cours de DROIT DE L'UNION et liberté de circulation2010

Droit de l'Union Européenne :
Les Grandes Libertés de Circulation.
Master 1.


Lundi 4 Octobre 2010.
Mail : m.bc@neuf.fr
   
Lundi : 11H50 – 13H20. Le cours du lundi1er novembre sera rattrapé.
Mardi : 16H50 – 18H20

Bibliographie. Dubouis – Blumann «  Droit matériel de l'Union européenne ». Montchrétien, Paris 5è

Modalités d'examen.
Oral. Des éléments de cours à savoir et apporter une réflexion à la question posée pour donner une réponse. Un sujet seulement à piocher. Un exposé de 10 min avec ensuite soit des questions d'entretien sur l'exposé, soit d'autres questions qui portent sur littéralement autre chose. L'examen dure 15 min au total.
Ecrit. 2 sujets au choix en 2H. Le première est un commentaire d'arrêt guidé par des questions générales qui demandent une analyse complète de l'arrêt. Le second est une dissertation.

Partie Introductive. Les Libertés de Circulation dans le droit de l'UE.


    Cours de droit matériel (matériel du droit de l'Union), cad les politiques (ex. sociales) menées par l'Union Européenne, qui se distingue du cours de droit institutionnel de L3 où on a insisté sur l'ordre juridique de l'Union et le fonctionnement des institutions. On s'intéresse au fond des règles, au fond du droit et particulièrement aux libertés de circulation. On entend la réalisation de l'objectif premier de l'Union Européenne qui est le marché commun. Les libertés de circulation sont les libertés de circulation des personnes, des marchandises, des services et des capitaux. Ces libertés vont permettre la réalisation du marché commun. Cet objectif est absolument central dans le droit de l'Union Européenne ; il est historiquement et l'est encore actuellement car le marché commun se traduit par des règlementations, des décisions juridictionnelles et jusqu'à aujourd'hui, ce marché commun continue progressivement de s'étoffer et de s'approfondir.

I)  L'Europe par le Droit : Les Evolutions Historiques du Projet Européen.
    Section 1. Naissance et Coexistence des Organisations Européennes.
1)    Les points Communs : Organisations Internationales pour unir le continent européen.
    Présenter le panorama général des organisations européennes pour qu'on aille du plus large au particulier et qu'on se focalise sur ce qui est l'objet de ce cours. L'UE n'est qu'une des nombreuses organisations qui structurent aujourd'hui le continent européen. Quand on parle de droit européen, on entend un ensemble de règles qui sont produites par des organisations dont la création remonte à l'immédiate après Seconde Guerre Mondiale. Ces organisations se créent entre 1948 et 1951 ; l'UE vient bien plus tard mais son ancêtre, la CECA, est créée en 1951 (Organisation d'intégration européenne).

    En 1949, on signe le traité de Londres qui institue le Conseil de l'Europe qui est une organisation de coopération européenne  qui a vocation à intégrer en son sein tous les États démocratiques du continent européen. La vocation géographique du Conseil de l'Europe est beaucoup plus vaste que celle qui va caractériser la CECA, la CEE. Aujourd'hui, la CECA réunit une cinquantaine d'Etats, tous européens au sens de la Grande Europe (qui comprend des Etats comme la Russie, Etats du Caucase …). Les 27 membres de l'UE font partie du Conseil de l'Europe. Le Conseil de l'Europe a pour objectif de rapprocher les Etats membres autour d'un patrimoine juridique commun centré sur le respect des droits de l'Homme, le respect des valeurs démocratiques  et l'Etat de droit. La coopération qui va s'instaurer au sein du Conseil de l'Europe est une coopération politique tournée vers cette dimension humaine de respect des droits de l'Homme. Au sein du Conseil de l'Europe, on a de nombreuses conventions négociées et signées dont la fameuse CESDHFL signée en 1950 et qui entre en vigueur en 1953. Cette convention a permis l'instauration de la CEDH à Strasbourg qui garantit le plein respect de cette convention par les Etats parties. Rapprochement de ces peuples autour de ces valeurs communes qui soudent le Conseil de l'Europe. En 1949, le traumatisme de la Seconde Guerre Mondiale amène les Etats européens à  coopérer dans des domaines qu'ils pensaient leur étant réservés.

    Dans un autre temps, les Etats décident d'instaurer une autre forme de coopération géographiquement plus restreinte : la CECA voit le jour résultant du traité de Paris de 1951 entre 6 Etats (France, Allemagne, Italie, Bénélux, Belgique, Luxembourg).

    Toutes ces organisations ont en commun d'être des organisations internationales qui ont un but commun : une unification par le droit. L'Union Européenne peut être considérée comme une organisation internationale.

