétés anonymes, sous réserve des dérogations mentionnées ci-après (V. infra n° 43).
En revanche, aucune règle n'interdit ou ne limite le cumul des mandats faisant l'objet de cette réglementation avec les fonctions de directeur général délégué d'une société anonyme, de président ou de dirigeant d'une SAS, de gérant d'une SARL, de gérant d'une société en commandite simple ou par actions, ou de gérant d'une société civile.

43. -   Dérogations - Diverses dérogations à la limitation des cumuls ont été prévues par la loi.
Tout d'abord, par exception aux dispositions de l'article L. 225-67, alinéa 1er, limitant, pour une même personne, à un le nombre de mandats de membre du directoire, un deuxième mandat de membre du directoire ou de directeur général unique ou de directeur général peut être exercé dans une société qui est contrôlée, au sens de l'article L. 233-16, par la société dans laquelle est exercé un mandat de membre du directoire ou de directeur général unique. En outre, une personne physique exerçant un mandat de membre du directoire ou directeur général unique dans une société peut également exercer un mandat de directeur général, de membre du directoire ou de directeur général unique dans une autre société, dès lors que les titres des deux sociétés ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé (C. com., art. L. 225-67, al. 2). Ces deux dérogations peuvent se cumuler.
D'autre part, une autre exception est apportée par l'article L. 225-94-1, alinéa 2, au plafond global fixant à cinq le cumul de certains mandats sociaux, d'où il résulte que « par dérogation aux dispositions ci-dessus [C. com., art. L. 225-94, al. 1er], ne sont pas pris en compte les mandats d'administrateur ou de membre de conseil de surveillance dans les sociétés qui sont contrôlées, au sens de l'article L. 233-16, par la société dans laquelle est exercé un mandat au titre du premier alinéa » (C. com., art. L. 225-94-1, al. 2).
Enfin, l'article L. 225-95-1, alinéa 1er, du Code de commerce dispose que, par dérogation aux dispositions des articles L. 225-21, L. 225-77 et L. 225-94-1, ne sont pas pris en compte les mandats de représentant permanent d'une société de capital-risque, d'une société financière d'innovation ou d'une société de gestion habilitée à gérer les fonds communs de placement régis par les articles L. 214-35, L. 214-36 et L. 214-41 du Code monétaire et financier.

44. -   Sanctions - La personne physique qui se trouve en infraction avec les règles visant la limitation des cumuls de fonctions de membre du directoire (C. com., art. L. 225-67, al. 3) ou avec celles relatives au cumul global des mandats sociaux (C. com., art. L. 225-94-1, al. 3) doit se démettre de l'un de ses mandats dans les trois mois de sa nomination, ou du mandat en cause dans les trois mois de l'événement ayant entraîné la disparition de l'une des conditions fixées à l'un des articles précités. À l'expiration de ce délai, elle est réputée s'être démise, selon le cas, soit de son nouveau mandat, soit du mandat ne répondant plus aux conditions fixées à l'un des articles précités, et doit restituer les rémunérations perçues, sans que soit, de ce fait, remise en cause la validité des délibérations auxquelles elle a pris part (C. com., art. L. 225-67, dernier al. et L. 225-94-1, al. 3).

45. -   Information des actionnaires - Afin d'assurer une meilleure application des dispositions relatives au cumul des mandats sociaux, l'article L. 225-102-1, alinéa 3, du Code de commerce, dispose que le rapport annuel du directoire à l'assemblée générale ordinaire annuelle des actionnaires doit comprendre la liste de l'ensemble des mandats et fonctions exercés par chacun des mandataires sociaux de la société dans toute société durant l'exercice écoulé.

6)  Limite d'âge

46. -  La règle fixant un âge maximum pour l'exercice des fonctions de membre du directoire est formulée par l'article L. 225-60 du Code de commerce qui dispose que les statuts doivent contenir une clause fixant une limite d'âge. Ceux-ci peuvent ainsi librement fixer une limite égale, inférieure ou supérieure à 65 ans (J. Richard, Les clauses statutaires relatives à la retraite de divers mandataires de sociétés par actions : JCP CI 1971, II, 10362, n° 1). À défaut d'une clause expresse dans les statuts, la loi prend une mesure supplétive et fixe cette limite d'âge à 65 ans. Cette règle entraîne une double conséquence :

-                  toute nomination faite en violation de la limite d'âge est nulle ; il s'agit de la nomination au directoire d'une personne ayant dépassé l'âge statutaire ou, dans le silence des statuts, ayant atteint l'âge légal de 65 ans ;
-                  lorsqu'un membre du directoire, ou le directeur général unique, atteint la limite d'âge, que celle-ci soit statutaire ou légale, il est réputé démissionnaire d'office.

2°  Nomination aux fonctions

47. -   Nomination par le conseil de surveillance - La règle est posée par l'article L. 225-59, alinéa 1er, du Code de commerce selon lequel "les membres du directoire sont nommés par le conseil de surveillance qui confère à l'un d'eux la qualité de président". C'est donc l'organe de surveillance, et lui seul, qui nomme directement les membres de l'organe de direction et de représentation qu'il devra contrôler, aussi bien lors de la constitution de la société qu'au cours de la vie sociale.
Lors de la constitution de la société, la nomination des membres du directoire intervient après que les premiers membres du conseil de surveillance ont eux-mêmes été désignés, soit par l'assemblée constitutive lorsque la société est constituée avec appel public à l'épargne (C. com., art. L. 225-7, al. 2), soit dans les statuts dans le cas d'une constitution sans appel public à l'épargne (C. com., art. L. 225-16). En effet, l'article 68, alinéa 2, du décret du 23 mars 1967 précise que les personnes désignées pour être membres du conseil de surveillance sont habilitées, dès leur nomination, à désigner les membres du directoire ou le directeur général unique.
Durant la vie sociale, le président du conseil de surveillance inscrit à l'ordre du jour du conseil la question du renouvellement du directoire lorsque les fonctions de tout ou partie des membres arrivent à expiration.
Le pouvoir donné au conseil de surveillance de nommer le directoire étant d'ordre public, est donc irrégulière toute désignation des membres du directoire dans les statuts ou par l'assemblée générale (D. Bastian, La réforme des sociétés : JCP G 1968, I, 2183 ; JCP CI 1968, 84226, n° 476). Ainsi, a pu être jugée contraire aux dispositions des articles L. 225-59 et suivants du Code de commerce et donc réputée non écrite, comme contraire aux principes d'organisation de la société anonyme avec directoire et conseil de surveillance, la clause statutaire prévoyant que les membres du directoire sont désignés par le conseil de surveillance sur proposition du président du directoire (CA Versailles, 8 juill. 1993, IDI et a. c/ Financière BFCE et a. : Juris-Data n° 1993-600469 ; JCP E 1994, I, 331, n° 11, obs. A. Viandier et J.-J. Caussain).
La nomination des membres du directoire a lieu aux conditions de quorum et de majorité applicables aux délibérations du conseil de surveillance, les statuts pouvant prévoir une majorité plus forte (C. com., art. L. 225-82. - V. Fasc. 133-60).

48. -   Vacance d'un siège - En cas de vacance d'un siège de membre du directoire, le conseil de surveillance doit le pourvoir dans un délai de deux mois (D. 23 mars 1967, art. 97, al. 1er). Le remplaçant est nommé pour le temps qui reste à courir jusqu'au renouvellement du directoire (C. com., art. L. 225-62). La vacance peut résulter du décès, de la révocation, de la démission ou d'une autre cause de cessation des fonctions, ou encore de l'absence du titulaire du poste au sens des articles 112 à 132 du Code civil.
La faculté d'une cooptation à titre provisoire, accordée par la loi aux administrateurs (C. com., art. L. 225-24, al. 1er), ne peut être exercée par le directoire lorsqu'il s'agit de remplacer l'un de ses membres défaillant ; c'est au conseil de surveillance qu'il incombe de pourvoir le siège vacant (D. 23 mars 1967, art. 97, al. 1er. - Dans le même sens : G. Ripert et R. Roblot, Traité de droit commercial, les sociétés commerciales, 18e éd. par M. Germain : LGDJ 2002, n° 1692).
Toutefois, si le conseil de surveillance ne procède pas à ce remplacement dans le délai de deux mois, une procédure d'urgence peut être déclenchée : "À défaut, tout intéressé peut demander au président du tribunal de commerce, statuant en référé, de procéder à cette nomination à titre provisoire" (D. 23 mars 1967, art. 97, al. 2). La demande en sera recevable, qu'elle émane d'un membre du directoire, d'un membre du conseil de surveillance, d'un actionnaire ou d'un commissaire aux comptes. Dans ce cas, "la personne ainsi nommée peut, à tout moment, être remplacée par le conseil de surveillance" (D. 23 mars 1967, art. 97, al. 2). Qu'il soit nommé par le conseil de surveillance ou par le président du tribunal de commerce, le remplaçant n'est désigné que pour le temps qui reste à courir jusqu'au renouvellement du directoire (C. com., art. L. 225-62).
Lorsque le nombre des membres du directoire est fixé par les statuts de la société, le conseil de surveillance est tenu, en cas de vacance, de compléter les effectifs de cet organe pour respecter le nombre statutaire. De même, dans les sociétés dont le capital est au moins égal à 150 000  EUR , au cas où le directoire ne comprendrait plus qu'un membre, le conseil est tenu de respecter le minimum légal de deux membres et donc de compléter les effectifs du conseil.
En revanche, dans l'hypothèse où les statuts ont laissé au conseil de surveillance le soin de déterminer le nombre des membres du directoire (D. 23 mars 1967, art. 96), on peut se demander si le conseil de surveillance doit ou non procéder aux remplacements des postes vacants. Selon certains auteurs, le droit de fixer le nombre des membres du directoire ne peut appartenir au conseil de surveillance qu'au moment de la nomination de l'organe de direction et, en conséquence, en cas de vacance, le conseil est tenu de procéder au remplacement du ou des membres dont le poste est vacant (J. Hémard, F. Terré, P. Mabilat, op. cit., n° 2794. - Contin et Deslandes, Interrogations sur la société anonyme à directoire : D. 1977, chron. p. 295. - Y. Chartier, Société à directoire ou société à conseil de surveillance, Mélanges Roblot : LGDJ 1984, p. 340 ; J. Mestre et D. Velardocchio : Lamy, sociétés commerciales 2006, n° 3517. - Dans ce sens, CA Versailles, 8 juill. 1993, préc. n° 47). Selon une autre opinion que nous partageons, dans la mesure où la loi décide que le conseil de surveillance fixe le nombre des membres du directoire, le conseil peut, s'il l'estime opportun, décider de réduire ce nombre et, par conséquent, de ne pas pourvoir au remplacement du ou des sièges vacants (en ce sens, D. Bastian, La réforme des sociétés, sociétés par actions : JCP G 1968, I, 2183, n°478. - H. Lecompte, Étude de divers problèmes concernant le fonctionnement des sociétés avec directoire : Journ. Sociétés 1973, p. 266 ; Bull. Joly 1993, § 298, p. 1024, note P. Le Cannu ; ANSA, avis comité juridique, 1er mars 2000, n° 358. - V. également CA Paris, 3e ch. C., 14 juin 2002 : Juris-Data n° 2002-192870 ; Rev. sociétés 2002, p. 575, note Y. Guyon ; JCP E 2003, 627, n° 6, obs. J.-J. Caussain, Fl. Deboissy, G. Wicker). Afin d'éviter une situation dans laquelle le conseil de surveillance pourrait être tenté d'abuser de ses pouvoirs, les praticiens prudents pourraient sans doute être enclins à suivre l'avis du comité juridique de l'ANSA selon lequel l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires, qui peut, en vertu de l'article 96 du décret, prévoir que les statuts laisseront le conseil de surveillance fixer le nombre des membres du directoire, doit pouvoir accorder au même conseil, par une clause statutaire, le pouvoir de modifier ce nombre (ANSA, avis comité juridique, 1er mars 2000, n° 3057, p. 21). Mais, à notre sens, l'article 96 du décret est suffisamment explicite pour que le conseil puisse prendre de telles décisions sans avoir nécessairement à se fonder sur une clause statutaire lui en donnant expressément le pouvoir.

3°  Publicité de la nomination

49. -  La nomination des membres du directoire fait l'objet de certaines mesures de publicité, que celle-ci intervienne lors de la constitution de la société ou durant la vie sociale :

-                  insertion dans un journal d'annonces légales du lieu du siège social (D. n° 67-236, 23 mars 1967, art. 285 et 287) ;
-                  dépôt au greffe du tribunal de commerce en annexe au registre du commerce et des sociétés de deux exemplaires de la décision du conseil de surveillance portant nomination des membres du directoire (D. n° 84-406, 30 mai 1984, art. 48 et 49) ;
-                  inscription au registre du commerce et des sociétés du lieu du siège social et, le cas échéant, du lieu des succursales (D. n° 84-406, 30 mai 1984, art. 14, 15 et 22) ;
-                  insertion dans le Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) à la diligence du greffier (D. n° 84-406, 30 mai 1984, art. 73 B et 74 B).

B. -  Durée des fonctions

50. -   Principe - Aux termes de l'article L. 225-62 du Code de commerce, "les statuts déterminent la durée du mandat du directoire dans les limites comprises entre deux et six ans. À défaut de disposition statutaire, la durée du mandat est de quatre ans".
Le directoire est nommé, in globo, pour la durée fixée dans les statuts ou, à défaut, pour la durée légale de quatre ans. Il n'est donc pas possible de prévoir des renouvellements partiels et successifs par roulement, contrairement à l'usage suivi pour les administrateurs (G. Ripert et R. Roblot, op. cit., par M. Germain et L. Vogel, n° 1694) ou pour les membres du conseil de surveillance (V. Fasc. 133-60).

51. -   Calcul du délai - S'agissant du point de départ du délai concernant la durée des fonctions du premier directoire, bien que d'éminents auteurs aient estimé que c'est la date de la nomination qui doit être prise en compte pour déterminer la durée des fonctions du directoire (J. Hémard, F. Terré et P. Mabilat, op. cit., t. 1, n° 1074), il nous semble que c'est la date de l'immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés, qui doit être retenue (en ce sens, A. Charvériat, A. Couret et B. Mercadal, op. cit., n° 9073).
Lorsque le directoire est nommé ou renouvelé dans ses fonctions durant la vie sociale, celles-ci doivent commencer à partir de la date arrêtée par le conseil de surveillance, le conseil devant faire en sorte, dans ses délibérations, qu'il n'y ait pas de discontinuité entre l'ancien et le nouveau directoire (A. Charvériat, A. Couret et B. Mercadal, op. cit., n° 9073). Le procès-verbal doit donc indiquer la date à partir de laquelle les fonctions de l'ensemble des membres du directoire débutent. Le délai imparti aux fonctions de membre du directoire se calcule de quantième à quantième. Les membres du directoire ainsi nommés doivent accepter leurs fonctions par écrit. L'acceptation peut être apposée sur le procès-verbal du conseil de surveillance ayant procédé à la nomination, ou encore figurer dans un acte séparé (J. Hémard, F. Terré et P. Mabilat, op. cit., t. 1, n° 1074).
On a pu pertinemment observer qu'il aurait été utile que le décret adopte, pour les membres du directoire, la solution retenue pour les administrateurs (D. 23 mars 1967, art. 77) comme pour les membres du conseil de surveillance (D. 23 mars 1967, art. 101), selon laquelle les fonctions des mandataires sociaux prennent fin à l'issue de l'assemblée générale ordinaire des actionnaires ayant statué sur les comptes de l'exercice écoulé et tenue dans l'année au cours de laquelle prend fin leur mission (J. Hémard, F. Terré et P. Mabilat, op. cit., t. 1, n° 1074).

52. -   Président du directoire - L'article L. 225-62 du Code de commerce ne vise que la durée des fonctions des membres du directoire et non celles du président du directoire. Aussi, les statuts ou le conseil de surveillance pourraient, à notre avis, fixer, pour l'exercice des fonctions du président, une durée plus courte que celle prévue pour l'ensemble des membres du directoire (En ce sens, CA Paris, 3e ch. C., 10 déc. 1999 : Juris-Data n° 1999-116251 ; D. 2000, jurispr. p. 100 ; JCP E 2000, p. 798, n° 4, obs. A. Viandier et J.-J. Caussain. - Contra J. Hémard, F. Terré et P. Mabilat, op. cit., t. 1, n° 1104). En revanche, il ne serait pas possible de prévoir une durée plus longue. D'autre part, le conseil de surveillance a toujours la possibilité de réduire la durée du mandat du président, comme des directeurs généraux, en leur retirant leur seul titre de représentant légal de la société, tout en leur laissant la qualité de membre du directoire (sur la révocation, V. infra n° 78. - Sur le rôle du président du directoire, V. infra n° 99).

53. -   Adjonctions - Selon l'article 96 du décret du 23 mars 1967, le nombre des membres du directoire est fixé par les statuts ou, à défaut, par le conseil de surveillance. Si le conseil désigne seulement certains membres, il lui est, semble-t-il, possible, au cours de la période considérée, de procéder à une ou plusieurs adjonctions. Dans ce cas, la durée des fonctions de ces nouveaux membres, comme celle des membres nommés, en cas de vacance, à titre provisoire, prendra fin en même temps que celle des autres membres du directoire (dans ce sens, H. Lecompte, Étude de divers problèmes concernant le fonctionnement des sociétés à directoire, Mélanges Bastian : Librairies Techniques, 1974, t. 1, p. 147). Ce point est, cependant, discuté (V. supra n° 48. - V. en particulier, J. Hémard, F. Terré et P. Mabilat, op. cit., t. 1, p. 1073).

54. -   Rééligibilité - La loi qui dispose que les administrateurs (C. com., art. L. 225-18) de même que les membres du conseil de surveillance (C. com., art. L. 225-75, al. 2), "sont rééligibles, sauf stipulation contraire des statuts", n'a rien prévu en ce qui concerne les membres du directoire. Les textes ne l'interdisant pas, il convient donc d'admettre que les membres du directoire dont le mandat est arrivé à son terme sont, sauf stipulation contraire des statuts, rééligibles (J. Hémard, F. Terré et P. Mabilat, op. cit., t. 1, n° 1075. - G. Ripert et R. Roblot, par M. Germain et L. Vogel, op. cit., t. 1, n° 1694. - A. Charvériat, A. Couret et B. Mercadal, op. cit., n° 9082. - J. Mestre, D. Velardocchio : Lamy Sociétés, op. cit., n° 3515).

C. -  Fin des fonctions

1°  Généralités

55. -  À l'exclusion des cas où l'initiative de la fin anticipée des fonctions a été prise par le membre du directoire intéressé (V. infra n° 56) ou par un organe de la société (V. infra n° 57), les fonctions de membres du directoire prennent fin dans les cas suivants :

-                  arrivée du terme fixé par les statuts ou, à défaut, par la loi (C. com., art. L. 225-62) ;
-                  atteinte de la limite d'âge (C. com., art. L. 225-60. - V. supra n° 46) ; lorsqu'un membre du directoire atteint la limite d'âge, il est réputé démissionnaire d'office ;
-                  décès ;
-                  survenance d'une cause d'incapacité ou d'incompatibilité (V. supra n° 5 à 8 ; 11 à 18 ; 40 et 41) ; dans ce cas, le membre du directoire doit démissionner de ses fonctions ;
-                  survenance d'une cause d'interdiction ou de déchéance (C. com., art. L. 128-1 à L. 128-6 - V. supra n° 23) ; la démission forcée du membre du directoire s'impose également dans ce cas ;
-                  changement du mode de direction et d'administration de la société (C. com., art. L. 225-57, al. 2) ; il a été jugé que, dès lors que l'assemblée générale a un motif légitime de modifier le mode de gestion d'une société anonyme à directoire, qui se révèle peu souple à l'expérience, un membre du directoire ne peut pas estimer qu'il est révoqué sans juste motif ; il n'y a eu que suppression de poste (CA Paris, 4e ch. A, 20 déc. 1982 : Rev. sociétés 1983, p. 786 s., note P. Le Cannu). De même, la Cour de cassation a considéré qu'en cas de substitution de la formule du conseil d'administration à celle du directoire et du conseil de surveillance, le président du directoire ne peut prétendre que la suppression de son poste résultant du changement du mode de gestion de la société constitue une révocation sans juste motif. Cependant, si la preuve est rapportée que la modification a été utilisée dans le but d'évincer le dirigeant de son mandat social, l'intéressé pourrait prétendre à des dommages et intérêts (Cass. com., 4 févr. 1997 : Juris-Data n° 1997-000440 ; Bull. Joly 1997, p. 306, § 122, note P. Le Cannu ; Dr. et patrimoine mai 1997, p. 94, note J. P. Bertrel ; JCP E 1997, 676, n° 6, obs. A. Viandier et J.-J. Caussain) ;
-                  transformation de la société en une société d'une autre forme (C. com., art. L. 225-243) ; la transformation n'est possible que si la société a au moins deux ans d'existence et a fait approuver par les actionnaires le bilan des deux premiers exercices ;
-                  dissolution de la société (C. com., art. L. 237-15).
Les fonctions de membre du directoire prennent également fin d'une manière anticipée soit par la démission volontaire de l'intéressé, soit encore par la révocation à l'initiative de l'organe compétent de la société.

2°  Démission volontaire

56. -  Sauf au cas où un préavis serait prévu par une stipulation particulière des statuts ou dans le procès-verbal de la délibération du conseil de surveillance ayant procédé à leur nomination, les membres du directoire peuvent se démettre, à tout moment, de leurs fonctions en notifiant leur démission au conseil de surveillance. Toutefois, si cette démission est abusive et cause un préjudice à la société, la responsabilité des membres du directoire pourrait se trouver engagée et exposer ceux-ci à des dommages et intérêts (P. Le Cannu, La société anonyme à directoire, op. cit., n° 411 s. - V. également H. Souleau, Les démissions des dirigeants des sociétés commerciales : RTD com. 1972, p. 21. - D. Martin, La démission des organes de gestion des sociétés commerciales : Rev. sociétés 1973, p. 273). Selon la jurisprudence, une démission produit tous ses effets vis-à-vis de la société, dès qu'elle lui est notifiée et sans qu'il soit nécessaire que les formalités de publicité soient déjà effectuées. En outre, une telle démission ne nécessite aucune acceptation de la part de la société et ne saurait faire l'objet d'une rétractation, sauf si le démissionnaire est en mesure d'en contester la validité en apportant la preuve que sa volonté n'a pas été libre et éclairée. En revanche, à l'égard des tiers, la démission ne sera opposable qu'à compter du moment où les formalités de publicité auront été effectuées (CA Paris, 15 mars 2002 : JCP E 2003, 1639, n° 4, obs. J.-J. Caussain, Fl. Deboissy et G. Wicker. - Cass. com., 14 oct. 1997 : Bull. Joly 1997, p. 1084, § 390, note J.-M. Calendini. - Cass. com., 22 févr. 2005 : JCP E 2005, 1046, n° 8, obs. J.-J. Caussain, Fl. Deboissy et G. Wicker).

3°  Révocation

57. -  Le régime diffère selon qu'il s'agit de la révocation d'un membre du directoire, au titre de cette fonction, ou du retrait de la seule qualité de président ou de directeur général. En outre, la révocation peut donner lieu à l'attribution de dommages-intérêts si elle est abusive et/ou si le principe du contradictoire n'a pas été respecté.

a)  Révocation des membres du directoire

58. -   Historique - En droit allemand, l'organe compétent pour révoquer le Vorstand est l'Aufsichsrat et non pas l'assemblée (AktG., § 84, al. 3). C'est également ce qu'avait prévu la proposition d'une cinquième directive selon laquelle l'organe de direction est révoqué par le conseil de surveillance (proposition d'une cinquième directive, art. 13.1 : Journal Officiel des communautés européennes 2 Décembre 1991). C'est donc le même organe qui nomme et qui révoque l'organe de direction (V. Fasc. 133-40). Lorsque furent discutés devant le Parlement les amendements déposés par Messieurs Capitant et Le Douarec visant à introduire dans la future loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, un nouveau mode de gestion des sociétés anonymes reposant sur un directoire et un conseil de surveillance (V. Fasc. 133-40), le texte soumis par les promoteurs de cette réforme à l'Assemblée nationale prévoyait que les membres du directoire, bien que nommés par le conseil de surveillance, ne pouvaient être révoqués que par l'assemblée générale sur proposition du conseil de surveillance (JOAN, 9 juin 1965, p. 1866). Adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, ce texte fut modifié par le Sénat à la suite d'une intervention de M. Étienne Dailly qui fit valoir que la révocation n'était pas conforme au principe de la concordance des formes et que, dès lors, le conseil de surveillance devait avoir, non seulement le pouvoir de nommer le directoire, mais également celui de le révoquer (JO Sénat, 23 avr. 1966, p. 249 et 254). Rétabli en deuxième lecture par l'Assemblée nationale (JOAN, 11 juin 1966, p. 1938), l'amendement fut à nouveau repoussé par le Sénat. C'est finalement la Commission mixte paritaire qui mit fin à cette divergence en retenant le texte de l'Assemblée nationale (V. M. Hamiaut, La réforme des sociétés commerciales : Dalloz 1966, t. II, p. 102).
Il en est résulté l'article 121 de la loi du 24 juillet 1966 aux termes duquel "les membres du directoire peuvent être révoqués par l'assemblée générale, sur proposition du conseil de surveillance".
L'intention du législateur ayant donc été de renforcer la position des membres du directoire, ces derniers se trouvaient, en principe, à l'abri d'une révocation impromptue par l'assemblée générale, puisque cela impliquait que le conseil de surveillance en décide ainsi, puis réunisse extraordinairement une assemblée générale ordinaire afin de lui demander de procéder à la révocation. Quant à l'assemblée générale, elle demeurait l'organe souverain de la société, puisqu'elle pouvait approuver ou rejeter la proposition de révocation du directoire. En outre, si, malgré le souhait de la majorité des actionnaires, le conseil de surveillance se refusait à proposer à l'assemblée la révocation des membres du directoire, le dernier mot lui restait, puisqu'elle pouvait, à tout moment, mettre fin aux fonctions des membres de ce conseil, sans inscription préalable à l'ordre du jour.
La procédure de révocation des membres du directoire impliquait donc que deux décisions fussent prises et se succédassent dans l'ordre déterminé par la loi : tout d'abord, l'initiative de la révocation de la compétence du conseil de surveillance, puis l'approbation ou le rejet de la proposition de révocation du ressort de l'assemblée générale des actionnaires. Il a ainsi pu être jugé sous cette réglementation impérative qu'encourait la nullité la révocation d'un membre du directoire décidée par le conseil de surveillance (CA Pau, 2e ch., 29 janv. 1991 : Juris-Data n° 1991-040880 ; JCP E 1991, 87, n° 7, obs. A. Viandier et J.-J. Caussain).
L'absence de symétrie entre nomination et révocation fit l'objet de critiques de la part des milieux d'affaires et de praticiens de la société à directoire, au motif notamment que celle-ci pouvait, dans certains cas de conflits opposant le conseil de surveillance à un directoire composé de managers non-actionnaires, déboucher sur une impasse, si le conseil de surveillance, dans son intention de révoquer le directoire, se heurtait à l'opposition de l'assemblée générale (CREDA, J. Boucourechliev, H. Serbat, A. Lévi, M. Bouyssi et D. Baschet, La pratique de la société à directoire : Litec 1980, p. 196).
Déjà en 1975, le rapport Sudreau envisageait de rénover la structure de la société anonyme à directoire en proposant que la révocation des membres de l'organe de direction et de son président puisse être décidée par le conseil de surveillance seul, étant précisé que, dans le cas particulier du président, celui-ci pourrait présenter un recours devant l'assemblée générale (P. Sudreau, Rapport pour la réforme de l'entreprise : Doc. fr. 1975, p. 85).
Quelques années plus tard, le rapport du Sénateur Philippe Marini, bien que préconisant qu'une plus grande place soit accordée à la liberté contractuelle, se déclarait, en revanche, hostile à toute proposition tendant à permettre aux statuts de prévoir la révocation du directoire par le conseil de surveillance, au motif que ce dispositif, en assurant la prééminence du conseil de surveillance sur le directoire, " mettrait directement en péril l'équilibre voulu par le législateur entre l'organe de gestion et l'organe de contrôle au sein de la société duale " (Ph. Marini, La modernisation du droit des sociétés : Doc. fr. 1996, p. 37).
Plus récemment, lors de la discussion devant le Parlement du projet de loi portant sur les nouvelles régulations économiques, de semblables réserves furent formulées par M. Éric Besson, rapporteur de ce texte devant l'Assemblée nationale (Rapport Besson AN n° 2327 : JOAN 12 avr. 2000, p. 224), qui craignait qu'une telle réforme ne fragilise le directoire, tandis que M. Phillipe Marini, rapporteur de ce même texte devant le Sénat, dénonçait une aggravation d'un risque de confusion entre les deux formes de gestion des sociétés anonymes (Rapport Marini, Sénat n° 5, t. I, p. 309).
Un changement était néanmoins souhaité dans le sens d'un élargissement des possibilités en matière statutaire (V. Fasc. 133-40). Nonobstant les réserves des rapporteurs, mais prenant au contraire en considération ce souhait dans l'esprit du temps, c'est-à-dire la contractualisation du droit des sociétés, la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 sur les nouvelles régulations économiques (art. 108) a apporté une modification essentielle à l'article L. 225-61, alinéa 1er, du Code de commerce en disposant que "les membres du directoire ou le directeur général unique peuvent être révoqués par l'assemblée générale [sans que le conseil de surveillance ait à proposer la révocation], ainsi que, si les statuts le prévoient, par le conseil de surveillance". Par ce texte, le législateur a donc élargi le champ contractuel, en offrant la possibilité aux rédacteurs des statuts de décider que le conseil de surveillance aurait le droit de révoquer le directoire, l'assemblée générale demeurant, pour sa part, toujours compétente pour décider la révocation, sans que, comme c'était le cas auparavant, ce droit soit subordonné à une initiative en ce sens du conseil de surveillance (A. Viandier, Sociétés et loi NRE, les réformes de la loi "Nouvelles régulations économiques" : Mémento Lefebvre sociétés, 2001, n° 306. - J.-J. Daigre, La loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques : JCP E, 2001, p. 965).

1)  Organes compétents pour décider la révocation

59. -   Compétence de l'assemblée et du conseil de surveillance - La révocation des membres du directoire peut donc revêtir deux modalités distinctes :

-                  une compétence légale : celle de l'assemblée générale. Nonobstant toute clause contraire, la révocation peut être décidée par l'assemblée générale, sans que le conseil de surveillance ait nécessairement à en faire la proposition ;
-                  une compétence statutaire : celle du conseil de surveillance. À condition que les statuts contiennent une clause en ce sens, la révocation directe par le conseil de surveillance est possible, sans que l'assemblée ait à intervenir dans le processus.
Ainsi, chacun des deux organes, assemblée générale et conseil de surveillance, peut révoquer un membre du directoire, sans avoir à obtenir l'accord de l'autre (A. Couret, La Loi sur les nouvelles régulations économiques : JCP G 2000, 1339, § 44).
Aucun autre mode de révocation n'est envisageable. Ainsi, à la différence des gérants de SARL, qui peuvent être révoqués par les tribunaux, pour cause légitime, à la demande de tout associé (C. com., art. L. 223-25, al. 2), les membres du directoire ne peuvent faire l'objet d'une révocation judiciaire.

60. -   Révocation du directoire par l'assemblée générale - L'assemblée générale est compétente pour révoquer les membres du directoire, sans qu'il soit nécessaire, comme cela était le cas dans le régime antérieur à la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, que le conseil de surveillance intervienne pour proposer la révocation et, le cas échéant, pour convoquer l'assemblée. Cette nouvelle règle est d'ordre public, aucune clause statutaire ne pouvant, à notre avis, y déroger, en privant, par exemple, l'assemblée de son droit de révoquer ou en subordonnant sa décision à une intervention du conseil de surveillance ou d'un autre organe.

61. -   Convocation de l'assemblée générale - L'assemblée générale des actionnaires peut être convoquée concurremment par le directoire et par le conseil de surveillance. La rédaction de l'article L. 225-103 pourrait laisser supposer que ce n'est qu'en cas de défaillance du directoire que le conseil de surveillance pourrait convoquer l'assemblée générale. Une telle interprétation serait en contradiction avec la mission de contrôle dévolue au conseil de surveillance, qui implique que cet organe puisse user de son droit de convocation dans le cas, notamment, où, n'étant pas habilité par les statuts à révoquer le directoire, il voudrait soumettre à l'assemblée générale une résolution portant sur la révocation d'un ou plusieurs membres du directoire. Le conseil de surveillance a donc également la faculté de convoquer l'assemblée générale, quand il le juge utile, sans avoir à mettre en demeure le directoire de procéder lui-même à la convocation (dans le même sens, J. Hémard, F. Terré et P. Mabilat, op. cit., 1974, t. II, n° 9. - H. Lecompte, article préc., Mélanges Bastian, p. 155. - P. Le Cannu, La société anonyme à directoire, op. cit., n° 115. - V. Fasc. 133-60. - Pour un exemple : CA Paris, 1er ch. B, 5 mars 1999 : Juris-Data n° 1999-100248 ; Bull. Joly 1999, p. 686, § 153, note P. Le Cannu ; JCP E 1999, 1240, n° 8, obs. A. Viandier et J.-J. Caussain). Le conseil de surveillance peut prendre une telle initiative, aussi bien lorsque les statuts ne prévoient pas la possibilité d'une révocation directe par le conseil que dans l'hypothèse où celui-ci serait désireux de faire entériner par les actionnaires sa volonté de révoquer un ou plusieurs membres du directoire. Mais cette convocation peut également être faite par le directoire lui-même, dans l'hypothèse notamment où cet organe, statuant à la majorité prévue dans les statuts ou dans le règlement intérieur, souhaiterait le départ de l'un ou de plusieurs de ses membres. À défaut seulement d'une convocation par le directoire ou par le conseil de surveillance, l'initiative peut également en être prise par l'une des personnes visées par l'article L. 225-103 du Code de commerce, c'est-à-dire : les commissaires aux comptes ; un mandataire, désigné en justice, à la demande soit de tout intéressé en cas d'urgence, soit d'un ou plusieurs actionnaires réunissant au moins 5 % du capital social, soit d'une association d'actionnaires répondant aux conditions fixées à l'article L. 225-120 du Code de commerce ; les liquidateurs ; ou enfin, les actionnaires majoritaires en capital ou en droits de vote après une offre publique d'achat ou d'échange ou après une cession d'un bloc de contrôle.
Depuis la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 sur les nouvelles régulations économiques qui a modifié les dispositions du Code du travail relatives au comité d'entreprise (C. trav., art. L. 432-6-1), le comité d'entreprise a le droit de demander en justice la désignation d'un mandataire chargé de convoquer l'assemblée générale en cas d'urgence. Saisi de cette demande, le juge devra en apprécier les mérites au regard de l'intérêt social et non pas uniquement du seul intérêt des salariés. La finalité de cette disposition est, en effet, de permettre au comité d'entreprise d'oeuvrer comme un actionnaire, en vue de provoquer la réunion de l'assemblée et non d'utiliser cette procédure dans le cadre d'une concertation sociale ou d'une action syndicale (A. Viandier, Sociétés et loi NRE, op. cit., n° 392). L'auteur de la convocation arrête l'ordre du jour de l'assemblée (C. com., art. L. 225-105, al. 1er).

62. -   Délai de convocation de l'assemblée - En raison du délai de convocation de quinze jours minimum fixé par l'article 126 du décret du 23 mars 1967, l'assemblée générale ordinaire ne peut, en principe, statuer sur le sort des membres du directoire avant l'expiration de cette période. Ce délai peut, d'ailleurs, permettre aux membres du directoire concernés de préparer leur défense (P. Le Cannu, La société à directoire, op. cit., n° 379, p. 297). Cependant, ce laps de temps, normalement nécessaire pour réunir l'assemblée, peut, en pratique, se trouver abrégé si, lors de l'assemblée statuant sur cette révocation, tous les actionnaires sont présents ou représentés, l'article L. 225-104, alinéa 2, du Code de commerce, disposant, en effet, que dans ce cas, l'action en nullité pour convocation irrégulière est irrecevable (pour une illustration, CA Paris, 1re ch. B, 5 mars 1999 préc.).

63. -   Projets de résolution - Les projets de résolutions sont arrêtés par l'auteur de la convocation. Cependant, des actionnaires représentant au moins 5 % du capital ou une association d'actionnaires, au sens de l'article L. 225-120 du Code de commerce, peuvent requérir, dans les conditions prévues à l'article L. 225-105, alinéa 2, du Code de commerce, l'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée de projets de résolution en vue de proposer la révocation d'un ou plusieurs membres du directoire.

64. -   Incidents de séance - Les dispositions de l'article L. 225-105, alinéa 3, du Code de commerce, qui permettent à l'assemblée générale de révoquer, en toutes circonstances et sans inscription préalable à l'ordre du jour, un ou plusieurs administrateurs ou membres du conseil de surveillance, ne visent pas les membres du directoire. La révocation de ces derniers doit donc normalement être inscrite à l'ordre du jour de l'assemblée générale ordinaire à laquelle cette proposition sera faite par l'auteur de la convocation. Les commentateurs sont en désaccord sur le point de savoir s'il est possible de faire jouer, en cas d'urgence, la jurisprudence sur les " incidents de séance " qui a été consacrée par la loi du 24 juillet 1966 en ce qui concerne les administrateurs et les membres du conseil de surveillance (L. 1966, art. 160 devenu C. com., art. L. 225-105. - En ce sens, A. Charvériat, A. Couret et B. Mercadal, op. cit., n° 9091. - Ph. Merle, op. cit. n° 442. - Contra, G. Ripert et R. Roblot par M. Germain, op. cit., n° 1695).
La Cour d'appel de Paris s'est prononcée en faveur de l'application de la théorie des incidents de séance à propos de la révocation d'un membre du directoire (CA Paris, 25e ch., 17 janv. 2003 : Juris-Data n° 2003-214615 ; JCP E 2003, 1203, n° 6, obs. J.-J. Caussain, Fl. Deboissy et G. Wicker). Elle s'est fondée sur les arguments suivants.
Tout d'abord, l'article L. 225-105 du Code de commerce, qui dispose que l'assemblée générale ne peut délibérer sur une question qui n'est pas inscrite à son ordre du jour, fait exception pour la révocation des administrateurs ou des membres du conseil de surveillance. Cette disposition vise les membres des organes qui, en application de l'article L. 225-103 du Code de commerce, ont mission ou pouvoir de convoquer l'assemblée générale et d'en fixer l'ordre du jour. Or, aux termes de ce dernier texte, le directoire a également, à titre principal, mission de convoquer l'assemblée de sorte que l'exception prévue par l'article L. 225-103 est également applicable aux membres du directoire.
En outre, dans cette affaire, l'ordre du jour de l'assemblée avait principalement pour objet de délibérer sur le sort de la société du fait de la situation de ses capitaux propres devenus inférieurs à la moitié du capital social. Il était donc prévisible que les débats qui allaient intervenir sur l'avenir de la société, pouvaient déboucher sur le problème du maintien en fonction des membres composant la direction de la société.
Enfin, il était loisible à l'assemblée, en application combinée des articles L. 225-103 et L. 225-105 précités, de se saisir en séance, de l'éventuelle révocation de tout ou partie des membres du directoire au titre de la théorie des "incidents de séance".
Cette solution est semblable à celle déjà retenue par la jurisprudence pour les gérants de SARL pour lesquels l'éventualité d'une révocation résulterait implicitement d'un ordre du jour comprenant une question portant sur la gestion de la société ou sur son avenir (Cass. com., 29 juin 1993 : Juris-Data n° 1993-001429 ; JCP G 1993, IV, 2260 ; RJDA 11/1993, n° 914. - CA Paris, 2 juill. 1999 : RJDA 10/1999, n° 1089. - CA Orléans, 18 mars 1999 : JCP E 2000, p. 31, n° 8, obs. A Viandier et J.-J. Caussain - V. également ANSA, avis comité juridique, 7 mai 2003, p. 15).
En cas d'urgence, il serait donc toujours possible de recourir à la jurisprudence des "incidents de séance", antérieure à la loi du 24 juillet 1966, dans l'hypothèse d'incidents graves et imprévus (ANSA, avis préc.).

65. -   Décision de l'assemblée - La décision de révocation étant de la compétence de l'assemblée générale ordinaire, celle-ci statue aux conditions de quorum et de majorité prévues par l'article L. 225-98, alinéas 2 et 3, du Code de commerce. Les statuts ne pourraient stipuler des conditions de quorum ou de majorité autres que celles fixées dans ce texte dont les dispositions sont impératives (D. Bastian, article préc. : JCP G 1968, I, 2183). La décision de révocation devra être prise en évitant de porter atteinte aux règles établies par la jurisprudence lors de la révocation de mandataires sociaux au titre, d'une part, du caractère essentiellement abusif de la révocation (V. infra n° 81) et, d'autre part, du respect du principe du contradictoire (V. infra n° 82), sous peine de donner lieu à dommages-intérêts.

66. -   Révocation du directoire par le conseil de surveillance - À la différence de l'assemblée générale qui tient de la loi le pouvoir de révoquer les membres du directoire, le conseil de surveillance ne dispose de cette prérogative que si les statuts le prévoient expressément (C. com., art. L. 225-61, al. 1er).
Si tel est le cas, lorsque la révocation de tout ou partie des membres du directoire est envisagée, le conseil de surveillance doit se réunir effectivement en vue de délibérer sur cette question. La convocation doit normalement être faite par le président ou le vice-président (V. Fasc. 133-60). Mais le décret du 23 mars 1967 dispose que lorsqu'un membre au moins du directoire ou le tiers au moins des membres du conseil de surveillance lui présentent une demande motivée en ce sens, le président du conseil doit convoquer celui-ci à une date qui ne peut pas être postérieure de plus de 15 jours à celle de la réception de la demande (D. 23 mars 1967, art. 107, al. 2). À défaut, les auteurs de la demande peuvent procéder eux-mêmes à la convocation en indiquant l'ordre du jour de la séance (V. Fasc. 133-60).
Le conseil de surveillance doit statuer dans les conditions prévues par l'article L. 225-82 du Code de commerce. Cet organe ne peut délibérer valablement que si la moitié au moins de ses membres sont présents. À moins que les statuts ne prévoient une majorité plus forte, la décision doit être prise à la majorité des membres présents ou représentés. Sauf disposition contraire des statuts, la voix du président de séance est prépondérante en cas de partage (V. Fasc. 133-60).
Selon l'article L. 225-82, alinéa 2 du Code de commerce :

Sauf lorsque le conseil est réuni pour procéder aux opérations visées au cinquième alinéa de l'article L. 225-68 [présentation par le directoire des documents visés à l'article L. 225-100], et sauf disposition contraire des statuts, le règlement intérieur peut prévoir que sont réputés présents, pour le calcul du quorum et de la majorité, des membres du conseil de surveillance qui participent à la réunion par des moyens de visioconférence ou de télécommunication permettant leur identification et garantissant leur participation effective, dont la nature et les conditions d'application sont déterminées par décret en Conseil d'État. Les statuts peuvent limiter la nature des décisions pouvant être prises lors d'une réunion tenue dans ces conditions et prévoir un droit d'opposition au profit d'un nombre déterminé de membres du conseil de surveillance.