Organisation Internationale. Groupements d'Etats établi par conventions, dotés d'une Constitution  (= Tout traité ou toute convention qui va lier des Etats en créant une organisation internationale ; cet traité appelé traité constitutif peut aussi être appelé constitution et il n'est pas rare que des organisations internationales nomment ainsi leur traité constitutif. Cet acte conventionnel institue juridiquement une personnalité Ex. l' OIT nomme elle-même sa Charte constitutive de Constitution) et d'organes communs qui possèdent une personnalité juridique distinct de celle des Etats qui les composent et qui ont la qualité de sujets de droit international. Il n'est pas nécessaire que le traité constitutif dise expressément que l'organisation a une personnalité juridique ; cette personnalité peut se déduire du comportement de l'organisation, de son pouvoir et de ses compétences. Dans la pratique, on verra que l'organisation peut avoir une volonté autonome, elle peut exprimer exprimer une volonté autonome de celle de ses Etats membres. En effet, chacune des institutions de l'Europe exprime une volonté propre. Le but commun de ces organisations régionales ou européennes est qu'elles ont vocation à unir le continent européen par le droit. En 1948, quand on crée ces organisations, il s'agit d'une révolution juridique et on réalise d'une union au moyen du droit car c'est la règle de droit qui fondamentalement va structurer les relations entre les Etats. Tous les projets européens ont cette nouveauté en commun ; qu'il s'agisse de conventions ou d'actes de droit dérivé (règlementations, ...) . Il s'agit de l'unité par le projet (Christophe Pomian) ; à partir de 1945, on part du principe que l'unité ne se fera pas par des mouvements philosophiques, spirituels ou économiques mais elle se fera selon des modalités programmées et qui, par la suite, seront acceptées à l'issue de négociations entre les Etats concernés. Il s'agit d'un vrai projet réfléchi, structuré autour du droit.

2)    Les Divergences.

    Entre 1948, quand on réfléchit à ce qui va être la CECA, on a en tête quelque chose de très différent. Certains hommes politiques estiment que la simple coopération entre Etats ne suffira pas pour le but ultime de préserver la paix sur le continent européen. On a dès le départ deux conceptions qui vont coexister au seins du continent et qui sera majoritairement au sein du Conseil de l'Europe, visant à la coopération entre les Etats. Une autre conception s'exprime dans la CECA visant non plus une coopération mais une intégration entre les Etats. A cette différence de méthode coopération/Intégration correspond une différence entre les objectifs.

Intégration/Coopération. Au niveau de la méthode. On distingue au sein des organisations internationales : les organisations de coopérations (font appel à un interétatisme statique) et les organisations d'intégration caractérisées par un processus dynamique. En doctrine, on isole ces deux méthodes mais on n'est pas du tout d'accord sur les conséquences que l'on doit tirer de cette distinction. Cette distinction définie deux modalités de relations entre Etats.

    La première modalité, la coopération, est celle que l'on connait depuis bien avant la 2è Guerre Mondiale, celle qui consiste à unir des Etats autour d'intérêts communs mais dans des domaines spécifiques d'activités et sans qu'il y ait de transfert de souveraineté. Les Etats vont se coordonner entre eux ; vont accepter de coopérer dans u nombre plus ou moins large de domaines mais, en revanche, leur souveraineté restera préservée dans le cadre de cette coopération. On dit que ce premier mode de relations entre Etats préserve la structure de la société internationale.
    L'organisation d'intégration se caractérise par un transfert de compétences, de pouvoirs ou de facultés, de certaines fonctions étatiques vers des organes communs qualifiés de supra nationaux et donc distincts des gouvernements des Etats membres.  Dans cette relation, les Etats vont accepter des prises de décisions à la majorité, et non plus à l'unanimité, et que des institutions supra nationales puissent arbitrer et imposer certaines solutions. On parle de processus dynamiques ; progressivement, les Etats acceptent dans leur souveraineté d'exercer en commun des compétences et parfois même une substitution de l'organisation elle-même dans certaines de leurs compétences. De ce fait, ce processus aboutit à une véritable transformation de l'Etat et de la société internationale en tant que telle. On n'est plus dans le même mode de relations. Cette méthode d'intégration va, dès l'origine, caractériser la première communauté européenne, la CECA, qui aura pour objet, en 1951, de créer un marché commun du charbon et de l'acier.

    Cette distinction a ses limites. En 1951, la CECA est extrêmement supranationale ; c'est l'organisation la plus supranationale qui ait existé dans le monde. Il y a des éléments d'intégration dans la CECA que l'on ne retrouvera ni dans la CEE, ni dans l'Union Européenne. Aujourd'hui, si on regarde le droit de l'Union Européenne, ce droit est un mélange très savant d'intégration et de coopération. Jusqu'au traité de Lisbonne, cad 1 décembre 2009, on pouvait dire que ce qui était réellement de l'intégration dans le droit de l'Union Européenne était le premier pilier cad celui qui regroupait les règles des trois communautés (La CECA, la Communauté Européenne anciennement Communauté Économique Européenne, la CEA Communauté Européenne Atomique)  L'Union Européenne n'était pas, avant 2009, ce seul premier pilier ; créée en 1992, l'Union Européenne va non seulement reprendre ce premier pilier et en créée deux autres qui sont celui de la politique étrangère et de sécurité commune (la PESC) et celui de la coopération policière et judiciaire en matière pénale. Dans ces 2è et 3è piliers, on ne fait pas de l'intégration car les Etats s'y refusent ; on fait de la coopération classique ; les Etats, officiellement, continuent d'élaborer des règles en privilégiant l'unanimité et, dans ces domaines, les institutions supranationales (la Commission Européenne et essentiellement la CJCE) ont des pouvoirs restreints dans ces 2è et 3è piliers.