2)  Juste motif

67. -   Principe - L'article L. 225-61, alinéa 1er, du Code de commerce dispose que "si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à dommages-intérêts". D'autre part, qu'il y ait ou non juste motif, il résulte de la jurisprudence que la décision de révocation ne doit pas être entourée de circonstances injurieuses ou vexatoires, sous peine de pouvoir être considérée comme abusive et d'ouvrir droit à des dommages-intérêts (V. infra n° 81). De même, la décision de révocation doit respecter le principe du contradictoire posé par les tribunaux (V. infra n° 82).
La révocation des membres du directoire est libre. Elle peut intervenir même en l'absence de juste motif. Dans cette dernière hypothèse, la révocation reste valable, mais elle est alors susceptible de donner lieu à dommages-intérêts au profit du dirigeant limogé. En introduisant cette disposition dans la loi du 24 juillet 1966 (art. 121), les promoteurs de la réforme intervenue en 1966 avaient voulu assurer l'indépendance et la stabilité du directoire. M. Dailly, auteur de l'amendement, s'était clairement expliqué sur ce point : "pour donner de l'indépendance au conseil de direction (directoire), pour manifester que cette révocation ne devrait être prononcée que pour motif vraiment sérieux, nous avons prévu qu'à défaut de tel motif, elle peut donner droit à des dommages et intérêts, ce qui amènera, nous le pensons tout au moins, les membres du conseil de surveillance à une très grande prudence en cette matière" (JO Sénat 23 avr. 1966, p. 250). D'autre part : "Nous voulons indiquer que la révocation n'est pas subordonnée à un juste motif, mais qu'à défaut d'un motif valable, elle peut donner lieu à des dommages et intérêts" (JO Sénat 23 avr. 1966, p. 254).
On a pu s'interroger sur le point de savoir si la règle posée par la loi revêtait ou non un caractère impératif, et si les statuts pouvaient décider que la révocation des membres du directoire ne pourrait donner lieu, en cas d'absence de juste motif, à versement de dommages-intérêts.
La chambre civile de la Cour de cassation a eu l'occasion de se prononcer sur l'interprétation qu'il convenait de faire de l'article 1851, alinéa 1er, du Code civil, applicable aux sociétés civiles, aux termes duquel "si la révocation du gérant est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à dommages-intérêts" (Cass. 3e civ., 6 janv. 1999, SCI Forum de Grammont et a. c/ SARL sté immobilière d'investissement et de développement commercial : Juris-Data n° 1999-000018 ; JCP E 1999, n° 6, p. 253 et n° 10, p. 669, obs. A. Viandier et J.-J. Caussain ; LPA, 11 mars 1999, n° 50, p. 6). La Haute juridiction a ainsi censuré la Cour d'Orléans qui avait condamné une société à verser à son gérant révoqué en assemblée générale une indemnité provisionnelle, en considérant que l'article 1851 du Code civil n'autorise qu'une différence statutaire de majorité. À la suite de cet important arrêt, il semble dorénavant possible de prévoir dans les statuts d'une société civile une clause excluant pour le gérant le droit d'obtenir, en cas de révocation sans juste motif, des dommages-intérêts. Cet arrêt conforte la position adoptée, en la matière, par une partie de la doctrine à propos de la révocation du gérant de société civile (V. Fasc. 20-10 ; JCP G 1978, I, 2917, § 248, note Chartier).
La solution devrait, à notre avis, être transposable aux sociétés commerciales, dans la mesure où les textes visant la révocation des gérants (de SNC, de SCS et de SARL), des directeurs généraux délégués ou des membres du directoire, sont rédigés en des termes identiques à ceux de l'article 1851, alinéa 2, du Code civil. La doctrine reste cependant divisée sur la validité d'une clause statutaire prévoyant que, même en l'absence de juste motif de révocation, le gérant ou le membre du directoire n'aura droit à aucune indemnité (dans ce sens, A. Charvériat, A. Couret et B. Mercadal, op. cit., n° 5318 ; JCP G 1967, I, 2121, § 298, obs. D. Bastian. - Contra, J. Hémard, F. Terré et P. Mabilat, op. cit. t. 1, n° 1079).

68. -   Justes motifs et causes légitimes - En disposant que "si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à dommages-intérêts", la loi utilise la même formulation pour la révocation des membres du directoire (C. com., art. L. 225-61, al. 1er) et, depuis la loi du 15 mai 2001, du directeur général et des directeurs généraux délégués de la société anonyme à conseil d'administration (C. com., art. L. 225-55), que pour celle du gérant de la SARL (C. com., art. L. 223-25, al. 1er).
On a ainsi pu rapprocher la notion de "juste motif" de celle de "cause légitime" visant la révocation du gérant de SARL, admise sous l'empire de la loi du 7 mars 1925 (c'est, d'ailleurs, ce que précisait le Rapport Le Douarec lors des débats devant le Parlement : "il ne convient pas, semble-t-il, d'attacher à l'expression "justes motifs", en l'absence desquels la révocation par les associés peut ouvrir droit à indemnisation, une portée différente de celle de l'expression "cause légitime" sur laquelle peut être fondée une décision de révocation judiciaire" : Rapp. n° 1368 : JOAN 1965, p. 686). La grande majorité des auteurs n'hésite d'ailleurs pas à reconnaître l'identité de définition entre la cause légitime et le juste motif (G. Ripert et R. Roblot, par M. Germain et L. Vogel, op. cit., n°1695. - J. Hémard, F. Terré et P. Mabilat, op. cit., t. 1, n° 453 et 1079. - R. Baillod, Le "juste motif" de révocation des dirigeants sociaux : RTD com. 1983, p. 395 s.).
La faute commise par un gérant dans l'exercice de ses fonctions a toujours été considérée comme constituant une cause légitime de révocation, dès lors que celle-ci revêtait une certaine gravité. Ont ainsi été retenus comme causes légitimes : la violation des statuts, le détournement de fonds sociaux, la concurrence déloyale, l'abandon des fonctions, ou encore la négligence grave. Mais, la faute ne constitue pas la seule cause légitime de révocation : on a admis, en effet, que toute circonstance faisant douter des aptitudes du gérant à continuer la gestion pouvait être retenue, de même que toute circonstance compromettant la vie de la société en raison de faits provenant de la personne du gérant. Ainsi, ont pu être reconnues comme faits ou événements rendant impossible ou difficile la continuation normale de ses fonctions par le gérant, l'incapacité physique, la maladie prolongée, l'inaptitude intellectuelle ou l'impéritie. S'agissant, plus particulièrement des membres du directoire, on a pu remarquer que, dans ce type de société où les membres du directoire doivent concourir de façon quasi-permanente à la direction effective de la société, l'absence réitérée ou prolongée d'un membre du directoire aux délibérations de cet organe pourrait être retenue comme un motif suffisamment grave pour justifier sa révocation (H. Lecompte, op. cit., p. 74). Un certain nombre de décisions judiciaires rendues à propos de la révocation de membres du directoire permettent de mieux illustrer les critères retenus pour constater l'existence d'un juste motif.

69. -   Divergence de conception entre le dirigeant et les actionnaires - La divergence de conception sur la manière de gérer une société, lorsqu'elle surgit entre un nouveau groupe d'actionnaires prépondérants et un membre du directoire antérieurement en fonction, suffit à légitimer le motif de la révocation sans qu'il y ait pour autant faute du mandataire révoqué (T. com. Paris., 5 juill. 1972 : Gaz. Pal. 1973, 1, p. 298, note P. Delaisi ; JCP G 1974, II, 17743, note H. M. Synvet ; RTD com. 1973, p. 575. obs. R. Houin ; Bull. Joly 1973, p. 275, § 122). La solution de principe émanant de ce jugement du Tribunal de commerce de Paris, (première décision judiciaire publiée relativement à la révocation d'un membre du directoire) a été consacrée, dans une autre espèce, par la chambre commerciale de la Cour de cassation, qui a pu décider que le juste motif peut résulter de la divergence de vue sur la gestion ou sur la politique sociale survenant entre un membre du directoire et un nouveau groupe d'actionnaires majoritaires (Cass. com., 17 juill. 1984 : Rev. sociétés 1984, p. 791, note J. Guyénot ; D. 1985, inf. rap. p. 137, note J.-Cl. Bousquet. - V. également, dans le même sens, CA Angers, 2e ch., 22 nov. 1983 : Rev. sociétés 1983, p. 782, note R. Plaisant. - CA Paris, 25e ch. A., 17 janv. 2003 : JCP E 2003, 1203, n° 5, obs. J.-J. Caussain, Fl. Deboissy et G. Wicker).
La Cour de Paris a pu juger que la mésentente d'un membre du directoire avec les autres membres, pas plus qu'une position divergente de sa part, ne saurait constituer un juste motif de révocation, si celles-ci demeurent sans conséquence sur le fonctionnement de la société (CA Paris, 3e ch. B, 28 mai 2004 : JCP E 2005, 131, n° 6, obs. J.-J. Caussain, Fl. Deboissy et G. Wicker). Cette décision a fait l'objet d'une cassation partielle, au motif que les juges parisiens avaient méconnu les exigences de l'article 455 du Nouveau Code de procédure civile, en ne répondant pas au moyen invoqué par la société selon laquelle la dirigeante révoquée, convoquée pour répondre à la situation de blocage au sein du directoire, à la politique duquel elle s'était opposée en refusant la réorganisation de la société décidée antérieurement, avait nié tout grave dysfonctionnement du directoire et refusé toute solution à celui-ci, ce qui avait justifié sa révocation par le conseil de surveillance (Cass. com., 25 avr. 2006, n° 04-18.091 : Juris-Data n° 2006-033252).

70. -   Mauvaise situation financière de la société - La dégradation des finances de la société peut également être retenue comme juste motif. Il a ainsi été jugé que constituaient de justes motifs de révocation une réorganisation de l'entreprise imposée par les banques et la faute commise par l'intéressé, ne serait-ce que par inertie, dans l'aggravation de la situation financière de la société (CA Rennes, ch. soc., 28 mars 1973 : JCP G 1974, II, 17743, note H. M. Synvet ; Journ. sociétés 1974, p. 167, n° 8171 ; Rev. sociétés 1974, p. 708, note J.-J. Burst ; RTD com. 1974, p. 298, obs. R. Houin). Dans le même sens, les juges ont pu estimer que la dégradation financière de la société provoquée par la politique financière et commerciale du président du directoire, justifiait sa révocation (CA Paris, 11 mars 1983 : JCP G 1983, II, 20093, concl. Connen).

71. -   Critère de l'intérêt social - Le juste motif peut également être apprécié au regard de l'intérêt social, sans que soit invoquée une quelconque faute du membre du directoire révoqué (Cass. com., 24 avr. 1990, J. Kauffman c/ SA Phoenix : Juris-Data n° 1990-001241 ; BRDA 1990/13, p. 9). En l'espèce, il résultait des déclarations faites par le dirigeant évincé, tant devant le directoire que devant le comité d'établissement, que celui-ci avait accepté de lier le sort de son mandat social à son contrat de travail et de s'en remettre à la volonté des actionnaires, tout en admettant que lui-même ne serait pas utile à la société, dans l'hypothèse d'une modification des structures de celle-ci. Aussi, les actionnaires ont-ils pu, après l'échec des négociations dans la perspective d'une reprise de la société et la mise en place d'une nouvelle équipe dirigeante, consécutivement à la démission de son poste de directeur général, alors que l'objectif était de prendre de nouvelles directions dans l'espoir de redresser la situation économique de l'entreprise, considérer que la continuation de son mandat au sein du directoire n'était pas conforme aux intérêts fondamentaux de la société et que sa révocation reposait sur une cohérence de motifs.

72. -   Changement du mode de gestion - La jurisprudence ne considère pas que constitue une révocation sans juste motif, mais au contraire une simple suppression de poste, la décision de l'assemblée générale extraordinaire de substituer au directoire et au conseil de surveillance un conseil d'administration, dans la mesure où l'assemblée a un motif légitime de changer le mode de gestion qui se révèle peu souple à l'expérience (CA Paris, 4e ch. A, 20 déc. 1982, préc. n° 55. - Dans le même sens, Cass. com., 4 févr. 1997 : Juris-Data n° 1997-000440 ; Bull. Joly 1997, p. 306, § 122, note P. Le Cannu ; JCP E 1997, 676, n° 6, obs. A. Viandier et J.-J. Caussain). À notre avis, cette solution doit être étendue au cas où la société se transforme en une société d'une autre forme (C. com., art. L. 225-243, anciennement L. 1966, art. 236). Les motifs de la décision prise par l'assemblée ne seraient contestables que s'ils se révélaient abusifs ou frauduleux.

73. -   Volonté des actionnaires de mettre fin coûte que coûte au mandat - En revanche, l'acharnement dont peuvent faire preuve des actionnaires majoritaires souhaitant évincer un membre du directoire peut avoir pour effet de ruiner le motif mis en avant pour justifier leur révocation. La chambre commerciale de la Cour de cassation a ainsi rejeté le pourvoi dirigé contre la décision d'une cour d'appel qui avait condamné une société à verser une indemnité à un directeur général unique révoqué, car celle-ci avait relevé que "les motifs mis en avant dans le rapport du conseil de surveillance à l'assemblée générale des actionnaires, qui a entraîné la décision de révocation prise par cette assemblée, se révèlent sans réalité et traduisent la volonté de G..., président dudit conseil et largement majoritaire, de mettre fin coûte que coûte au mandat de R..." (Cass. com., 23 juin 1975 : Bull. civ. 1975, IV, n° 177 ; RTD com. 1976, p. 145, obs. R. Houin). Il y avait donc absence de motif légitime car la révocation ne s'expliquait que par la volonté de l'actionnaire majoritaire et les motifs apparents qui avaient été donnés étaient faux. Cela suffisait pour que le directeur général unique révoqué ait droit à des dommages-intérêts (dans le même sens, CA Paris, 3e ch. A, 17 nov. 1992 : Juris-Data n° 1992-600147 ; Bull. Joly 1993, p. 443, § 128, note J.-J. Caussain ; Rev. sociétés 1993, p. 813, note P. Le Cannu).

74. -   Liberté de vote des membres du directoire - Selon un arrêt de la Cour de Paris (CA Paris, 3e ch. B., 20 nov. 1980, SA Groupement européen pharmaceutique GEP c/ F. Jurien de la Gravière, Pierre Monot : Juris-Data n° 1980-600440 ; Bull. Joly 1981, p. 32 ; Gaz. Pal. 1981, 1, p. 300, note APS ; Rev. sociétés 1981, p. 583, note P. Le Cannu ; et sur pourvoi, Cass. com., 7 juin 1983 : Juris-Data n° 1983-701772 ; Rev. sociétés 1983, p. 796, note P. Le Cannu ; Bull. Joly 1983, p. 705, § 306), le fait pour un membre du directoire soit de voter pour ou contre une résolution proposée par l'assemblée générale, soit de s'abstenir sur ce vote lorsque celui-ci ne met pas en cause la gestion des affaires sociales, ne peut constituer un juste motif de révocation au sens de l'article L. 225-61 du Code de commerce ; en décider autrement aurait, en effet, pour conséquence d'une part, d'imposer à tout membre du directoire, renonciation à sa liberté d'expression, alors que l'un de ses rôles consiste précisément à exprimer librement son opinion compte tenu de ses vues personnelles, d'autre part, de laisser libre carrière à l'arbitraire en permettant aux associés majoritaires d'échapper aux dispositions de l'article L. 225-61 du Code de commerce précité relatives aux dommages-intérêts auxquels peut prétendre le révoqué sans juste motif.
La solution de cet arrêt est intéressante dans la mesure où la cour d'appel a admis implicitement que les membres du directoire peuvent utiliser les deux causes d'indemnisation : le juste motif et l'abus de droit (V. infra n° 81). La disposition particulière de l'article L. 225-61 du Code de commerce ne les empêche pas de se prévaloir des fautes qui ont accompagné leur révocation. Ils peuvent choisir l'une ou l'autre voie (suivant les faits), ou les cumuler, ce qui n'est qu'une conséquence logique de la distinction entre les circonstances et les motifs (P. Le Cannu, note préc.). Ainsi, il a pu être jugé que la révocation d'un membre du directoire, bien qu'intervenue pour justes motifs, peut néanmoins donner lieu à dommages-intérêts si cette révocation s'est opérée dans des conditions contestables (CA Paris, 5e ch. A, 31 janv. 2001 : Juris-Data n° 2001-134211 ; Rev. sociétés 2001, p. 409, note Y. Guyon).

75. -   Révocation concomitante au licenciement - Le comportement d'un membre du directoire peut justifier son licenciement sans pour autant constituer un juste motif de révocation de son mandat social.
Un membre du directoire d'une société anonyme avait été révoqué lors d'un conseil de surveillance, en raison de sa participation dans le capital d'une autre société, et il avait été mis, dans le même temps, fin à son contrat de travail pour faute lourde. Celui-ci a par la suite contesté son licenciement devant le conseil de prud'hommes et sa révocation devant le tribunal de commerce. La Cour de Paris a confirmé le jugement du tribunal de commerce, retenant que la révocation était abusive. Saisie à son tour, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la société, relevant que, ayant à statuer sur la révocation des fonctions de membre du directoire, la cour d'appel n'était pas tenue par les motifs du jugement du conseil des prud'hommes statuant sur le licenciement de celui-ci de son emploi de directeur général adjoint et établissant la faute grave de l'intéressé, et avait légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 225-61 du Code de commerce.
Ayant relevé, en second lieu, dans l'exercice de son pouvoir souverain, le défaut d'identité d'objet social entre les sociétés concernées, et qu'en absence de tout contrat écrit avant la date de révocation portant sur les prestations de services informatiques effectuées par la société au sein de laquelle l'intéressé s'est associé au profit de la société qu'il dirigeait, il n'était pas établi que les conditions de réalisation de ces prestations étaient imputables au dirigeant révoqué, ni qu'un préjudice pouvait en résulter pour la société, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait (Cass. com., 20 juin 2006, n° 05-14.168 : Juris-Data n° 2006-034378 ; Dr. sociétés 2006, comm. 142, note J. Monnet).
En revanche, dans une autre espèce, la Cour d'appel de Paris a rejeté les prétentions d'un membre du directoire qui, ayant été révoqué et licencié, avait invoqué l'absence de juste motif. La cour a considéré que ce dernier cumulait son mandat social avec un contrat de travail et que le mandat social qui était lié au contrat de travail ne faisait l'objet d'aucune rémunération. Dès lors, la rupture du contrat de travail n'entraînait pas automatiquement la révocation mais la justifiait (CA Paris, 3e ch. B, 26 janv. 2006 : Juris-Data n° 2006-293486).

3)  Effets de la révocation

76. -   Allocation de dommages-intérêts en cas d'absence de juste motif - Selon l'article L. 225-61, alinéa 1er, du Code de commerce (anciennement L. 1966, art. 121, al. 1er), "si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à dommages-intérêts". Le montant des dommages-intérêts, auxquels peut prétendre un membre du directoire révoqué en l'absence de juste motif, doit être fixé en fonction du préjudice subi, celui-ci n'étant pas nécessairement égal à la perte de la rémunération à laquelle pouvait prétendre l'intéressé jusqu'au terme normal de ses fonctions (Cass. com., 22 nov. 1977 : Bull. civ. 1977, IV, n° 277 ; Dr. sociétés 1978, comm. 94 ; Juris-Data n° 1977-000438 ; Rev. sociétés 1978, p. 483, note Y. Guyon ; D. 1978, p. 645, note J. Guyénot). Le membre d'un directoire révoqué sans juste motif est en droit de voir évaluer le préjudice qu'il a subi au titre de la perte de sa rémunération en sa qualité de mandataire social, indépendamment de sa perte de salaire qui n'est pas la conséquence de sa révocation (CA Paris, 3e ch. A, 17 nov. 1992, préc.).

77. -   Maintien du contrat de travail - Aux termes de l'article L. 225-61, alinéa 2, du Code de commerce (anciennement L. 1966, art. 121, al. 2), au cas où un membre révoqué aurait conclu avec la société un contrat de travail, la révocation de ses fonctions de membre du directoire n'a pas pour effet de résilier ce contrat. En consacrant la possibilité de cumuler le mandat de membre du directoire avec un contrat de travail, le législateur a pris soin de préciser que l'interruption du premier n'entraînait pas la résiliation du second (V. supra n° 32 à 39). Cette dualité de situation conduit, en cas de révocation accompagnée d'un licenciement, à une dualité de préjudices et d'instances et donc à un cumul d'indemnités, qui peut représenter, en faveur des membres du directoire salariés, une protection renforcée (P. Le Cannu, La société anonyme à directoire, op. cit., n° 314. - J.-J. Caussain, op. cit., n° 28).

b)  Révocation des représentants légaux (président du directoire, directeurs généraux, directeur général unique)

78. -   Président du directoire - La réforme opérée par la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques a eu pour effet de permettre aux statuts de conférer au conseil de surveillance le pouvoir de révoquer le directoire, mais n'a pas réglementé les modalités de la révocation du président du directoire en cette seule qualité. Dès lors, est-ce au seul conseil de surveillance qu'incombe le droit de retirer à l'intéressé sa qualité de président, tout en lui conservant ses fonctions de membre du directoire, ou lorsque les statuts n'ont pas donné au conseil de surveillance le droit de révoquer le directoire, la situation doit-elle être assimilée à une révocation complète relevant de l'assemblée générale ?
Pour de nombreux auteurs, le retrait de la qualité de président, sans que cette mesure soit accompagnée de la révocation des fonctions de membres du directoire, devrait obéir au principe du "parallélisme des formes" et, dès lors, relever de la compétence du conseil de surveillance (D. Bastian, article préc., n° 482. - G. Ripert et R. Roblot, op. cit., t. 1, n° 1699. - A. Charvériat, A. Couret et B. Mercadal, op. cit., n° 9096. - P. Le Cannu, La société anonyme à directoire, op. cit., n° 382. - Contra, J. Hémard, F. Terré et P. Mabilat, op. cit., n° 1104. - Contin et Deslandes, op. cit., n° 299 ; Lecompte, À propos de la révocation des membres du directoire : Journ. Sociétés 1974, p. 65, n° 65). Cette interprétation a été retenue par un arrêt de la Cour d'appel de Douai, aux termes duquel "le pouvoir de conférer à l'un des membres du directoire la qualité de président implique le pouvoir de retirer cette qualité à celui qui en est investi" (CA Douai, 17 juin 1976 : D. 1977, jurispr. p. 518, note J.-C. Bousquet. - V. aussi Contin et Deslandes, article préc., n° 299 s. ; Rev. sociétés 1977, p. 266, note J.-J. Burst ; Gaz. Pal. 1977, 1, p. 157, note A.P.S. ; RTD com. 1977, p. 548, R. Houin, confirmant T. com. Roubaix, 25 juill. 1973 : RTD com. 1973, p. 577, obs. R. Houin).
La solution a été réaffirmée ultérieurement, dans des termes identiques, par une décision de la Cour de Paris (CA Paris, 10 déc. 1999, 3e ch. C., Micoud c/ Sté Gesta : Juris-Data n° 1999-116251 ; Bull. Joly 2000, p. 313, § 60, note P. Le Cannu ; JCP E 2000, p. 798, n° 5, obs. A. Viandier et J.-J. Caussain), puis, plus récemment, par un arrêt la Cour de Versailles qui s'est fondée sur l'article 2004 du Code civil qui donne pouvoir au mandant de révoquer le mandataire, quand bon lui semble, pour décider que, "à défaut de dispositions statutaires contraires, la révocation du président du directoire, indépendamment de ses fonctions de membre de cette collégialité, peut intervenir à tout moment sur décision du conseil de surveillance, sans la nécessité d'un motif" (CA Versailles, 12e ch., sect. 2, 17 mars 2005 : Juris-Data n° 2005-269538 ; JCP E 2005, 1834, n° 7, obs. J.-J. Caussain, Fl. Deboissy et G. Wicker).
Ainsi, les dispositions de l'article L. 225-61, alinéa 1er, du Code de commerce, ne doivent pas, dans cette hypothèse, trouver à s'appliquer. La révocation ad nutum reste donc la règle ; dès lors, le retrait de la qualité de président ne doit ni se fonder sur un juste motif ni, en l'absence de celui-ci, donner lieu à dommages-intérêts (en ce sens, A. Charvériat, A. Couret et B. Mercadal, op. cit., n° 9096. - R. Houin, obs. préc.).

79. -   Directeurs généraux - II résulte de la solution retenue pour le président du directoire, que le pouvoir de représentation peut être également retiré, dans les mêmes conditions, aux directeurs généraux par le conseil de surveillance (V. également, P. Le Cannu, La société anonyme à directoire, op. cit., n° 382).

80. -   Directeur général unique - Lorsque la révocation concerne le directeur général unique, qui cumule à la fois le pouvoir de direction et celui de représentation, la solution variera selon ce que les statuts auront prévu. Si le droit de révoquer n'a pas été attribué au conseil de surveillance par les statuts, la révocation ne peut relever que de la seule compétence de l'assemblée générale, la révocation des fonctions de membre du directoire entraînant automatiquement celles de directeur général unique. En revanche, si le conseil de surveillance est habilité par les statuts à révoquer les membres du directoire, le directeur général unique pourra être révoqué soit par le conseil de surveillance soit par l'assemblée.

c)  Révocation abusive

81. -  Le droit de révoquer peut trouver une limite lorsque la révocation est abusive. Les dirigeants évincés, quelle que soit la forme de la société, disposent, indépendamment d'une éventuelle demande de dommages-intérêts fondée sur une absence de juste motif, d'un recours fondé sur le droit commun de la responsabilité civile (C. civ., art. 1382). En exerçant un droit, celui de révoquer, la société peut, en effet, engager sa responsabilité dès lors qu'elle en abuse (Ph. Reigné, Révocabilité ad nutum des mandataires sociaux et faute de la société : Rev. sociétés 1991, p. 499. - M. Cozian, A. Viandier et Fl. Deboissy, Droit des sociétés : Litec 2005, 18e éd., n° 686 s.). Dans ce cas, il y a faute intentionnelle, imprudence ou négligence. Ainsi, lorsque la décision de révocation a été entourée de circonstances injurieuses ou vexatoires à l'égard du dirigeant évincé, les tribunaux considèrent que celle-ci est abusive et qu'elle ouvre droit à des dommages-intérêts. Une illustration fameuse en a été donnée par le litige qui avait opposé M. Louison Bobet à la société Thalassa International. Cette dernière avait ainsi été condamnée à verser des dommages-intérêts à l'ancien champion cycliste, lequel, révoqué de son mandat de président-directeur général, avait dû quitter les lieux où il exerçait ses fonctions dans des conditions de rapidité telles, qu'elles tendaient à le discréditer auprès de la clientèle avec laquelle il gardait un contact constant. En outre, un communiqué de presse avait été publié annonçant sa révocation alors que se déroulait le tour de France cycliste (Cass. soc., 19 oct. 1981 : Rev. sociétés 1982, p. 821, note J.-L. Sibon). Dans une autre affaire, le directeur général d'une société anonyme avait appris par une note de service sa prochaine révocation. Une fois révoqué, il avait été prié sans aménité de quitter son bureau et de restituer les papiers et les clés de sa voiture de fonction. Ces éléments furent retenus comme constitutifs d'une révocation abusive par les juges qui allouèrent à l'intéressé 100 000 F de dommages-intérêts (CA Paris, 21 nov. 1991 : Juris-Data n° 1991-024161 ; JCP E 1992, I, 145, n° 8, obs. A. Viandier et J.-J. Caussain). Ces solutions jurisprudentielles sont applicables aux membres et au président du directoire (pour un exemple d'attribution de dommages-intérêts pour révocation abusive, néanmoins intervenue pour justes motifs, V. CA Paris, 5e ch. A, 31 janv. 2001 : Juris-Data n° 2001-134211 ; Rev. sociétés 2001, p. 409, note Y. Guyon ; JCP E 2001, 1910, n° 6, obs. A. Viandier et J.-J. Caussain).

d)  Respect du principe du contradictoire

82. -  Les membres du directoire, qu'ils soient révoqués par l'assemblée ou par le conseil de surveillance, de même que le président du directoire lorsque celui-ci est remercié par le conseil de surveillance, doivent avoir été mis en mesure de présenter leurs observations ou leur défense préalablement à la décision mettant fin à leurs fonctions. Il a été ainsi jugé qu'un directeur général d'une société anonyme de type classique dont la révocation est envisagée a le droit de se faire entendre par le conseil d'administration avant que celui-ci prenne sa décision, faute de quoi la révocation est abusive eu égard aux circonstances dans lesquelles celle-ci est intervenue, ce qui expose la société au versement de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par l'intéressé (Cass. com., 26 avr. 1994 : Juris-Data n° 1994-001020 ; Bull. Joly 1994, § 221, p. 831, note P. Le Cannu ; JCP E 1994, 392, n° 8, obs. A. Viandier et J.-J. Caussain. - V. dans le même sens, Cass. com., 26 nov. 1996 : Juris-Data n° 1996-004517 ; Bull. Joly 1997, p. 141, § 47, note C. Priéto ; JCP E 1997, II, 918, note Ph. Reigné). Le principe du respect des droits de la défense, en cas de révocation d'un mandataire social, ainsi posé par la chambre commerciale, s'applique aussi bien en cas de révocation d'un membre du directoire par l'assemblée ou le conseil de surveillance, que celle-ci soit ou non fondée sur de justes motifs, qu'en cas de révocation du président du directoire par le conseil de surveillance. Il a ainsi été jugé que, même lorsqu'elle est fondée sur de justes motifs, la révocation d'un membre du directoire, qui intervient sans respecter le principe du contradictoire, ouvre droit à des dommages-intérêts (CA Paris, 1er ch. B, 5 mars 1999 : Juris-Data n° 1999-020309 ; Dr. sociétés 1999, comm. 103, note D. Vidal ; JCP E 1999, p. 1240, n° 8, obs. A. Viandier et J.-J. Caussain). Le principe du contradictoire est respecté lorsque le membre du directoire révoqué a été convoqué suffisamment longtemps à l'avance pour qu'il puisse préparer sa défense (CA Paris, 3e ch. B, 28 mai 2004 : Juris-Data n° 2004-246353 ; Bull. Joly 2004, p. 1411, 3280, note J.-Ph. Dom ; JCP E 2005, 131, n° 5, obs. J.-J. Caussain, Fl. Deboissy et G. Wicker : Cassation partielle, Cass. com., 25 avr. 2006 : Juris-Data n° 2006-033652, V. supra n° 70).

4°  Publicité

83. -  La fin des fonctions des membres du directoire, du président, du directeur général unique ou des directeurs généraux, est soumise aux mêmes formalités de publicité que leur nomination (V. supra n° 49).

D. -  Rémunération des fonctions

84. -   Fixation de la rémunération - L'acte aux termes duquel les membres du directoire sont désignés fixe le mode et le montant de la rémunération de chacun d'entre eux (C. com., art. L. 225-63). Le conseil de surveillance arrête donc librement et consigne dans le procès-verbal de sa délibération la décision fixant la rémunération des membres du directoire, celle-ci pouvant être différente pour chacun d'entre eux. Cette rémunération peut consister en un traitement fixe. II peut également s'agir d'une rémunération proportionnelle aux bénéfices ou au chiffre d'affaires, ou encore d'un fixe et d'une participation aux bénéfices et/ou au chiffre d'affaires. II est également possible de prévoir que cette rémunération sera automatiquement augmentée en fonction d'un indice, sous réserve que soient respectées les prescriptions de l'article 79 de l'ordonnance n° 58-1374, du 30 décembre 1958 (modifié Ord. n° 2000-1223, 14 déc. 2000, codifié C. monét. fin., art. L. 112-1 à L. 112-4) réglementant les clauses d'indexation. II est cependant exclu que les membres du directoire se voient allouer des jetons de présence, ceux-ci étant réservés par l'article L. 225-83 du Code de commerce aux seuls membres du conseil de surveillance.
Lorsque l'acte qui procède à leur nomination ne fixe pas le mode et le montant de la rémunération de chacun des membres du directoire, ceux-ci ne peuvent y prétendre (CA Paris, 3e ch. B, 1er déc. 2000 : Juris-Data n° 2000-132579 ; Dr. sociétés 2001, comm. 66, note F. X. Lucas).
Toute modification de la rémunération, qui interviendrait en cours de mandat et qui ne résulterait pas de la stricte application de modalités d'indexation éventuellement prévues lors de la nomination, ne pourra être apportée qu'après une décision du conseil de surveillance en fixant le nouveau montant.

85. -   Procédure des conventions réglementées - La loi ne précise pas si la fixation de la rémunération des membres du directoire au titre de l'article L. 225-63 constitue une convention entre la société et les intéressés devant, comme telle, être approuvée selon la procédure prévue par les articles L. 225-86 à L. 225-96 du Code de commerce. Il apparaît bien toutefois que le législateur a renoncé à ce que la rémunération du président du conseil d'administration et des directeurs généraux de la société de type classique, aussi bien que celle des membres du directoire, fussent soumises à l'approbation de l'assemblée générale des actionnaires (en ce sens, J. Hémard, F. Terré et P. Mabilat, op. cit., t. 1, n° 1081. - V. déclarations de M. Dailly devant le Sénat : JO Sénat, 22 avr. 1966, p. 222. - V. toutefois n° 88).
Cette interprétation a été confirmée par la Cour de cassation, qui a décidé que la fixation de la rémunération du président du conseil d'administration, comme celle du directeur général, n'est pas soumise à la procédure de contrôle des conventions réglementées (Cass. com., 3 mars 1987 : Gaz. Pal. 1987, 1, p. 264, note Hatoux). Il en est de même lorsque la rémunération est proportionnelle aux résultats de la société (CA Paris, 3e ch. B, 28 oct. 1994 : Juris-Data n° 1994-024139 ; Bull. Joly 1995, p. 55, § 12, note E. Lepoutre). La solution est transposable aux membres du directoire.

86. -   Compétence exclusive du conseil de surveillance - Le conseil de surveillance est donc seul compétent pour fixer le montant de la rémunération de chacun des membres du directoire ; celle-ci ne saurait être déterminée judiciairement (Cass. com., 12 déc. 1995 : Bull. Joly 1996, p. 207, § 68, note P. Le Cannu) ou par un autre organe de la société. En conséquence, est nulle la fixation de la rémunération par une commission ad hoc et non par le conseil lui-même (Cass. com., 4 juill. 1995 : Juris-Data n° 1995-001829 ; Bull. Joly 1995, p. 968, § 350, note J.-F. Barbiéri ; JCP E 1995, I, 505, n° 9, obs. A. Viandier et J.-J. Caussain. - La solution rendue à propos de la fixation par un comité ad hoc de la rémunération du président du conseil d'administration est transposable aux membres du directoire). Il a, d'autre part, été jugé qu'il est au pouvoir du conseil de surveillance, non seulement de fixer, mais aussi de réduire la rémunération des membres du directoire (CA Paris, 3e ch. C, 14 juin 2002 : JCP E 2003, 627, n° 7, obs. J.-J. Caussain, Fl. Deboissy, G. Wicker).

87. -   Octroi d'une retraite - Un membre du directoire peut se faire consentir une promesse de retraite. Le régime applicable diffère selon que les titres de la société qui consent un tel avantage, ceux de la société qui la contrôlent ou ceux de la société qu'elle contrôle, sont ou non admis sur un marché réglementé.
Dans le cas où la société n'est pas cotée, l'allocation d'un complément de retraite s'analyse en un complément de la rémunération, lorsque certaines conditions sont réunies, d'où la compétence du conseil de surveillance pour la fixer (Cass. com., 9 mai 1990 : Juris-Data n° 1990-002286 ; Bull. Joly 1990, p. 641, § 177, note Ph. Reigné). Cette allocation doit, dès lors, faire l'objet d'une délibération du conseil sur son montant et ses modalités (Cass. com., 27 févr. 2001 : Juris-Data n° 2001-008492 ; JCP E 2001, p. 896, n° 6, obs. A. Viandier et J.-J. Caussain). La procédure des conventions réglementées ne trouve pas à s'appliquer, sous réserve que la pension soit raisonnable et obéisse à trois conditions (Cass. com., 3 mars 1987 : Rev. sociétés 1987, p. 266, note Y. Guyon. - Cass. com., 11 oct. 2005 : JCP E 2005, 1834, n° 4, obs. J.-J. Caussain, Fl. Deboissy et G. Wicker) :

-                  elle doit être justifiée par les services particuliers rendus à la société pendant l'exercice du mandat social ;
-                  elle doit être proportionnée à ces services ;
-                  elle ne doit pas constituer une charge excessive pour la société.
Si ces conditions ne sont pas remplies, la retraite doit être considérée comme une indemnité particulière versée à l'intéressé et doit, dès lors, être soumise à la procédure des conventions réglementées.
Dans le cas où la retraite est consentie par une société elle-même cotée ou dont la société qui la contrôle ou celle qu'elle contrôle est cotée, l'allocation d'un tel avantage est, aux termes de l'article L. 225-90-1 du Code de commerce, obligatoirement soumise à la procédure des conventions réglementées (V. infra n° 88).

88. -   Engagements pris au bénéfice d'un membre du Directoire d'une société cotée - Depuis la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005, pour la confiance et la modernisation de l'économie, certains engagements pris en faveur des membres du directoire sont impérativement soumis à la procédure des conventions réglementées (A. Viandier, La soumission des indemnités de départ des dirigeants sociaux à la procédure des conventions réglementées : JCP E 2005, 1585). Le texte applicable en la matière est l'article L. 225-90-1 du Code de commerce qui dispose :

Dans les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, les engagements pris au bénéfice d'un membre du directoire, par la société elle-même ou par toute société contrôlée ou qui la contrôle au sens des II et III de l'article L. 233-16, et correspondant à des éléments de rémunération, des indemnités ou des avantages dus ou susceptibles d'être dus à raison de la cessation ou du changement de ces fonctions, ou postérieurement à celles-ci, sont soumis aux dispositions des articles L. 225-86 et L. 225-88 à L. 225-90.


89. -   Information des actionnaires des sociétés cotées - La rémunération totale et les avantages de toute nature versés aux membres du directoire d'une société, dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, doit faire l'objet d'une communication aux actionnaires dans le cadre du rapport présenté par le directoire à l'assemblée générale ordinaire annuelle des actionnaires.
Il résulte de l'article L. 225-102-1, alinéas 1 et 2, du Code de commerce que :

Le rapport visé à l'article L. 225-102 rend compte de la rémunération totale et des avantages de toute nature versés, durant l'exercice, à chaque mandataire social, y compris sous forme d'attribution des titres de capital, de titres de créances ou de titres donnant accès au capital ou donnant droit à l'attribution de titres de créances de la société ou des sociétés mentionnées aux articles L. 228-13 et L. 228-93.
Il indique également le montant des rémunérations et des avantages de toute nature que chacun de ces mandataires a reçu durant l'exercice de la part des sociétés contrôlées au sens de l'article L. 233-16 ou de la société qui contrôle, au sens du même article, la société dans laquelle le mandat est exercé.

Cet article a été complété par un troisième alinéa créé par la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 (art. 9, I, 1°) :
Ce rapport décrit en les distinguant les éléments fixes, variables et exceptionnels composant ces rémunérations et avantages ainsi que les critères en application desquels ils ont été calculés ou les circonstances en vertu desquelles ils ont été établis. Il indique également les engagements de toutes natures, pris par la société au bénéfice de ses mandataires sociaux, correspondant à des éléments de rémunération, des indemnités ou des avantages dus ou susceptibles d'être dus à raison de la prise, de la cessation ou du changement de ces fonctions ou postérieurement à celles-ci. L'information donnée à ce titre doit préciser les modalités de détermination de ces engagements. Hormis les cas de bonne foi, les versements effectués et les engagements pris en méconnaissance des dispositions du présent alinéa peuvent être annulés.

Lorsque le rapport annuel ne contient pas les mentions prévues à l'article L. 225-102-1, alinéa 1er, toute personne intéressée peut demander au président du tribunal statuant en référé d'enjoindre sous astreinte au directoire de communiquer ces informations. Lorsqu'il est fait droit à cette demande, l'astreinte et les frais de procédure sont à la charge des membres du directoire (C. com., art. L. 225-102, al. 3 et 4 sur renvoi de art. L. 225-102-1, al. 6).
En outre, la société est tenue de mettre à la disposition des actionnaires avant l'assemblée ordinaire annuelle le montant global, certifié exact par les commissaires aux comptes, des rémunérations versées aux dix ou cinq personnes les mieux rémunérées selon que l'effectif du personnel excède ou non deux cents salariés (C. com., art. L. 225-115, 4°).
S'agissant des stock-options consenties aux dirigeants, la loi dispose que chaque année, l'assemblée générale ordinaire doit être informée, dans un rapport spécial, des plans d'options mis en oeuvre (C. com., art. L. 225-184. - V. infra n° 142). Il faut entendre par assemblée générale ordinaire, l'assemblée annuelle au cours de laquelle sont approuvés les comptes de l'exercice (BRDA 10/2001, n° 36).

90. -   Régime fiscal de la rémunération - À l'exclusion des options de souscription ou d'achat d'actions, ainsi que des attributions d'actions gratuites qui sont soumises à un régime particulier, la rémunération principale de chacun des membres du directoire qui est versée au titre de leur mandat social est, dans la mesure où elle n'est pas exagérée eu égard aux fonctions exercées, déductible des bases de l'impôt sur les sociétés et relève de la catégorie des traitements et salaires, de même que la rémunération des fonctions éventuellement exercées dans le cade d'un contrat de travail.
En cas d'exagération, les rémunérations directes ou indirectes des dirigeants excédant la rétribution normale (y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais) sont réintégrées dans les bases de l'impôt sur les sociétés et doivent être taxées au nom du bénéficiaire comme revenu de capitaux mobiliers, alors même que l'intéressé n'aurait pas la qualité d'actionnaire, conformément à l'application combinée des articles 39-1-1° et 111-d du CGI (Note DGI, 11 févr. 1969 : BOCD 1969, II, 4402 ; BOED 1969, 10508 ; JCP CI 1969, III, 85670 ; Doc. adm. 4C 441, § 4, 30 oct. 1997).

91. -   Régime social de la rémunération - L'affiliation au régime général de la Sécurité sociale est subordonnée à la perception d'une rémunération (Cass. ch. réunies, 24 juin 1966, n° 63-13.821, Caisse primaire centrale de la Sécurité sociale de la région parisienne c/ Iticsohn : Bull. civ. 1966, n° 4. - Cass. soc., 23 févr. 1983, n° 80-11.673, Gaff c/ CPAM de Thionville : Juris-Data n° 1983-700411 ; Bull. civ. 1983, V, n° 106). Les membres du directoire sont donc soumis, eu égard à la rémunération principale qu'ils perçoivent en leur qualité de mandataire social, au même régime d'assurances sociales que les salariés (CSS, art. L. 311-3, 12°). Ils bénéficient du régime complémentaire de retraite des cadres et des accidents du travail (Lettre CNAM des travailleurs salariés, 8 nov. 1972 : Bull. jur. UNCANSS n° 46/72. - Rép. min. n° 10960 : JOAN Q 27 juin 1974, p. 3141 ; JCP CI 1974, II, 11502). Ces affiliations sont obligatoires (CA Paris, 26 janv. 1990 : Juris-Data n° 1990-021089 ; BRDA 1990/8, p. 20). Les membres du directoire bénéficient également, au titre de leurs fonctions du régime des prestations familiales en vertu des articles L. 511 et suivants du Code de la sécurité sociale (CA Lyon, 22 juin 1976 : Rev. sociétés 1977, p. 477, note J.-J. Burst ; RTD com. 1977, p 539, obs. R. Houin. - Pour l'assurance maladie en cas de cumul d'activités, V. Rép. min. n° 33957 : JOAN Q 26 mars 1977, p. 1294 ; Rev. sociétés 1977, p. 339).
En revanche, ceux-ci n'ont pas droit à l'assurance chômage, ni à l'assurance des salaires au titre de la rémunération versée dans le cadre de leur mandat social. S'ils sont, par ailleurs, titulaires d'un contrat de travail, ils peuvent prétendre bénéficier de cette assurance à ce dernier et seul titre (V. Rép. min. n° 22644 : JO Sénat Q 22 juin 1977, p. 1599 ; Rev. sociétés 1977, p. 590 ; RTD com. 1977, p. 547, obs. R. Houin. - Rép. min. n° 31550 : JOAN Q 15 janv. 1977, p. 262 ; Rev. sociétés 1977, p. 337).
Afin de permettre aux dirigeants de bénéficier d'un système d'assurance chômage, un régime d'indemnisation volontaire connu sous le nom de "garantie sociale des chefs et dirigeants d'entreprise" (ou GSC) a été mis en place depuis le 1er juillet 1979 (V. B. Teyssié, L'assurance chômage des chefs d'entreprise : JCP CI 1980, 8891). Ce régime de garantie sociale a été créé par le CNPF (devenu MEDEF) et la CGPME. Peuvent y participer les chefs d'entreprise en nom personnel et les dirigeants d'entreprises mandataires sociaux non couverts par le régime UNEDIC, âgés de 57 ans au plus au moment de leur affiliation et en activité normale (à l'exclusion des personnes retraitées, invalides...). Pour pouvoir affilier ses dirigeants, l'entreprise doit être membre d'une organisation patronale ayant adhéré à l'association pour la GSC.
Un autre régime d'assurance chômage est proposé par l'Association pour la protection des patrons indépendants, constituée par le Patronat indépendant (APPI). Il s'adresse aux dirigeants sociaux dont les fonctions prennent fin dans le cadre d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, d'un dépôt de bilan ou de la révocation de leur mandat social. Pour adhérer à l'APPI, la société ne doit pas être en état de cessation de paiement, ni en redressement ou en liquidation judiciaire, lors de l'adhésion de l'entreprise ou de l'affiliation d'un de ses dirigeants. L'appartenance à un syndicat n'est pas exigée.
Il existe un troisième régime au profit des dirigeants sociaux : la garantie April assurances à laquelle peuvent adhérer les sociétés non cotées, justifiant d'au moins deux exercices comptables.

II. -  Fonctionnement du directoire

92. -  Le fonctionnement du directoire est celui d'un organe collégial qui assure la direction de la société en disposant des pouvoirs les plus étendus pour agir, en toute circonstance, au nom de celle-ci. Seront successivement examinées les modalités d'organisation interne du directoire, puis les attributions de cet organe.

A. -  Organisation interne du directoire

93. -  L'organisation du directoire repose sur le principe d'une direction collégiale, tant en ce qui concerne sa composition, que pour ce qui a trait à ses délibérations et au processus de prise de décisions.

1°  Composition

94. -  Un certain nombre de dispositions impératives régissent la fixation du nombre de membres que peut comprendre un directoire, ainsi que la présidence de cet organe.

a)  Nombre des membres

95. -   Principe - À la différence de la loi allemande sur les sociétés qui n'impose pas de maximum quant au nombre de membres que peut comprendre le Vorstand (AktG, § 76), le droit français prévoit une limitation. L'article L. 225-58 du Code de commerce dispose, en effet, que la société est dirigée par un directoire de cinq membres au plus, ce nombre pouvant être porté par les statuts à sept lorsque les actions de la société sont admises aux négociations sur un marché réglementé (il résulte des travaux parlementaires relatifs à la loi du 24 juillet 1966 que le projet de loi portant réforme des sociétés commerciales ne fixait aucune limite maximale, puisqu'il prévoyait seulement que la société serait dirigée par un directoire composé de deux membres au moins : JOAN, 9 juin 1965, p. 1868). C'est à la suite d'un amendement de MM. Capitant et Le Douarec, que le nombre des membres du directoire fut limité à cinq, chiffre le plus fréquemment retenu par les sociétés en Allemagne, à l'époque - afin, notamment d'assurer l'unité de cet organe collégial et, ainsi, lui permettre d'exercer son autorité face au conseil de surveillance : JOAN, 11 juin 1966, p. 1937).

96. -   Directeur général unique - Si, de par son caractère collégial, le directoire doit normalement comprendre plusieurs membres, du moins, le législateur a-t-il prévu que, dans les sociétés de petite dimension, c'est-à-dire celles ayant un capital inférieur à 150 000  EUR , les fonctions dévolues au directoire pourraient être exercées par une seule personne. De même, a-t-il décidé que dans les sociétés cotées, le nombre maximum des membres pourrait être porté à sept (C. com., art. L. 225-58). Deux situations peuvent donc se présenter selon que le capital de la société sera ou non inférieur à 150 000  EUR  :

-                  dans les sociétés dont le capital est égal ou supérieur à 150 000  EUR , le directoire est obligatoirement composé de deux membres au moins et de cinq membres au plus (C. com., art. L. 225-58, al. 1 et 2). Lorsque les actions de la société sont admises aux négociations sur un marché réglementé, le nombre des membres peut être porté par les statuts à sept (C. com., art. L. 225-58, al. 1er) ;
-                  dans les sociétés dont le capital est inférieur à 150 000  EUR , "les fonctions dévolues au directoire peuvent être exercées par une seule personne" (C. com., art. L. 225-58, al. 2). "Lorsqu'une seule personne exerce les fonctions dévolues au directoire, elle prend alors le titre de directeur général unique" (C. com., art. L. 225-59, al. 2).

97. -   Détermination du nombre des membres - Dans les limites légales, la fixation du nombre de membres du directoire est libre. Ce nombre est alors déterminé par les statuts ou, à défaut, par le conseil de surveillance (D. 23 mars 1967, art. 96). Dans les sociétés dont le capital est inférieur à 150 000  EUR , les statuts ou, à défaut, le conseil de surveillance, doivent de même décider s'il convient de limiter la direction à une seule personne. Si le capital vient à dépasser ce montant, le conseil de surveillance est alors dans l'obligation de désigner un second membre du directoire et, s'il y a lieu, les statuts doivent être modifiés par une assemblée générale extraordinaire. II résulte de cette liberté laissée aux statuts ou au conseil de surveillance, qu'une société peut comprendre un directoire comportant jusqu'à cinq membres, voire sept si la société est cotée, et un conseil de surveillance composé seulement de trois membres.
Si les statuts n'ont rien prévu, la fixation du nombre des membres du directoire est donc laissée au conseil. On peut alors s'interroger sur l'étendue des pouvoirs de l'organe de contrôle : lui sera-t-il possible de procéder, dans les limites fixées par la loi ou éventuellement prévues par les statuts, à des adjonctions au cours du mandat du directoire, en désignant un ou plusieurs membres supplémentaires ?
Plusieurs objections ont été formulées à l'encontre d'une interprétation libérale de ce texte. Tout d'abord, lorsqu'un membre du directoire serait ainsi désigné pour s'ajouter au nombre existant des membres du directoire, celui-ci n'exercerait pas ses fonctions pendant la durée du mandat du directoire qui se renouvelle en bloc et non par roulement, mais pendant la durée prévue par les statuts (CA Paris, 3e ch. C., 14 juin 2002 : Juris-Data n° 2002-192870 ; Rev. sociétés 2002, p. 575, note Y. Guyon ; JCP E 2003, 627, n° 6 et 7, obs. J.-J. Caussain, Fl. Deboissy, G. Wicker). D'autre part, toute nouvelle désignation en cours de mandat pourrait modifier la majorité au sein du directoire et porter atteinte à l'indépendance fonctionnelle de cet organe. En effet, en cas de changement de majorité, les nouveaux majoritaires qui, en l'absence de juste motif, ne peuvent pas révoquer les membres du directoire sans leur verser de dommages-intérêts, pourraient les neutraliser en procédant à de nouvelles nominations (CA Paris, 3e ch. C., 14 juin 2002 : Rev. sociétés 2002, p. 575, note Y. Guyon). Plus généralement, selon certains auteurs, le droit de fixer le nombre des membres du directoire ne peut appartenir au conseil de surveillance qu'au moment de la nomination de l'organe de direction. En conséquence, le conseil ne pourrait procéder à des adjonctions en cours de mandat de directoire (J. Hémard, F. Terré et P. Mabilat, Sociétés commerciales : Dalloz, 1972, t. 1, n° 2794. - Contin et Deslandes, Interrogations sur la société anonyme à directoire : D. 1977, chron. p. 295. - Y. Chartier, Société à directoire ou société à conseil de surveillance, Mélanges Roblot : LGDJ, 1984, p. 340).
D'autres commentateurs ont, au contraire, considéré que de telles adjonctions sont possibles, le conseil ayant le soin d'estimer ce qui convient à l'intérêt social (CA Versailles, 8 juill. 1993 : Bull. Joly 1993, p. 1024, § 298, note P. Le Cannu), sous la seule réserve, toutefois, que la durée des fonctions du membre ainsi nommé devrait prendre fin en même temps que celle des autres membres du directoire (H. Lecompte, Étude de différents problèmes concernant le fonctionnement des sociétés à directoire, Mélanges Bastian : Litec, 1974, t. 1, p. 147. - J.-J. Caussain, Le directoire et le conseil de surveillance de la société anonyme : Litec, 2002, 1re éd., n° 71 et 76. - D. Bastian, La réforme des sociétés par actions : JCP G 1968, I, 2183, n° 478 ; ANSA, avis comité juridique, 1er mars 2000, n° 358). Cette dernière opinion nous paraît devoir s'imposer dans la mesure où elle ne viole aucune disposition impérative, mais à la condition que la durée des fonctions du membre du directoire ainsi désigné n'excède pas celle du mandat du directoire. Il a été ainsi jugé que le conseil de surveillance peut, dans les limites prévues par les statuts, désigner un nouveau membre du directoire au cours du mandat de cet organe, dès lors qu'il n'est pas démontré que cette nomination a été décidée de manière frauduleuse (CA Paris, 3e ch. C, 14 juin 2002, Cormorant c/ Antoine : Juris-Data n° 2002-192870 ; Rev. sociétés 2002, p. 575, note Y. Guyon ; JCP E 2003, 627, n° 5, obs. J.-J. Caussain, Fl. Deboissy, G. Wicker).

98. -   Fusion - Dans le cas de fusion entre deux sociétés anonymes, les textes permettent le dépassement du nombre maximum des membres du conseil d'administration ou du conseil de surveillance (C. com., art. L. 225-17, al. 1er, L. 225-69 et L. 225-95). Une telle dérogation n'est pas prévue pour le directoire. Il n'est donc pas possible, en cas de fusion, que le directoire de la société résultant de la fusion comprenne plus de cinq membres ou, s'il s'agit d'une société cotée, plus de sept membres.

b)  Présidence du directoire

99. -  Lorsque le directoire est composé d'au moins deux membres, l'un d'entre eux doit être désigné comme président. Cette qualité est conférée, lors de la nomination des membres du directoire, par le conseil de surveillance (C. com., art. L. 225-59, al. 1er). La nomination du président du directoire doit être faite impérativement (Rép. min. n° 18155 : JOAN Q 8 mai 1975, p. 2498). Celui-ci ne peut être désigné ni dans les statuts, ni par ses pairs. Il doit l'être par le conseil de surveillance en même temps que le directoire (J. Hémard, F. Terré et P. Mabilat, op. cit., t. 1, n° 1104). Le conseil de surveillance détermine également la durée des fonctions du président du directoire (CA Paris, 3e ch. C, 10 déc. 1999, préc. n° 78). Le retrait de la présidence du directoire est, selon la jurisprudence, également de la compétence du conseil de surveillance (V. supra n° 78).
Le président du directoire n'a, dans l'ordre interne, aucune prééminence particulière, à moins que les statuts ne lui accordent une voix prépondérante en cas de partage des voix. Il n'est qu'un primus inter pares (Y. Chartier, article préc. p. 352). Dans les rapports avec des tiers, cependant, c'est lui qui représente la société en exécutant les décisions prises collégialement par le directoire (V. infra n° 125 s.).
Il est également possible de conférer à l'un des membres du directoire la qualité de vice-président. L'attribution d'un tel titre n'est ni prévue, ni interdite par un texte ; elle ne confère à l'intéressé aucun pouvoir particulier à l'égard des tiers ; mais les statuts, le règlement intérieur ou l'acte de répartition des pouvoirs à l'intérieur du directoire peuvent charger le vice-président d'un rôle interne qui lui soit propre (P. Le Cannu : Dict. Joly, V° Directoire et conseil de surveillance, n° 17 et 123). Certaines sociétés du CAC 40 (PPR et Accor, par exemple) l'ont prévu dans leurs statuts.

2°  Délibérations et prises de décisions

100. -   Principe - L'article L. 225-64, alinéa 4, du Code de commerce, dispose que "le directoire délibère et prend ses décisions dans les conditions fixées par les statuts". Dans l'esprit du législateur de 1966, le directoire devait se réunir "tous les matins ou tous les deux jours" (Rép. min. à M. Dailly : JO Sénat 23 avr. 1966, p. 252). Il est donc préférable de ne pas retenir de règles trop strictes et trop formalistes quant aux conditions de délibérations du directoire (les praticiens pourront utilement se reporter aux formules types applicables aux délibérations du directoire, V. J.-Cl. Sociétés Formulaire, Fasc. K-175 ou J.-Cl. Notarial Formulaire, V° Sociétés, Fasc. K-175).

a)  Règlement intérieur

101. -  Bien que la loi renvoie, pour les délibérations et les prises de décisions, aux statuts, il n'est pas interdit au directoire d'élaborer un règlement intérieur précisant les modalités de son fonctionnement (P. Le Cannu : Dict. Joly, V° Directoire et conseil de surveillance, n° 122. - M. Cozian, A. Viandier, Fl. Deboissy, Sociétés, op. cit., n° 786). Ce règlement intérieur ne peut toutefois pas contrevenir aux dispositions d'ordre public existantes en matière de droit des sociétés et doit préciser et compléter les dispositions relatives au fonctionnement du directoire figurant dans les statuts. Si la répartition entre les membres du directoire des tâches de direction est prévue dans le règlement intérieur, en application de l'article 99 du décret du 23 mars 1967, celle-ci doit avoir fait l'objet d'une autorisation préalable du conseil de surveillance (V. infra n° 119).
En pratique, la solution la plus fréquente consiste, pour le directoire, à faire approuver par le conseil de surveillance le texte de son règlement intérieur. Dans certains cas, il peut être préférable de le faire ratifier par l'assemblée (P. Le Cannu, La société anonyme à directoire, op. cit., n° 122).

b)  Réunions

102. -  Il peut être stipulé que le directoire prend ses décisions lors de réunions auxquelles sont conviés tous ses membres. Il est aussi permis de prévoir que les délibérations peuvent avoir lieu sous la forme de visioconférences, de conférences téléphoniques, par voie de consultations écrites ou par messagerie électronique. En toute hypothèse, le directoire doit délibérer, même à distance, au moins une fois tous les trois mois afin d'arrêter son rapport trimestriel destiné au conseil de surveillance (C. com., art. L. 225-68, al. 4. - V. infra n° 105).

c)  Règles de convocation

103. -   Forme de la convocation - Les statuts déterminent librement les formes de la convocation (lettre simple ou recommandée, courrier électronique, télécopie, voire convocation verbale), ainsi que, le cas échéant, le préavis pour l'envoi de ces convocations.

104. -   Initiative de la convocation - Les statuts doivent indiquer la qualité des personnes habilitées à convoquer le directoire. Il est le plus souvent stipulé que la convocation aux réunions du directoire est faite par le président, mais qu'elle peut l'être également par un ou plusieurs de ses membres (en ce sens, J. Hémard, F. Terré et P. Mabilat, op. cit., t. 1, n° 1087). De même, il peut être prévu que le conseil de surveillance a également la faculté de convoquer le directoire. À notre avis, même en l'absence d'une telle clause, le conseil de surveillance peut convier le directoire à une réunion plénière, afin d'entendre ses explications sur tel ou tel aspect de la gestion de la société (en ce sens, P. Le Cannu : Dict. Joly, op. cit. n° 263).
L'ordre du jour de la séance est fixé dans la convocation, mais il peut être stipulé dans les statuts que l'ordre du jour pourra être arrêté ou complété lors de la réunion du directoire.

105. -   Convocation des commissaires aux comptes - Les commissaires aux comptes doivent être convoqués à toutes les réunions du directoire et au conseil de surveillance qui examinent ou arrêtent les comptes annuels ou intermédiaires, ainsi qu'à toutes les assemblées d'actionnaires (C. com., L. 823-17, Ord. n° 2005-1126, 8 sept. 2005, art. 19. - D. 23 mars 1967, art. 192, al. 3). La convocation est faite trois jours au moins avant la réunion par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (D. 23 mars 1967, art. 192, al. 3 et 4).

106. -   Convocation des délégués du comité d'entreprise - À la différence du conseil d'administration et du conseil de surveillance, le directoire n'a pas à convoquer les délégués du comité d'entreprise à ses séances (C. trav., art. L. 432-6. - V. Fasc. 133-60).

107. -   Lieu de réunion - Dans la mesure où une décision doit être prise lors d'une réunion effective du directoire et non par échange de courriers électroniques ou par visioconférence, les statuts peuvent stipuler que les délibérations se dérouleront au siège social ou laisser au directoire toute liberté pour déterminer un autre lieu de réunion.

d)  Représentation

108. -  La représentation, expressément prévue par la loi pour les membres du conseil d'administration et du conseil de surveillance, n'est pas envisagée pour les membres du directoire (C. com., art. L. 225-37, al. 2 et L. 225-82, al. 2). La loi ayant laissé aux statuts le soin de fixer les conditions de délibérations et de décisions du directoire, rien n'interdit, à notre avis, d'insérer une clause prévoyant qu'un membre du directoire pourra se faire représenter par un autre membre aux réunions de cet organe (dans ce sens, G. Ripert et R. Roblot, par M. Germain et L. Vogel op. cit., t. 1, n° 1701. - A. Charvériat, A. Couret et B. Mercadal, op. cit., n° 9121. - Contra, J. Hémard, F. Terré et P. Mabilat, op. cit., t. 1, n° 1088). En revanche, compte tenu de la nature collégiale de cet organe, et de la confidentialité attachée à ses délibérations, il ne nous semble pas opportun qu'un membre du directoire se fasse représenter par une personne autre qu'un membre du directoire.

e)  Quorum

109. -  En l'absence de dispositions impératives en matière de quorum, une entière liberté est laissée aux rédacteurs des statuts. Ceux-ci peuvent donc stipuler un quorum égal, supérieur ou même inférieur à celui prévu par la loi pour le conseil d'administration ou le conseil de surveillance. Il est également possible d'inclure pour le calcul du quorum les membres du directoire représentés. Il est aussi envisageable de n'exiger aucun quorum, lorsque les décisions sont prises à une majorité calculée en fonction du nombre des membres composant le directoire.

f)  Majorité

110. -  Les statuts sont libres de prévoir une majorité simple ou renforcée, voire même, pour certaines décisions importantes, l'unanimité. Cette majorité peut être calculée en fonction du nombre des membres présents ou représentés ou encore en fonction du nombre total des membres composant le directoire. Il est également possible de stipuler que le président du directoire dispose, en cas de partage, d'une voix prépondérante.

g)  Conventions de vote

111. -  En application du principe général applicable à l'exercice du droit de vote, les membres du directoire doivent pouvoir voter librement. Cependant, aucune disposition législative ou réglementaire n'interdit à un ou plusieurs membres du directoire de s'engager, dans le cadre d'une convention, à voter dans un sens déterminé ou à s'abstenir de voter (CA Paris, 30 juin 1995 : JCP E 1996, II, 795, note J.-J. Daigre). La loi semble même admettre implicitement la licéité des conventions de vote (C. com., art. L. 233-3). Leur validité peut, cependant, se heurter à plusieurs limites.
Tout d'abord, selon une jurisprudence antérieure à la loi du 24 juillet 1966, serait nulle la convention par laquelle le membre du directoire se dépouillerait intégralement de son droit de vote (J. Hémard, F. Terré et P. Mabilat, op. cit., t. 1, n° 926. - J. Penneau, De l'irrégularité des conventions de vote dans le droit des sociétés commerciales : JCP CI 1975, II, 11776. - M. Jeantin, Les conventions de vote : RJ com. 1990, p. 124. - M. Germain, Le transfert du droit de vote : RJ com. 1990, p. 135. - B. Mercadal, Pour la validité des conventions de vote entre actionnaires : RJDA 1992, p. 727. - P. Didier, Les conventions de vote : Mélanges Foyer 1997, p. 341. - A. Viandier, Observations sur les conventions de vote : JCP E 1996, 15405 ; Après l'article de M. Jeantin sur les conventions de vote, Mélanges M. Jeantin : Dalloz 1999, p. 311 s.).
De même, seraient nulles, les conventions de vote conclues pour une durée illimitée, celles ayant pour seule contrepartie le versement d'une rétribution, sous quelque forme que ce soit, et enfin celles conduisant à des votes contraires à l'intérêt social et motivées par la volonté de nuire à l'une des parties à la convention (A. Charvériat, A. Couret et B. Mercadal, op. cit., n° 10669).
La convention de vote, à condition d'être licite, n'a d'effet qu'entre les parties. Elle ne saurait dès lors engager la société. Elle constitue une obligation de faire dont la violation ne peut être sanctionnée, en application de l'article 1142 du Code civil, que par l'octroi de dommages-intérêts dont le montant est fixé par le juge.

h)  Obligation de discrétion

112. -  Les membres du directoire, les commissaires aux comptes et toute autre personne appelée à assister aux réunions de cet organe, sont tenus à la discrétion à l'égard des informations présentant un caractère confidentiel et données comme telles par le président (C. com., art. L. 225-92). Cette obligation se distingue du secret professionnel qui, en application de l'article 226-13 du Code pénal, vise les personnes exerçant certaines professions et dont la violation est sanctionnée par un emprisonnement d'un an et une amende de 15 000  EUR . Dépourvue de sanctions pénales, la violation de l'obligation de discrétion peut néanmoins donner lieu à dommages-intérêts.

i)  Procès-verbaux des délibérations

113. -  Depuis l'ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004, l'obligation d'établir des procès-verbaux des délibérations sur un registre est imposée au directoire. La loi ne précise pas si le registre doit être coté et paraphé comme le registre des délibérations du conseil de surveillance.
Tout intéressé peut demander au président du tribunal statuant en référé d'enjoindre sous astreinte au président du directoire de transcrire les procès-verbaux de ces réunions sur un registre spécial tenu au siège social (C. com., art. L. 238-4).
L'inobservation de cette formalité est sanctionnée par l'article L. 235-14 du Code de commerce, selon lequel le fait pour le président du directoire ou le président de séance de cet organe de ne pas constater les délibérations par des procès-verbaux est sanctionné par la nullité des délibérations dudit organe. L'action est ouverte à tout membre du directoire. Cette action en nullité peut être exercée jusqu'à l'approbation du procès-verbal de la deuxième réunion du directoire qui suit celle dont les délibérations sont susceptibles d'être annulées. Elle est soumise aux articles L. 235-4 et L. 235-5 du Code de commerce.
L'établissement de procès-verbaux, que les décisions aient été prises lors d'une réunion effective du directoire ou qu'elles l'aient été dans le cadre de visioconférences, de conférences téléphoniques, par voie de consultation écrite ou par messagerie électronique, permet de ménager la preuve que des décisions ont bien été arrêtées par le directoire et de consigner, le cas échéant, l'opinion de chacun des membres, notamment en cas de divergence de vues. Il est ainsi possible à un membre de cet organe de dégager sa responsabilité en apportant la preuve qu'il a pu désapprouver une décision ayant conduit au redressement judiciaire ou à la liquidation des biens de la société (CA Rennes, 28 mars 1973 : RTD com. 1974, p. 298, obs. R. Houin).

j)  Nullité des délibérations

114. -  Outre la sanction par la nullité prévue à l'article L. 254-14 précité (V. supra n° 113), les délibérations du directoire encourent également la possibilité d'être annulées, en application de l'article L. 235-2 du Code de commerce, soit pour violation d'une disposition impérative de la loi sur les sociétés (par exemple, défaut de convocation du commissaire aux comptes, V. supra n° 105), soit pour violation des dispositions impératives qui régissent les contrats (par exemple, en cas de vice du consentement).

k)  Registre de présence

115. -  La loi renvoyant aux statuts, c'est donc à ceux-ci de stipuler si doit ou non être tenu un registre de présence, devant être signé par les membres du directoire participant aux séances de cet organe. Si les statuts n'imposent pas la tenue d'un registre, il est cependant conseillé que soit au moins prévue la signature d'une feuille de présence, ou l'apposition du paraphe et de la signature des membres du directoire présents ou représentant un autre membre sur les procès-verbaux constatant les délibérations du directoire (V. supra n° 113).

B. -  Attributions du directoire

116. -  Dans la société anonyme à directoire, les fonctions de gestion et de direction générale, d'une part, et celles de contrôle, d'autre part, sont confiées respectivement au directoire et au conseil de surveillance. S'agissant du directoire, il convient de différencier, dans ses attributions, les pouvoirs généraux qui relèvent de la direction générale de la société, des pouvoirs spéciaux qui ressortissent à l'administration interne de la société.

1°  Pouvoirs généraux

117. -  Les pouvoirs généraux consistent en l'exercice de l'ensemble des prérogatives visant à réaliser l'objet social. Il convient d'opérer une distinction entre le pouvoir de direction stricto sensu, qui revient à l'ensemble du directoire en tant qu'organe collégial, et le pouvoir de représentation qui incombe au président du directoire, mais qui peut, le cas échéant, être également attribué à un ou plusieurs autres membres de cet organe. Lorsque la société est dirigée par un directeur général unique, celui-ci cumule les pouvoirs de direction et de représentation (V. supra n° 96).

a)  Direction de la société

1)  Étendue du pouvoir de direction

118. -  Deux textes mentionnent le rôle dévolu au directoire. Tout d'abord, l'article L. 225-58, alinéa 1er, du Code de commerce, selon lequel : "la société anonyme est dirigée par un directoire". Ensuite, l'article L. 225-64, alinéa 1er, du Code de commerce, qui précise que "le directoire est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société. Il les exerce dans la limite de l'objet social et sous réserve de ceux expressément attribués par la loi au conseil de surveillance et aux assemblées d'actionnaires".
C'est donc à l'ensemble des membres du directoire, considérés in globo, qu'appartient la direction collégiale de la société, le directoire faisant exécuter par son président les décisions qu'il a lui-même arrêtées (H. Hovasse, M. Deslandes et R. Gentilhomme, Directoire et conseil de surveillance, enjeux de pouvoirs : Actes prat. ing sociétaire, 1998, n° 42, p. 7, n° 6 s.).

2)  Répartition des tâches

119. -  Selon l'article 99 du décret du 23 mars 1967 :

Sauf clause contraire des statuts, les membres du directoire peuvent, avec l'autorisation du conseil de surveillance, répartir entre eux les tâches de la direction. Toutefois, cette répartition ne peut, en aucun cas, avoir pour effet de retirer au directoire son caractère d'organe assurant collégialement la direction de la société.

La faculté laissée au directoire d'instaurer entre ses membres, avec l'accord du conseil de surveillance, une division du travail est utile, mais ne semble pouvoir s'appliquer qu'à des décisions d'importance secondaire (G. Ripert et R. Roblot par M. Germain et L. Vogel, op. cit., n° 1702). Elle peut présenter un intérêt dans le cas où le directoire est, en fait, composé de personnes déjà investies de fonctions techniques dans la société (directions commerciale, financière ou administrative, par exemple). Dans cette hypothèse, la spécialisation résulte le plus souvent d'un cumul avec des fonctions salariées (H. Lecompte, article préc., Mélanges Bastian, p. 153). Un tel aménagement des tâches ne doit cependant pas porter atteinte au principe de la gestion collégiale exercée par les membres du directoire, assumant ensemble les obligations et les responsabilités attachées à leur charge (J. Hémard, F. Terré et P. Mabilat, op. cit., t. 1, 1097).

3)  Délégation de pouvoirs

120. -  On peut s'interroger sur la possibilité pour le directoire d'accorder une délégation de ses pouvoirs limitée à une ou plusieurs personnes pour une ou plusieurs opérations déterminées. Si le conseil d'administration (C. com., art. L. 225-46 et D. 23 mars 1967, art. 90), de même que le conseil de surveillance (C. com., art. L. 225-84 et D. 23 mars 1967, art. 115), peuvent conférer à un ou plusieurs de leurs membres tous mandats spéciaux pour un ou plusieurs objets déterminés, le directoire ne se voit pas accorder par les textes une telle faculté. Seules des dispositions spéciales permettent expressément au directoire de confier une délégation particulière : il en est ainsi, par exemple, en matière de cautions, avals et garanties (D. 23 mars 1967, art. 113, al. 4). D'autre part, sauf si les statuts réservent à l'assemblée le pouvoir de décider ou d'autoriser l'émission d'obligations, le directoire peut déléguer à son président et, avec l'accord de celui-ci, à un ou plusieurs de ses membres, et dans les établissements de crédit, à toute personne de son choix, les pouvoirs nécessaires pour réaliser dans le délai d'un an l'émission d'obligations (C. com., art. L. 228-40, modifié. Ord. 24 juin 2004, art 39).
Compte tenu des nécessités pratiques, il convient, en l'absence d'un texte spécifique, d'admettre la possibilité, pour le directoire, de désigner des fondés de pouvoir, même non-membres du directoire, dont la mission est limitée à un objet déterminé, et qui agissent sous la responsabilité collégiale du directoire (J. Hémard, F. Terré et P. Mabilat, op. cit., t. 1, n° 1097. - Dans le même sens, G. Ripert et R. Roblot, par M. Germain et L. Vogel, op. cit., n° 1700. - Le Cannu, La société anonyme à directoire, op. cit., n° 89).
Certains auteurs estiment que, pour éviter toute contestation sur la régularité de telles délégations, il serait prudent que les statuts prévoient expressément cette possibilité ou que, tout au moins, cette faculté soit expressément précisée dans l'acte portant nomination du directoire par le conseil de surveillance (H. Lecompte, op. cit. ; Mélanges Bastian, p. 151).
Les délégations ainsi consenties par le directoire doivent être limitées, dans leur étendue et dans leur durée, la loi ayant réservé au conseil de surveillance, à condition que les statuts le prévoient, la possibilité d'attribuer le pouvoir général de représenter la société à des membres du directoire autres que le président. (Sur la délégation du pouvoir de représentation, V. infra n° 130.)

4)  Limitations au pouvoir de direction

121. -   Principe - L'étendue des pouvoirs du directoire se heurte à trois séries de limites : l'objet social, les pouvoirs légaux des autres organes de la société et, le cas échéant, les clauses statutaires.

122. -   Objet social - Le directoire exerce ses pouvoirs dans la limite de l'objet social (C. com., art. L. 225-64, al. 1er). Celui-ci doit s'entendre du genre d'activité que la société se propose d'exercer en vue de faire des bénéfices ou de réaliser des économies (Ph. Merle, op. cit., n° 52). Cette limitation n'a, en principe, d'effet qu'au plan interne. En effet, "dans les rapports avec les tiers, la société est engagée même par les actes du directoire qui ne relèvent pas de l'objet social, à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve" (C. com., art. L. 225-64, al. 2).

123. -   Compétence légale des autres organes - La seconde limite aux pouvoirs du directoire résulte des pouvoirs expressément attribués par la loi au conseil de surveillance et aux assemblées d'actionnaires (C. com., art. L. 225-64, al. 1er).
Ainsi, le directoire ne peut accomplir, sous peine de la nullité, des actes qui relèvent de la compétence légale du conseil de surveillance et qui ne peuvent lui être délégués. Il en est ainsi, par exemple, de la désignation du président du directoire (C. com., art. L. 225-59, al. 1er) ou de l'attribution du pouvoir de représentation à certains membres du directoire (C. com., art. L. 225-66, al. 2).
De même, doivent être obligatoirement soumis à l'autorisation préalable du conseil de surveillance les conventions réglementées (C. com., art. L. 225-86) ou l'octroi de cautions, d'avals et de garanties (pour un exemple de formules, V. J.-Cl. Sociétés Formulaire, Fasc. K-175 ou J.-Cl. Notarial Formulaire, V° Sociétés, Fasc. K-175), ainsi que toute cession d'immeubles par nature, toute cession totale ou partielle de participations, toute constitution de sûretés (C. com., art. L. 225-68, al. 2). Sur l'ensemble des pouvoirs du conseil de surveillance, V. Fasc. 133-60). Le décret du 23 mars 1967 a précisé les conditions dans lesquelles le défaut d'autorisation du conseil de surveillance pourrait être opposable aux tiers. Si des cautions, avals ou garanties ont été donnés pour un montant total supérieur à la limite fixée pour la période en cours, le dépassement ne peut être opposé aux tiers qui n'en ont pas eu connaissance, à moins que le montant de l'engagement invoqué n'excède, à lui seul, l'une des limites fixées par la décision du conseil de surveillance (D. 23 mars 1967, art. 113, al. 5). L'absence d'autorisation du conseil de surveillance relativement à la cession des immeubles par nature, à la cession de participation ou à la constitution de sûreté, est inopposable aux tiers, à moins que la société ne prouve que ceux-ci en avaient eu connaissance ou ne pouvaient l'ignorer (D. 23 mars 1967, art. 113-1, al. 3).
Le directoire ne peut pas, non plus, exercer les pouvoirs légaux de l'assemblée générale, que celle-ci ne peut déléguer. Ainsi, par exemple, le directoire ne peut pas modifier les statuts (C. com., art. L. 225-96) ou nommer les commissaires aux comptes (C. com., art. L. 225-228).

124. -   Limitations statutaires - Les statuts peuvent apporter des restrictions supplémentaires aux pouvoirs du directoire en subordonnant à l'autorisation préalable du conseil de surveillance la conclusion des opérations qu'ils énumèrent (C. com., art. L. 225-68, al. 2). Ces limitations sont inopposables aux tiers (C. com., art. L. 225-64, al. 3. Sur des exemples d'opérations pouvant faire l'objet d'une autorisation préalable, V. Fasc. 133-60).
Afin de faciliter le règlement des divergences pouvant survenir entre l'organe de direction et celui de contrôle, le décret du 23 mars 1967 prévoit que, lorsqu'une opération exige l'autorisation du conseil de surveillance et que celui-ci la refuse, aussi bien dans le cas où l'autorisation serait prévue par une disposition légale (V. supra n° 123) que dans celui où elle résulte d'une clause statutaire, le directoire peut soumettre le différend à l'assemblée générale qui décide de la suite à donner au projet (D. 23 mars 1967, art. 100).
Par ailleurs, bien que les textes soient muets sur la question, rien ne s'oppose, à notre avis, à ce que les statuts subordonnent à l'autorisation préalable, non plus du conseil de surveillance, mais de l'assemblée générale des actionnaires certaines décisions importantes. Seules des clauses statutaires peuvent, outre les limitations résultant de l'objet social et de la loi, restreindre les pouvoirs du directoire, car ni l'assemblée générale, ni le conseil de surveillance ne pourraient d'eux-mêmes, par une résolution ou une délibération, limiter ces pouvoirs (J. Hémard, F. Terré et P. Mabilat, op. cit., t. 1, n° 1099). Les restrictions qui peuvent être ainsi apportées par les statuts aux pouvoirs du directoire ne doivent pas avoir pour effet de dépouiller intégralement cet organe de ses pouvoirs généraux de direction, ni permettre au conseil de surveillance de s'immiscer dans la gestion du directoire (V. Fasc. 133-60).

b)  Représentation de la société

125. -   Principe - Le pouvoir de représenter la société dans ses rapports avec les tiers incombe au président du directoire, mais cette prérogative peut également être attribuée par le conseil de surveillance à un ou à plusieurs autres membres du directoire, dès lors que les statuts le permettent.

126. -   Président du directoire - Alors que le directoire exerce collégialement la direction de la société, c'est à son président qu'échoit le pouvoir de représentation (C. com., art. L. 225-66, al. 1er). Le directoire demeure ainsi un organe de décision d'ordre interne, sans possibilité de projection directe sur l'extérieur (H. Lecompte, article préc. : Journ. sociétés 1968, p. 95. - Ph. Merle, op. cit., n° 445). Vis-à-vis des tiers, la situation du président du directoire a pu sembler assez proche de celle du président-directeur général de la société de type traditionnel, lorsque le président du conseil d'administration exerce également les fonctions de directeur général (J. Hémard, F. Terré et P. Mabilat, op. cit., t. 1, n° 989 et 1106 - V. également obs. J. Foyer devant le Sénat : JO Sénat 23 avr. 1966, p. 255). Encore doit-on observer que si, comme le directeur général, le président du directoire est légalement investi du pouvoir de représentation, il doit partager avec les autres membres du directoire le pouvoir de direction, qui est exercé, en revanche, individuellement par le directeur général (J. Hémard, F. Terré et P. Mabilat, op. cit., t. 1, n° 1106). On a donc pu en déduire que le président du directoire est un organe d'exécution, chargé essentiellement de mettre en oeuvre et d'extérioriser les décisions du directoire (H. Lecompte, op. cit., Mélanges Bastian, p. 150).

127. -   Engagement de la société vis-à-vis des tiers - Cette situation peut, cependant, exposer le président à accomplir des opérations qui n'ont pas été décidées ou approuvées par le directoire. Dans ce cas, on peut se demander dans quelle mesure la société serait engagée vis-à-vis des tiers. Certains auteurs ont admis que le pouvoir légal de représentation, édicté par l'article L. 225-66 du Code de commerce, donne au président du directoire la possibilité d'engager la société par tous les actes qu'il passe au nom de celle-ci (A. Charvériat, A. Couret et B. Mercadal, op. cit., n° 9170. - H. Lecompte, op. cit., Mélanges Bastian, p. 148). D'autres, au contraire, ont estimé que les actes accomplis par le président du directoire, sans habilitation de cet organe, seraient entachés d'excès de pouvoir, donc nuls (G. Ripert et R. Roblot, par M. Germain et L. Vogel, op. cit., t. 1, n° 1703. - Contin et Deslandes, op. cit., p. 300 s.).
Cette dernière interprétation pourrait conduire à recommander aux tiers, traitant avec le président, de s'assurer que celui-ci agit en vertu d'une habilitation du directoire (Contin et Deslandes, op. cit., p. 301). Cette solution ne nous semble cependant pas satisfaisante. S'il est raisonnable de penser que le président du directoire ne peut agir au mépris des volontés de l'organe social, il serait cependant très grave pour la société et les tiers, que les actes passés par le représentant légal puissent être remis en cause pour défaut de conformité aux décisions du directoire (P. Le Cannu, La société anonyme à directoire, op. cit., n° 90). Selon le professeur Paul Le Cannu, l'évolution récente du droit des sociétés, à la suite de l'application de la première directive du 9 mars 1968, exige que l'on protège, en l'espèce, la limite du pouvoir du représentant légal qui ne résulte pas de la loi mais du directoire lui-même. En définitive, à l'égard des tiers, le président du directoire incarne cet organe et les actes qu'il peut passer sont réputés l'avoir été par le directoire lui-même. Enfin, l'exigence imposée aux tiers de demander, pour chaque acte du représentant légal de la société, le procès-verbal de la délibération du directoire décidant cette opération, ainsi que l'habilitation donnée au représentant, ne cadre ni avec la simplicité nécessaire des rapports de gestion, ni avec le libéralisme proclamé par les articles L. 225-64, alinéa 3, et L. 225-66, dernier alinéa, du Code de commerce ; elle entraînerait la condamnation définitive de la société à directoire elle-même (P. Le Cannu, La société anonyme à directoire, op. cit., n° 90).
Aussi, plus qu'une nullité qui détruirait la sécurité du commerce juridique, la responsabilité du représentant légal concerné nous semble la meilleure solution. Car, ainsi que l'a souligné très pertinemment M. Le Cannu, celle-ci sera engagée en fonction des résultats obtenus par le représentant social qui, le sachant, n'agira proprio motu que dans l'hypothèse où le risque est faible. Vue ainsi, l'absence de nullité apporterait beaucoup de souplesse à la distinction entre représentation et décision, modulée selon la prospérité sociale. Le représentant aura le choix entre le risque collectif, voie légale et confortable, et l'action isolée, parfois suicidaire, avec à la clé, responsabilité uniquement individuelle et révocation sans indemnité (P. Le Cannu, op. cit., n° 90).

128. -   Directeurs généraux - La loi dispose que les statuts peuvent autoriser le conseil de surveillance à attribuer le même pouvoir de représentation à un ou plusieurs autres membres du directoire, qui portent alors chacun le titre de directeur général (C. com., art. L. 225-66, al. 2). Cette habilitation n'émane pas du président du directoire, déléguant à un ou plusieurs de ses collègues une partie de ses pouvoirs, elle doit provenir du conseil de surveillance seul. Ce dernier a, de plus, la faculté d'attribuer le pouvoir de représentation à l'ensemble des membres du directoire, donc à chacun d'entre eux (Rép. min. n° 18155 : JOAN Q 8 mai 1975, p. 2798).
Comme le président du directoire, les directeurs généraux ne possèdent pas, sous réserve de l'application de l'article 99 du décret du 23 mars 1967, de pouvoirs propres de direction. Ils sont seulement habilités à assurer l'exécution des décisions prises par le directoire. À l'égard des tiers, ils se trouvent chacun sur un pied d'égalité pour représenter la société (Ph. Merle, op. cit., n° 445).
Dès lors qu'il est habilité à conférer le pouvoir de représentation au président du directoire et, si les statuts le permettent, aux autres membres du directoire, le conseil de surveillance est également compétent pour retirer, le cas échéant, ce pouvoir aux membres du directoire auxquels il avait été attribué (V. supra n° 78 à 82).

129. -   Limitations au pouvoir de représentation - De même que le pouvoir de direction du directoire, le pouvoir de représentation du président du directoire et, éventuellement, celui du ou des directeurs généraux, peut être limité par les statuts. Il pourrait en être ainsi, par exemple, lorsqu'une clause statutaire stipule qu'un directeur général est seul qualifié pour représenter la société pour tous les actes passés en France ou relatifs à tel secteur d'activité, alors que le second serait chargé de représenter la société à l'étranger ou pour la passation des conventions ou marchés d'un secteur d'activité déterminé, ou encore lorsque les statuts prévoient la double signature pour les chèques excédant un certain montant (H. Lecompte, article préc., Mélanges Bastian, p. 152).
Dans ce cas, aux termes de l'article L. 225-66, alinéa 3, du Code de commerce, "les dispositions des statuts limitant le pouvoir de représentation de la société sont inopposables aux tiers". La responsabilité du président ou des directeurs généraux est donc susceptible d'être engagée vis-à-vis de la société, si ceux-ci ne respectent pas les limitations apportées à leurs pouvoirs par les statuts. Ces clauses statutaires ne seront pas opposables aux tiers, dans la mesure où l'opération est conforme à l'objet social et n'est pas de la compétence légale du conseil de surveillance ou de l'assemblée générale ou encore soumise par la loi à l'autorisation préalable du conseil de surveillance.

130. -   Délégation du pouvoir de représentation - Le président et les membres du directoire, auxquels a été attribué le titre de directeur général, peuvent accorder des délégations de leur pouvoir de représentation. (J. Hémard, F. Terré et P. Mabilat, op. cit., t. 1, n° 1105. - Contra cependant, P. Le Cannu qui estime que la délégation partielle de représentation doit être décidée par le directoire dans son entier, La société anonyme à directoire, op. cit., n° 89). Cette délégation est licite à la condition qu'elle porte sur des opérations limitées et qu'elle soit consentie pour une durée déterminée (A. Charvériat, A. Couret et B. Mercadal, op. cit., n° 9171). Le président ou les directeurs généraux ne sauraient, en effet, déléguer à un tiers l'intégralité de leur pouvoir de représentation (Rappr. Cass. com., 11 juin 1965 : Gaz. Pal. 1965, 2, p. 322, obs. R. Houin ; RTD com. 1965, n° 861 s. ; D. 1968, jurispr. p. 1078).
Certains auteurs estiment qu'il est souhaitable que les statuts, ou l'acte de nomination, prévoient cette faculté de délégation (H. Lecompte, article préc. : Journ. sociétés 1968, p. 95). Néanmoins, en cas de silence des statuts, on peut étendre au président du directoire et aux directeurs généraux la solution selon laquelle, si les statuts sont muets sur la faculté pour les représentants légaux de déléguer leurs pouvoirs, ces derniers peuvent valablement donner procuration à un tiers pour une opération particulière de la société pour laquelle ils sont eux-mêmes habilités ; les pouvoirs accordés par cette procuration devront cependant être limités et concerner un ou plusieurs objets déterminés (en ce sens : Rép. min. just. n° 14051 à M. Lebas : JOAN, 3 déc. 1970, p. 6095).
Les délégations de pouvoirs subsistent même lorsque l'auteur qui les a consenties vient à cesser ses fonctions, car le délégué reçoit alors son pouvoir de représentation, non pas du président ou de l'un des directeurs généraux, mais de la société elle-même (G. Daublon, La pérennité des procurations consenties par les représentants légaux d'une société : Defrénois 1981, art. 32695, p. 945. - Cass. com. 15 mars 2005 : Juris-Data n° 2005-027609 ; JCP E 2005, 1047).
Les délégations sont effectuées sous la responsabilité du président du directoire ou du directeur général, qui peuvent répondre, à l'égard de la société, des fautes qu'ils auraient commises en cette occasion.

2°  Attributions particulières

131. -  Les attributions particulières relèvent de l'administration interne dans la mesure où elles s'appliquent essentiellement aux rapports du directoire avec les autres organes et les actionnaires. Énoncées par les textes, ces attributions revêtent un caractère impératif ; elles ne sauraient faire l'objet d'une dérogation ou d'une limitation statutaire, ni d'une délégation (J. Hémard, F. Terré et P. Mabilat, op. cit., t. 1, n° 1100).

a)  Convocation des autres organes

132. -   Commissaires aux comptes - Le directoire est tenu de convoquer les commissaires aux comptes à toutes les réunions du directoire qui examinent ou arrêtent des comptes annuels ou intermédiaires, ainsi qu'à toutes les assemblées d'actionnaires (V. supra n° 105).

133. -   Conseil de surveillance - Concurremment avec le tiers au moins des membres du conseil de surveillance, un membre du directoire peut demander au président du conseil de surveillance de convoquer ce conseil. Si cette demande est restée sans suite, le ou les auteurs de cette demande peuvent procéder eux-mêmes à la convocation en indiquant l'ordre du jour de la séance (D. 23 mars 1967, art. 107, al. 2 et 3).

134. -   Assemblée générale - Bien que ce pouvoir puisse être exercé concurremment par le directoire et le conseil de surveillance (V. supra n° 61), la convocation de l'assemblée générale des actionnaires incombe principalement au directoire (C. com., art. L. 225-103, al. 1er). C'est à lui, par exemple, qu'il revient de réunir l'assemblée générale ordinaire dans un délai de six mois à compter de la clôture de l'exercice (C. com., art. L. 225-100, al. 1er) ou de convoquer l'assemblée générale lorsque le nombre des membres du conseil de surveillance est devenu inférieur au minimum légal, de façon à lui faire compléter l'effectif de ce conseil (C. com., art. L. 225-78, al. 2), lorsque les capitaux propres de la société sont inférieurs à la moitié du capital social (C. com., art. L. 225-248), ou encore lorsqu'un différend l'oppose au conseil de surveillance (D. 23 mars 1967, art. 100. - V. Fasc. 136-25).
Lorsqu'il convoque l'assemblée, le directoire fixe son ordre du jour (C. com., art. L. 225-105, al. 1er). C'est également cet organe qui présente ou agrée les projets de résolutions (C. com., art. L. 225-106, al. 6. - D. 23 mars 1967, art. 133, 2°).

b)  Accès aux assemblées

135. -  Le droit de participer aux assemblées est dorénavant ouvert à tout actionnaire, quel que soit le nombre d'actions qu'il possède, la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques ayant supprimé la possibilité qui existait précédemment pour les statuts d'exiger la possession d'un nombre minimal d'actions, sans que celui-ci puisse être supérieur à dix, pour ouvrir le droit de participer aux assemblées générales ordinaires (C. com., art. L. 225-112, al. 1er).
Les membres du directoire n'étant pas nécessairement actionnaires, on peut se demander si, dans ce cas, l'accès aux assemblées générales pourrait leur être interdit. Nulle part, en effet, il n'est expressément mentionné que les membres du directoire disposent d'un tel droit. Toutefois, un certain nombre de dispositions semblent impliquer que les assemblées sont accessibles au directoire, ne serait-ce que pour des raisons pratiques évidentes. Tout d'abord, c'est le directoire qui normalement convoque l'assemblée, qui fixe son ordre du jour et qui arrête les projets de résolution. Certes, l'assemblée est présidée par le président du conseil de surveillance et non par celui du directoire. Mais, on pourrait difficilement concevoir que l'accès de l'assemblée puisse leur être interdit. Ajoutons que, selon les textes, c'est devant l'assemblée générale ordinaire annuelle que le directoire présente le rapport de gestion et des comptes annuels et, le cas échéant, les comptes consolidés (C. com., art. L. 225-100, al. 2). De même, l'assemblée générale extraordinaire entend le directoire lui présenter un rapport sur différentes opérations telles que, par exemple, augmentation de capital (C. com., art. L. 225-129, al. 1er et L. 225-135), émission de valeurs mobilières donnant accès au capital ou donnant droit à l'attribution de titres de créance ou encore octroi d'options de souscription ou d'achat d'actions (C. com., art. L. 225-177 et L. 225-179).
Enfin, il semble logique que les membres du directoire assistent à l'assemblée générale au cas où celle-ci aurait à statuer sur leur révocation (C. com., art. L. 225-61), ne serait-ce que, le cas échéant, pour pouvoir présenter leur défense (V. supra n° 65 et 82).

c)  Établissement des comptes annuels et des rapports

136. -   Principe - Parmi les attributions du directoire figure l'obligation, qui incombe à tout mandataire social, d'établir des comptes annuels, ainsi que divers rapports. Ces différents documents font ensuite l'objet d'une communication et, éventuellement, d'une présentation aux autres organes de la société (conseil de surveillance et assemblée), ainsi qu'aux actionnaires et, le cas échéant, aux commissaires aux comptes et au comité d'entreprise.

137. -   Comptes annuels - À la clôture de chaque exercice, le directoire doit dresser l'inventaire et les comptes annuels (C. com., art. L. 232-1, al. 1er et 2e).
Dans le délai de trois mois à compter de la clôture de chaque exercice, le directoire doit arrêter les comptes annuels (bilan, compte de résultat et annexe) de la société et les communiquer au conseil de surveillance, pour lui permettre d'exercer son contrôle. Dans le même délai, il doit lui soumettre, le cas échéant, les comptes consolidés (C. com., art. L. 225-68, al. 5 et D. 3 mars 1967, art. 114).

138. -   Rapport de gestion - Outre les comptes annuels, le directoire doit établir un rapport de gestion écrit qui doit être présenté à l'assemblée générale (C. com., art. L. 232-1, al. 1er). Ce rapport doit notamment exposer la situation de la société durant l'exercice écoulé, son évolution prévisible, les événements importants survenus entre la date de la clôture de l'exercice et la date à laquelle il est établi, ses activités en matière de recherche et de développement (C. com., art. L. 232-1, al. 2).
Dans les sociétés cotées, le directoire doit indiquer dans son rapport de gestion la manière dont la société prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité (C. com., art. L. 225-102-1, al. 4).
Ce document doit, en outre, comprendre la liste de l'ensemble des mandats et fonctions exercés dans toute société par chacun des mandataires sociaux (membres du directoire et du conseil de surveillance) durant l'exercice écoulé (C. com., art. L. 225-102-1, al. 3).
Le rapport de gestion doit, également, rendre compte de la rémunération totale et des avantages de toute nature versés par la société durant l'exercice à chacun de ses mandataires sociaux, ainsi que les rémunérations et avantages reçus durant l'exercice des sociétés contrôlées par celle-ci (C. com., art. L. 225-102-1, al. 1er et 2e).

139. -   Sanctions - Le défaut de présentation du rapport de gestion du directoire, des comptes annuels et, le cas échéant, des comptes consolidés, devant l'assemblée générale ordinaire annuelle entraîne la nullité de cette assemblée (C. com., art. L. 225-100, al. 2 issu L. n° 2001-420, 15 mai 2001, art. 118 ; sur renvoi C. com., art. L. 225-121, al. 1er). D'autre part, aux termes de l'article L. 242-8 du Code de commerce, peuvent être punis d'une amende de 9 000  EUR , les membres du directoire d'une société anonyme qui n'auront pas, pour chaque exercice, dressé l'inventaire et établi des comptes annuels et un rapport de gestion. Enfin, l'article L. 242-10 du Code de commerce rend passible d'un emprisonnement de six mois et d'une amende de 9 000  EUR  les membres du directoire qui n'auront pas soumis à l'approbation de l'assemblée générale annuelle les comptes annuels et le rapport de gestion. Les sociétés cotées ou filiales de sociétés cotées sont soumises à des obligations propres en ce qui concerne la préparation et la soumission de documents à l'assemblée (C. com., art. L. 232-7 et L. 232-8).

140. -   Rapport trimestriel - Outre les rapports destinés à l'assemblée, la loi impose au directoire l'établissement d'un rapport au moins trimestriel destiné au conseil de surveillance (C. com., art. 225-68, al. 4). Bien que la loi ne l'indique pas, ce rapport doit, à notre avis, être établi par écrit, ne serait-ce que pour des raisons pratiques évidentes (en ce sens, J. Hémard, F. Terré et P. Mabilat, op. cit., t. 1, n° 1145).
Les statuts ont la faculté de prévoir des dates plus rapprochées pour la présentation des rapports trimestriels destinés au conseil de surveillance. De plus, en raison des pouvoirs de contrôle très étendus dont il dispose, le conseil de surveillance peut imposer au directoire la rédaction d'un rapport, complété par des éléments comptables, sur la gestion exercée pendant la période écoulée depuis le précédent rapport (V. Fasc. 133-60. Selon M. Le Cannu, le conseil ne pourrait prendre seul une telle décision ; il vaudrait mieux réserver un tel pouvoir aux statuts ou à un règlement intérieur, car cela risquerait de soumettre plus étroitement le directoire aux volontés du conseil : V. supra n° 97).

141. -   Documents de gestion prévisionnelle - Dans les sociétés tenues d'établir périodiquement certains documents comptables (situation de l'actif et du passif, tableau de financement, compte de résultat et plan de financement prévisionnel), le directoire doit, dans les huit jours de leur établissement, communiquer ces documents et un rapport d'analyse au conseil de surveillance (C. com., art. L. 232-3. - D. 23 mars 1967, art. 244-3).

142. -   Rapports spéciaux - Le directoire peut être conduit à faire un rapport spécial lorsqu'une opération déterminée doit être soumise à l'assemblée générale extraordinaire.
Il en est ainsi, par exemple, en cas d'augmentation du capital social (C. com., art. L. 225-129, al. 1er et D. 23 mars 1967, art. 154) ; en cas de suppression du droit préférentiel de souscription aux actions nouvelles (C. com., art. L. 225-135) ; en cas de création de certificats d'investissement (C. com., art. L. 228-30) ; en cas d'octroi au personnel salarié de la société d'options donnant droit à la souscription ou à l'achat d'actions (C. com., art. L. 225-177 à L. 225-186).
Chaque année, l'assemblée générale ordinaire doit être informée, dans un rapport spécial, des plans d'options de souscription ou d'achat d'actions mis en oeuvre en vertu des dispositions prévues aux articles L. 225-177 et L. 225-186 (C. com., art. L. 225-184). Ce rapport doit rendre compte :

-                  du nombre, des dates d'échéance et du prix des options de souscription ou d'achat d'actions qui, durant l'année et à raison des mandats et fonctions exercés dans la société, ont été consenties à chacun de ces mandataires par la société et par celles qui lui sont liées dans les conditions prévues à l'article L. 225-180 du Code de commerce ;
-                  du nombre, des dates d'échéance et du prix des options de souscription ou d'achat d'actions qui ont été consenties durant l'année à chacun de ces mandataires, à raison des mandats et fonctions qu'ils y exercent par les sociétés contrôlées au sens de l'article L. 233-16 ;
-                  du nombre et du prix des actions souscrites ou achetées durant l'exercice par les mandataires sociaux de la société en levant une ou plusieurs des options détenues sur les sociétés visées aux deux alinéas précédents.
Ce rapport indique également :

-                  le nombre, le prix et les dates d'échéance des options de souscription ou d'achat d'actions consenties, durant l'année, par la société et par les sociétés ou groupements qui lui sont liés dans les conditions prévues à l'article L. 225-180, à chacun des dix salariés de la société non-mandataires sociaux dont le nombre d'options ainsi consenties est le plus élevé ;
-                  le nombre et le prix des actions qui, durant l'année, ont été souscrites ou achetées, en levant une ou plusieurs options détenues sur les sociétés visées à l'alinéa précédent, par chacun des dix salariés de la société non-mandataires sociaux dont le nombre d'actions ainsi achetées ou souscrites est le plus élevé.

d)  Communication et présentation des comptes et des rapports

143. -   Conseil de surveillance - II résulte des dispositions combinées de l'article L. 225-68, alinéa 5, du Code de commerce et de l'article 114 du décret du 23 mars 1967, que, dans un délai de trois mois après la clôture de chaque exercice, le directoire doit présenter au conseil de surveillance, aux fins de vérification et de contrôle, les documents visés à l'article L. 225-100, alinéa 2, du Code de commerce, c'est-à-dire, son rapport, les comptes annuels et, le cas échéant, les comptes consolidés (C. com., art. L. 225-100, al. 2). Mais contrairement à ce qui est prévu en matière de comptes annuels (C. com., art. L. 225-68, al. 5 et D. 23 mars 1967, art. 114), aucun délai particulier n'est imparti par les textes au directoire pour remettre son rapport de gestion au conseil de surveillance. Mais, comme ce dernier doit lui-même tenir à la disposition des actionnaires ses observations sur le rapport du directoire et sur les comptes annuels à compter du jour de la convocation de l'assemblée (D. 23 mars 1967, art. 139), et doit éventuellement les leur adresser sur demande, encore faut-il que le directoire lui donne le temps de les formuler (A. Charvériat, A. Couret et B. Mercadal, op. cit., n° 9181).
Par ailleurs, les documents visés à l'article L. 232-2, du Code de commerce et le rapport du directoire prévu à l'article L. 232-3 du Code de commerce sont communiqués simultanément au conseil de surveillance, au commissaire aux comptes et au comité d'entreprise (C. com., art. L. 232-3, al. 2).
En outre, ainsi que cela a été indiqué précédemment, le directoire doit présenter au conseil de surveillance un rapport une fois par trimestre au moins (C. com., art. L. 225-68, al. 4. - V. J. Mestre, D. Velardocchio et C. Blanchard-Sébastien, op. cit., n° 3389) et les documents de gestion prévisionnelle, dans les huit jours de leur établissement (C. com., art. L. 232-2, al. 2 et D. 23 mars 1967, art. 244-3).

144. -   Commissaires aux comptes - Les documents comptables doivent être mis à la disposition des commissaires aux comptes, un mois au moins avant la convocation de l'assemblée générale appelée à statuer sur les comptes et le rapport écrit du directoire (C. com., art. L. 232-1, III. - D. 23 mars 1967, art. 243, modifié D. n° 85-295, 1er mars 1985). Selon l'opinion du ministre de la Justice, ce délai est impératif et le commissaire aux comptes ne saurait y renoncer (Rép. min. n° 29456, M. Valbrun : JOAN Q 20 oct. 1976, p. 6838. - Rép. min. n° 20439, M. Bouquerel : JO Sénat Q 22 oct. 1976, p. 2859). En outre, son inobservation constitue le délit d'entrave à l'exercice de la mission du commissaire aux comptes, susceptible d'engager la responsabilité civile ou pénale des dirigeants sociaux (C. com., art. L. 820-4, 2e).
Mais rien ne s'oppose, à notre avis, à ce que, compte tenu des informations qui leur ont déjà été fournies par la société, les commissaires estiment que l'irrégularité résultant de l'inobservation du délai n'a entraîné aucune gêne sensible pour l'accomplissement de leur mission et qu'il n'y a pas lieu de relever cette irrégularité (V. A. Charvériat, A. Couret et B. Mercadal, op. cit., n° 25042).

145. -   Actionnaires - Le directoire doit adresser ou mettre à la disposition des actionnaires les documents nécessaires pour permettre à ceux-ci de se prononcer en connaissance de cause et de porter un jugement informé sur la gestion et la marche des affaires de la société (C. com., art. L. 225-108, al. 1er). La nature de ces documents et les conditions de leur envoi ou de leur mise à la disposition des actionnaires sont déterminées par les articles 133 et suivants du décret du 23 mars 1967 sur les sociétés commerciales (C. com., art. L. 225-108, al. 2).
Cette obligation pesant sur le directoire est impérative. La loi a d'ailleurs prévu des recours et des sanctions. Tout d'abord, en cas de violation des dispositions de l'article L. 225-115 ou de l'article L. 225-116 du Code de commerce et de celles du décret pris pour son application, l'assemblée peut être annulée (C. com., art. L. 225-121, al. 2). Ensuite, l'article L. 238-1 du Code de commerce offre la possibilité aux actionnaires qui ne peuvent obtenir la production, la communication ou la transmission des documents visés par la loi, de demander au président du tribunal de commerce statuant en référé soit d'enjoindre sous astreinte aux dirigeants membres du directoire de les communiquer, soit de désigner un mandataire chargé de procéder à cette communication.

146. -   Assemblée générale - Les documents comptables et le rapport de gestion doivent être présentés par le directoire à l'assemblée générale ordinaire annuelle qui doit être réunie dans les six mois de la clôture de l'exercice à l'effet d'approuver les comptes annuels, ainsi que les propositions d'affectation et de répartition des bénéfices (C. com., art. L. 225-100), les rapports spéciaux du directoire, à l'exclusion du rapport spécial sur les options de souscription et d'achat d'actions, étant, le plus souvent, destinés à l'assemblée générale extraordinaire.

e)  Pouvoirs délégués par l'assemblée générale

147. -  Le directoire peut se voir déléguer par l'assemblée générale extraordinaire les pouvoirs nécessaires à la réalisation d'une opération. Il peut en être ainsi, notamment, en matière d'augmentation de capital (C. com., art. L. 225-129, al. 2). Le directoire peut également se faire déléguer le pouvoir de réaliser une réduction de capital décidée par l'assemblée générale (C. com., art. L. 225-204). De même, le directoire peut-il être autorisé par l'assemblée générale extraordinaire à octroyer au personnel salarié des options de souscription d'actions de la société (C. com., art. L. 225-177 à L. 225-186).

f)  Agrément en cas de cession d'actions à un tiers

148. -  Si une clause d'agrément est stipulée, en application des articles L. 228-23 et L. 228-24 du Code de commerce, l'organe compétent désigné par les statuts pour statuer sur toute cession d'actions à un tiers étranger à la société peut être le directoire, sauf dans les sociétés exerçant une activité réglementée, pour lesquelles le législateur a pu prévoir que l'autorisation devait être donnée par le conseil de surveillance (G. Mazet, Les clauses statutaires d'agrément, Rapport au colloque Droit et commerce 1990 : RJ com. nov. 1990, n° spécial).
Quel que soit l'organe habilité désigné dans les statuts pour donner cet agrément, le directoire est seul compétent, selon la loi, pour faire acquérir les actions (donc pour désigner les nouveaux acquéreurs), en cas de refus de la cession soumise à l'agrément (C. com., art. L. 228-24).

III. -  Responsabilité des membres du directoire

149. -   Généralités - L'importance des pouvoirs du directoire expose ses membres à des responsabilités étendues. Chacun des membres du directoire est soumis personnellement aux dispositions légales relatives aux responsabilités civile et pénale, aucune discrimination n'étant instaurée entre les différentes personnes siégeant au directoire, qu'il s'agisse du président, des directeurs généraux ou des autres membres.
Le problème pourrait se poser quant à la responsabilité du président du directoire ou, le cas échéant, des directeurs généraux qui, du fait qu'ils représentent la société dans ses rapports avec les tiers, pourraient endosser une responsabilité unique et exclusive. Mais celle-ci serait incompatible avec le caractère collégial du directoire. Chacun de ses membres doit en principe supporter les conséquences de l'inobservation par la société de dispositions légales ou réglementaires.

A. -  Responsabilité civile

1°  Étendue de la responsabilité

150. -  La responsabilité civile des membres du directoire est, d'une façon générale, la même que celle des administrateurs. Selon l'article L. 225-256, alinéa 1er, du Code de commerce, "lorsque la société est soumise aux dispositions des articles L. 225-57 à L. 225-93, les membres du directoire sont soumis à la même responsabilité que les administrateurs dans les conditions prévues aux articles L. 225-249 à L. 225-255". Ainsi, sont notamment applicables aux membres du directoire les prescriptions de l'article L. 225-251 du Code de commerce selon lequel :

Les administrateurs et le directeur général sont responsables, individuellement ou solidairement selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés anonymes, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.
Si plusieurs administrateurs ou plusieurs administrateurs et le directeur général ont coopéré aux mêmes faits, le tribunal détermine la part contributive de chacun dans la réparation du dommage.

Cette responsabilité peut donc être soit individuelle, soit solidaire. En raison de la nature collégiale du directoire, il peut, parfois, s'avérer difficile de déterminer la part de responsabilité incombant à chacun des membres de cet organe. En cas de décision fautive prise par le directoire à l'unanimité, la responsabilité de ses membres devrait, naturellement, être solidaire. À l'inverse, la faute personnelle pourra facilement être imputée à un membre du directoire, et non aux autres membres, dans la mesure où ces derniers n'ont pu l'empêcher. Il en sera ainsi, par exemple, dans le cas où le président du directoire ou un directeur général trahirait l'organe dont il est censé exécuter les décisions, en outrepassant ses pouvoirs, ou encore dans le cas où l'un des membres du directoire, spécialisé dans une tâche déterminée, en application de l'article 99 du décret du 23 mars 1967, commettrait une faute cantonnée précisément au domaine qui lui a été attribué (P. Le Cannu, La société anonyme à directoire, op. cit., n° 450).
Dans l'hypothèse où le directoire prend ses décisions, non à l'unanimité mais à la majorité, tout dépend de la conduite des membres du directoire au moment du vote.
Il a ainsi été jugé par la Cour de Rennes que les membres du directoire sont coresponsables, "l'acceptation d'une fonction impliquant celle de la responsabilité des échecs" (CA Rennes, ch. soc., 28 mars 1973 : JCP G 1974, II, 17743, note H.-M. Synvet ; Journ. sociétés 1974, p. 167, n° 8171 ; Rev. sociétés 1974, p. 708, note J.-J. Burst ; RTD com. 1974, p. 298, obs. R. Houin). Les magistrats rennais ont cependant semblé admettre que le membre du directoire concerné aurait pu s'exonérer de cette responsabilité en se désolidarisant des autres membres du directoire, en offrant sa démission ou encore en proposant le dépôt du bilan, s'il estimait que personne ne pouvait faire mieux qu'eux.
Il est donc toujours possible à un membre du directoire de dégager sa responsabilité en établissant qu'il a désapprouvé la décision prise par cet organe. Mais, cette opposition devra être explicite et consignée dans le procès-verbal des délibérations du directoire. En cas de divergences fondamentales avec les autres membres du directoire, l'intéressé pourra avoir intérêt à démissionner.

2°  Action en responsabilité

151. -  La responsabilité des membres du directoire peut être mise en jeu à la suite soit d'une action individuelle, soit d'une action sociale (C. com., art. L. 225-252), soit d'une action intentée par une association d'actionnaires au sens de l'article L. 225-120 du Code de commerce.
Le premier type d'action ne peut être exercé que par l'actionnaire qui a personnellement souffert d'un préjudice, indépendamment de celui éventuellement subi par la société elle-même. Lorsque plusieurs actionnaires souffrent directement et individuellement d'un préjudice provenant des mêmes faits, ils peuvent se grouper pour charger l'un ou plusieurs d'entre eux d'agir en leur nom, dans les conditions prévues à l'article 199 du décret du 23 mars 1967.
L'action sociale, qui est destinée à réparer le préjudice subi par la société, peut être exercée, soit par les représentants légaux de la société, soit par les actionnaires eux-mêmes (action sociale ut singuli). Dans ce dernier cas, l'action sociale peut être intentée, soit par un actionnaire agissant individuellement, soit par un groupe d'actionnaires représentant au moins le vingtième du capital social, lorsque le capital de la société est supérieur à 750 000 euros, ce pourcentage pouvant être réduit en fonction de l'importance du capital social. Le tribunal ne peut statuer que si la société a été régulièrement mise en cause par l'intermédiaire de ses représentants légaux (D. 23 mars 1967, art. 200 et 201).
Est réputée non écrite, toute clause des statuts ayant pour effet de subordonner l'exercice de l'action sociale à l'avis préalable ou à l'autorisation de l'assemblée générale, ou qui comporterait par avance renonciation à l'exercice de cette action. De même, aucune décision de l'assemblée générale ne peut avoir pour effet d'éteindre une action en responsabilité contre les membres du directoire pour faute commise dans l'accomplissement de leur mandat (C. com., art. L. 225-253. - V. pour des exemples de fautes, RTD com. 1997, p. 284. - A. Couret, Interrogations autour de la réparation du préjudice individuel de l'actionnaire : RJDA 1997, p. 391. - Cass. com., 26 janv. 1970 : D. 1970, jurispr. p. 643, J. Guyénot ; JCP G 1970, II, 16385, Y. Guyon, montrant bien la difficulté qu'il peut y avoir à distinguer l'action sociale exercée ut singuli de l'action individuelle).

3°  Procédure collective

152. -  En cas d'ouverture d'une procédure collective d'apurement du passif à l'encontre de la société, les membres du directoire, en leur qualité de dirigeants de droit, peuvent faire l'objet, selon la nature et l'importance des fautes commises :

-                  de sanctions patrimoniales les obligeant à contribuer, en tout ou partie, au paiement du passif social ;
-                  des déchéances, telles que la faillite personnelle et certaines interdictions pouvant entraîner la déchéance du droit de diriger, de gérer, d'administrer ou de contrôler une entreprise à forme individuelle ou sociale ;
-                  des peines sanctionnent le délit de banqueroute.
Les membres du directoire peuvent également avoir à répondre de leurs actes en cas de redressement ou de liquidation judiciaire de la société (Cass. com., 19 mars 1996 : Juris-Data n° 1996-001208 ; Bull. Joly 1996, p. 526, § 180, note P. Le Cannu).
Tout d'abord, selon l'article L. 225-93, "en cas d'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, en application du titre II du livre VI, les personnes visées par ces dispositions peuvent être rendues responsables du passif social et sont soumises aux interdictions et déchéances, dans les conditions prévues par lesdites dispositions" (C. com., art. L. 225-93).
En outre, aux termes de l'article L. 225-256, alinéa 1er, du Code de commerce, lorsque la société est soumise aux dispositions des articles L. 225-57 à L. 225-93, les membres du directoire encourent les mêmes responsabilités que les administrateurs, dans les conditions prévues aux articles L. 225-249 à L. 225-255. Il en résulte qu'en cas d'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, les personnes visées par ces dispositions peuvent être rendues responsables du passif social et sont soumises aux interdictions et déchéances dans les conditions prévues par ladite législation (C. com., art. L. 225-249 à L. 225-255).
D'autre part, les articles L. 225-93 et L. 225-256, alinéa 2, renvoyant au titre II du livre VI du code, par voie de conséquence, les articles du Code de commerce visant les mandataires sociaux sont applicables aux membres du directoire. En particulier, lorsque le redressement ou la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que les dettes de cette personne morale seront supportées, en tout ou partie, avec ou sans solidarité, par tous les dirigeants de droit ou de fait, rémunérés ou non, ou par certains d'entre eux.
De plus, peut trouver à s'appliquer l'article L. 651-2 du Code de commerce aux termes duquel :

Lorsque la résolution d'un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que les dettes de la personne morale sont supportées, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables.


B. -  Responsabilité pénale

1°  Textes applicables

153. -  Les infractions pénales pouvant être commises par les membres du directoire de sociétés anonymes font l'objet des chapitres II (Des infractions concernant les sociétés anonymes), V (Des infractions relatives aux valeurs mobilières émises par les sociétés par actions), VI (Des infractions communes aux diverses formes de sociétés par actions) et VII (Des infractions communes aux diverses formes de sociétés commerciales), figurant sous le titre IV du livre II du Code de commerce intitulé : Dispositions pénales.
Les dispositions pénales énoncées dans ces différents chapitres visent essentiellement "les présidents, administrateurs ou directeurs généraux des sociétés anonymes" de type classique, la responsabilité pénale respective des membres du directoire ou des membres du conseil de surveillance n'ayant pas toujours été précisée dans la loi à propos de chaque infraction. Aussi, le législateur a-t-il pris la précaution d'indiquer dans un article spécial figurant à la fin des chapitres II, V et VII que "les peines prévues [...] pour les présidents, directeurs généraux et les administrateurs de sociétés anonymes sont applicables, selon leurs attributions respectives, aux membres du directoire et aux membres du conseil de surveillance des sociétés anonymes régies par les dispositions des articles L. 225-57 à L. 225-93" du Code de commerce (C. com., art. L. 242-30, L. 245-17 et L. 247-9). On peut néanmoins regretter le caractère imprécis de certaines de ces dispositions qui risque de laisser planer une incertitude sur l'application des sanctions pénales. On peut ainsi se demander si chaque texte est applicable soit aux membres du directoire, soit à ceux du conseil de surveillance ; mais on peut également admettre que certaines dispositions peuvent viser les membres des deux organes en même temps (P. Le Cannu, op. cit., n° 461).
Sont essentiellement concernés, cependant, les membres du directoire qui assument seuls la direction et l'administration de la société anonyme, et beaucoup plus rarement les membres du conseil de surveillance, qui pourront néanmoins voir leur responsabilité pénale engagée au cas où ils seraient considérés comme complices, voire coauteurs, d'une infraction, en particulier, s'ils ont autorisé ou couvert des opérations délictueuses réalisées par le directoire (V. Fasc. 133-60).

2°  Responsabilité au titre de la direction ou de l'administration de la société

154. -  Outre les infractions qu'ils peuvent commettre lors de la constitution de la société et lors de la modification des statuts (en particulier, dans des opérations touchant au capital social ; en matière de contrôle des sociétés anonymes ; en cas d'émission de valeurs mobilières ; en matière de publicité ; en cas de liquidation, etc.), les membres du directoire encourent une responsabilité pénale particulière au titre de la direction et de l'administration de la société.
Tout d'abord, aux termes de l'article L. 242-6 du Code de commerce, sont passibles d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 375 000  EUR  le président et les membres du directoire d'une société anonyme :

-                  qui, en l'absence d'inventaire ou au moyen d'inventaires frauduleux, auront opéré entre les actionnaires la répartition de dividendes fictifs, en l'absence d'inventaire, ou au moyen d'inventaires frauduleux ;
-                  qui, même en l'absence de toute distribution de dividende, auront publié ou présenté aux actionnaires, en vue de dissimuler la véritable situation de la société, des comptes annuels ne donnant pas, pour chaque exercice, une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice, de la situation financière et du patrimoine, à l'expiration de cette période, en vue de dissimuler la véritable situation de la société ;
-                  qui, de mauvaise foi, auront fait des biens ou du crédit de la société, un usage qu'ils savent contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement ;
-                  qui, de mauvaise foi, auront fait des pouvoirs qu'ils possèdent ou des voix dont ils disposent, en cette qualité, un usage qu'ils savent contraire aux intérêts de la société, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils étaient intéressés directement ou indirectement.
Il a ainsi été jugé que la complicité d'un membre du directoire est caractérisée lorsque l'intéressé, ayant eu connaissance des abus de biens sociaux commis par le président, les a laissé commettre alors qu'il avait les moyens légaux de s'y opposer (Cass. crim., 28 mai 1980 : D. 1981, inf. rap. p. 137. - B. Bouloc, Le dévoiement de l'abus de biens sociaux : RJ com. sept.-oct. 1995, p. 303 - Bibliographie thématique : Rev. sociétés 1996, p. 187. - Brieuc de Massiac, Réflexions à propos de l'abus de biens sociaux : RJDA 1996, p. 719. - Dagot et Mouly, L'usage personnel du crédit social et son abus, repenser la fonction des personnes morales : Rev. sociétés 1988, p. 1. - A. Dekeuwer, Les intérêts protégés en cas d'abus de biens sociaux : JCP E 1995, I, 500).
Par ailleurs, aux termes de l'article L. 242-8 du Code de commerce, seront punis d'une amende de 9 000  EUR  le président et les membres du directoire d'une société anonyme qui n'auront pas, pour chaque exercice, dressé l'inventaire, établi des comptes annuels et un rapport de gestion.

3°  Responsabilité pénale du chef d'entreprise

155. -  En sus de la responsabilité pénale découlant des dispositions du Code de commerce, les membres du directoire encourent une autre responsabilité, désignée habituellement sous le nom de responsabilité pénale du chef d'entreprise.
Cette responsabilité englobe non seulement les infractions à la réglementation spéciale liée à l'activité propre de l'entreprise (fabrication et vente de produits pharmaceutiques, débit de boissons, transport routier, aviation civile, etc.), mais aussi les infractions à la réglementation générale applicable à toutes les entreprises quelle que soit la nature de leur activité (fiscalité, réglementation du travail, réglementation des changes, Code de la route, douanes, etc.), ainsi que les infractions qui peuvent résulter d'un défaut de surveillance ou d'une imprudence ayant entraîné un dommage corporel pour la victime.
Il semble que, le plus souvent, le président du directoire sera, en tant que représentant légal de la société, considéré comme chef d'entreprise, et non le directoire in globo. Il a été ainsi jugé que la présomption pénale découlant de l'article 56 de l'ordonnance n° 45-1484 du 30 juin 1945 pèse sur le président du directoire et que le président du conseil de surveillance ne saurait lui-même être tenu pour responsable (CA Paris, 8 nov. 1976 : JCP G 1977, II, 18745, note Guérin).
La chambre criminelle de la Cour de cassation a eu l'occasion de se prononcer sur la responsabilité du président du directoire en tant que chef d'entreprise (Cass. crim., 21 juin 2000, aff. Rivoylain, n° U-99-86.433 : Juris-Data n° 2000-003167 ; JCP G 2001, I, 1289, § 8, obs. J.-H. Robert ; JCP E 2001, p. 897, n° 7, obs. A. Viandier et J.-J. Caussain). En l'espèce, le président du directoire d'une société exerçant l'activité de polyclinique avait fait l'objet d'une condamnation pénale pour des achats de produits sans factures conformes. Sur le fondement de l'article 124 de la loi du 24 juillet 1966 (dorénavant codifié C. com., art. L. 225-64), les juges du second degré avaient considéré que l'intéressé était non seulement membre du directoire, mais encore son président en exercice, et qu'il lui appartenait, ès qualités, d'exercer son contrôle sur la politique commerciale et financière de l'entreprise, ainsi que sur les modalités de facturation des produits achetés par la société. Dans son pourvoi, le dirigeant avait tenté de faire valoir que le président du directoire ne dispose pas d'un pouvoir plus étendu que celui des autres membres de cet organe, en sorte que la responsabilité pénale est assumée collectivement par tous les membres et que celle du président n'est retenue qu'eu égard aux tâches lui incombant personnellement. Mais cet argument a été écarté par la Cour de cassation qui a confirmé, en ces termes, la décision des juges du fond : "Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors qu'à défaut de délégation de pouvoirs établie, le président du directoire d'une société anonyme est responsable pénalement en tant que chef d'entreprise, auquel il appartient de veiller au respect de la législation, la cour d'appel a justifié sa décision."
Ainsi, la chambre criminelle attribue la qualité de chef d'entreprise au représentant légal de la société, lequel se trouve ainsi exposé, même lorsqu'il n'agit qu'en qualité de simple exécutant des décisions du directoire, à une responsabilité pénale plus étendue que celle des autres membres de cet organe.
Une décision plus récente de la chambre criminelle de la Cour de cassation nous fournit une autre illustration en matière de législation du travail (Cass. crim., 17 juin 2003, Document n° 020 138 : Juris-Data n° 2003-020138 ; Dr. pén. 2003, comm. 127, p. 19). Dans cette espèce, la Haute juridiction a donné raison à la Cour d'appel de Toulouse (ch. corr., 7 mai 2002) qui avait sanctionné le président du directoire dont la société avait eu recours à des salariés dissimulés.
La Cour de cassation a pu ainsi décider que c'est à bon droit que, afin de déclarer le président du directoire de la société coupable du délit prévu et réprimé par les articles L. 324-9 et L. 324-10 du Code du travail, pour avoir eu recours à des salariés dissimulés (salariés employés sans procéder aux déclarations fiscales et sociales exigées par la loi sous la fausse qualité de travailleurs indépendants immatriculés au registre du commerce), la Cour d'appel de Toulouse, analysant les éléments soumis à son appréciation, avait relevé que les sous-traitants n'avaient pas la possibilité de négocier librement la rémunération de leur travail, se voyaient imposer des horaires et des contraintes spécifiques et qu'ils étaient soumis à des directives et à des contrôles, la juridiction du second degré déduisant de ces constatations que leur activité s'exerçait dans le cadre d'un lien de subordination et que les contrats de sous-traitance, dans ces circonstances, n'étant pas limité à la direction régionale. En effet, en prononçant ainsi, par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction, la cour d'appel, qui, d'une part, a restitué aux conventions intervenues entre les parties leur véritable qualification et, d'autre part, a constaté la participation personnelle du chef d'entreprise à l'infraction, avait caractérisé, en tous ses éléments le délit de travail dissimulé dont elle a déclaré le prévenu coupable.

4°  Responsabilités fiscales et sociales

156. -  Les membres du directoire peuvent être condamnés personnellement au paiement des impositions et pénalités dues par la société lorsque, par des manoeuvres frauduleuses ou par l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales, ils ont rendu impossible le recouvrement de ces impositions et pénalités (LPF, art. L. 267).
De même, à défaut de paiement par la société des cotisations de sécurité sociale, les membres du directoire peuvent être condamnés aux pénalités prévues par l'article R. 244-4 du Code de la sécurité sociale, et, le cas échéant, à des dommages-intérêts pour le préjudice éventuellement causé à la Caisse de sécurité sociale compétente.






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Fasc. 133-50 : DIRECTOIRE (Mise à jour)


31/10/2008

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Conditions d'application du régime auquel sont soumis les étrangers résidant en France et exerçant une activité commerciale, industrielle ou artisanale (D. n° 2007-912, 15 mai 2007)

Le décret n° 2007-912 du 15 mai 2007 (Journal Officiel 16 Mai 2007) fixe les modalités d'application de ce régime.
S'agissant des personnes morales, ces conditions sont applicables :

-                  à l'associé tenu indéfiniment ou indéfiniment et solidairement des dettes sociales ;
-                  à l'associé ou le tiers ayant le pouvoir de diriger, gérer ou le pouvoir général d'engager à titre habituel la personne morale ;
-                  au représentant légal des associations régies par la loi du 1er juillet 1901 qui émettent des obligations et exercent une activité économique depuis au moins deux ans ;
-                  au représentant légal des associations de change manuel ;
-                  à l'administrateur ou le représentant permanent d'un GIE à objet commercial ;
-                  à la personne physique ayant le pouvoir d'engager une personne morale de droit étranger au titre d'un établissement, d'une succursale, d'une représentation commerciale implantée en France ou d'une agence commerciale d'un État, d'une collectivité ou d'un établissement public étranger établi en France et effectuant des actes de commerce (C. étrangers, art. R. 313-16, I).
Autorités destinataires de la demande de carte de séjour. - L'étranger résidant hors de France qui souhaite bénéficier d'une carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle présente sa demande auprès des autorités diplomatiques ou consulaires françaises territorialement compétentes dans son pays de résidence (C. étrangers, art. R. 313-3-1, al. 1er). Quant à l'étranger titulaire d'une carte de séjour ne l'autorisant pas à exercer une activité commerciale, industrielle ou artisanale et qui souhaite bénéficier d'une carte de séjour temporaire l'y autorisant, il présente sa demande au préfet du département de son lieu de résidence (C. étrangers, art. R. 313-3-1, al. 2). Dans le cas d'une création d'activité ou d'entreprise, l'autorité diplomatique ou consulaire ou le préfet compétent saisit pour avis le trésorier-payeur général du département dans lequel l'étranger souhaite réaliser son projet (C. étrangers, art. R. 313-16-2).
Examen de la demande. -- Lors de la demande de délivrance (ou de renouvellement) de la carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle, le préfet vérifie la compatibilité de l'activité en cause avec la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques ainsi que, le cas échéant, l'absence de condamnation ou de décision emportant en France l'interdiction d'exercer une activité commerciale (C. étrangers, art. R. 313-16-3).

31/10/2008

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Cumul d'un contrat de travail et d'un mandat social de président du directoire. Démission donnée sous le coup de l'émotion le jour du licenciement du président du directoire

Lorsqu'un président de directoire cumule cette fonction avec un contrat de travail, la clinique qui l'embauche ne peut exciper de la confusion des deux rémunérations, la rémunération due au titre du mandat social étant incluse dans celle due au titre du contrat de travail. Une telle confusion serait contraire au droit des sociétés exigeant une double rémunération attestant de la différence des deux emplois. Il ressort clairement du PV de l'assemblée générale de la volonté de rémunérer le président du directoire pour cette fonction purement administrative et de lui octroyer en outre un salaire dans le cadre de son contrat de travail, consistant en la direction de la clinique.
Le président du directoire présente sa démission le jour où il est licencié puis se rétracte deux jours après. La démission, qui doit procéder d'une volonté libre et réfléchie, n'est ni libre ni réfléchie quand elle est donnée sous le coup de l'émotion provoquée par l'imminence de la perte de son emploi. Le président du conseil de surveillance ne pouvait valablement en prendre acte postérieurement à la rétractation. Le mandat social n'a donc pas pu prendre fin par l'effet d'une démission ni valablement donnée, ni régulièrement acceptée. La décision du conseil de surveillance s'analyse en une révocation de fait, pour laquelle il était incompétent car, à défaut de précision statutaire, seule l'assemblée générale peut y pourvoir. En outre, l'absence d'information de l'intéressé entraîne l'irrégularité de la révocation. L'intéressé ayant été engagé comme directeur salarié et désigné en même temps comme membre du directoire, la rupture de son contrat de travail entraînait nécessairement la cessation des fonctions au directoire. Le licenciement ayant été jugé abusif, la révocation du mandat social consécutive à la rupture du contrat de travail se trouve elle-même privée de justes motifs (CA Pau, 2e ch., sect. 1, 7 mai 2007, SA Clinique Pyrénées Bigorre c/ Lemarcis : JurisData n° 2007-339847).

31/10/2008

67

Révocation "ad nutum" d'un membre du directoire

Aux termes de l'article L. 225-61 du Code de commerce, les membres du directoire peuvent être révoqués par l'assemblée générale. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à dommages et intérêts. En l'espèce, la révocation est motivée par un juste motif. Il est en effet établi que, depuis la cessation de ses fonctions de président du directoire et d'ancien salarié, le membre du directoire a adopté une attitude contraire à l'intérêt social. Il a été absent lors de réunions très importantes pour l'avenir de la société et, lorsqu'il était présent, il manifestait une opposition totale à la nouvelle stratégie du directoire. Ce grave désaccord sur le mode de gestion de la société et la mésentente entre les membres du directoire ne permettaient pas un fonctionnement collégial de cet organe et étaient de nature à compromettre l'intérêt social (CA Aix-en-Provence, 8e ch., 30 avr 2008, SA Criston Software c/ Media Villa : JurisData n° 2008-370090).

31/10/2008

81

Révocation abusive d'un membre du directoire

Le directeur général et membre du directoire d'une société avait été révoqué par l'assemblée générale. Pour dire que cette révocation revêt un caractère abusif qui justifie l'allocation de dommages et intérêts, l'arrêt attaqué retient que si les conditions dans lesquelles le conflit s'envenimait entre les dirigeants de la société justifiaient que la révocation des mandats du directeur général intervienne le plus vite possible, elles n'autorisaient pas pour autant une révocation précipitée faisant fi du respect des droits de l'intéressé et notamment du principe de la contradiction, que le dirigeant, qui était en arrêt de maladie depuis trois jours, était absent lors de l'assemblée générale et que celle-ci, dont le report aurait pu être effectué sans problème majeur, s'est empressée de statuer, sans audition préalable de l'intéressé et sans qu'aucune mesure ait été prise pour s'assurer qu'il avait été en mesure de se faire entendre. En statuant ainsi, après avoir constaté que le dirigeant avait été averti en temps utile des griefs formulés au soutien de la proposition de révocation qui devait être présentée à l'assemblée générale, ce dont il résulte que la société avait fait le nécessaire pour permettre au dirigeant de présenter ses observations avant la décision de révocation, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil.
D'autre part, pour condamner la société à payer au dirigeant la somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts pour révocation abusive, l'arrêt retient que la révocation a été décidée sans audition préalable de l'intéressé et sans qu'aucune mesure ait été prise pour s'assurer qu'il avait été en mesure de se faire entendre, que la révocation revêt un caractère abusif qui justifie l'allocation de dommages et intérêts et qu'au vu des répercussions de la décision critiquée sur sa situation personnelle, de l'importance des revenus perçus avant sa révocation, de l'incidence de son éviction sur ses chances de valorisation de ses droits sociaux et de l'évolution des profits d'une société en difficulté financière, il convient de lui allouer la somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts. En se déterminant ainsi, après avoir retenu que la révocation du dirigeant reposait sur un juste motif et sans rechercher si la circonstance constitutive d'abus lui avait, en elle-même, causé un préjudice distinct de celui résultant de sa révocation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil (Cass. com., 15 mai 2007, n° 05-19.464, FS-P+B, SA Vedreine et cie c/ Vedreine : JurisData n° 2007-038949 ; BRDA 12/2007, p. 3, n° 3).













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