    Concernant le traité de Lisbonne, ce traité vient amender les traités européennes restants et une des nouveautés de ce traité est qu'il supprime purement et simplement les Communautés. Il ne reste que la seule et unique Union Européenne et la simplification du droit de l'Union. Aujourd'hui, on ne parle plus des piliers de l'Union. Il y a un traité sur l'Union Européenne (TUE) qui explique et détaille les principes de l'Union Européenne, ses institutions, ses objectifs et valeurs. Le TFUE (Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne) va décrire et exploser toutes les politiques de l'Union Européenne ; il a vocation à expliquer et à détaille le TUE. On a abouti à une simplification du droit de l'Union mais cela ne signifie en aucune manière que le droit de l'Union est devenu un droit d'intégration pur et simple. Il est vrai que les piliers ont disparu mais si on regarde le TUE et le TFUE, on réalise que l'on a conservé des fonctionnements et des modalités de prises de décision différentes selon que l'on se situe dans l'ancien premier pilier ou dans la politique étrangère ou dans la coopération policière.

    Des objectifs différents sont assignés aux différentes organisations européennes. On oppose les organisations à vocations politique (Conseil de l'Europe : coopération dans le domaine des droits de l'Homme) des organisations à vocation économique (Communautés Européennes : la CECA, CEE).
Politique/Economique. Dès le départ, toutes ces organisations avaient pour object d'éviter que la France et l'Allemagne cessent de se déclarer la guerre mais les moyens mis en place vont diverger. En 1951, avec la CECA, on inaugure de nouvelles méthodes et finalités. On décide que la coopération se fera dans un domaine précis (intégration sectorielle cad intégration dans un secteur économique). On va choisir de manière réfléchir le charbon et l'acier pour démarrer cette intégration entre les Etats européens. Finalité économique pour créer un marché commun du charbon et de l'acier : les 6 Etats membres de la CECA vont obéir à des règles communes visant, notamment, la production en commun de ces matières premières. Devant le succès de cette première communauté, dès 1957, on va élargir cette intégration à l'ensemble des relations économiques et en 1957, la finalité du traité de Rome (Celui qui institue la CEE) est l'institution d'un marché commun. On est loin, dans cet objectif, de la dimension des droits de l'Homme, de toute question politique. Officiellement, en 1957, les Etats membres de la CEE n'acceptent d'intégrer leur système que sur le plan économique dans l'ensemble de la vie économique. On peut dater le lancement du marché commun à 1957 ; cette dimension, au départ, ne comporte aucune allusion aux droits de l'Homme, sur la question du respect par les institutions de la CEE des droits de l'Homme. Il y a une dichotomie entre le Conseil de l'Homme instauré en 1949 pour la promotion des droits de l'Homme et la Communauté Economique Européenne qui laisse cette question au Conseil pour se préoccuper de la fusion des économies.

    Section 2. Des Interactions toujours plus intenses entre les organisations européennes.
1)    L'Evolution des Objectifs et des compétences de l'Union Européenne : la centralité des libertés de circulation dans le droit de l'UE.

    On a des changements dans les traités quand il s'agit d'annoncer les objectifs de l'organisation. En 1957, art 2 et 3 du TCE instituent les objectifs qui sont de promouvoir le développement économique et social des Etats membres, aboutir au développement harmonieux des économiques, de réaliser un marché commun et de rapprocher les politiques économiques. Au fur et à mesure des années et des révisions de ce traité, les objectifs sont s'étoffer. Dans ce même article 2, on va ensuite parler de réaliser un marché intérieur, non plus de réaliser un marché commun. On ne parlera plus du rapprochement des politiques économiques mais de l'harmonisation des politiques économiques. Enfin, on ajoutera d'autres objectifs ; depuis Amsterdam, l'Union se donne comme objectifs de réaliser un espace de liberté, sécurité et justice. Depuis Maastricht de 1992, le traité a comme objectif l'instauration et le développement d'une citoyenneté européenne, de cohésion économique et sociale, de l'instauration d'une monnaie unique européenne. L'Union se donne comme objectif de promouvoir le respect des Droits de l'Homme ; elle proclame comme valeurs (non plus comme objectifs) la dignité humaine, la liberté et la démocratie. Aujourd'hui, dans le traité de Lisbonne, on a 2 articles dont l'un énumère les objectifs de l'Union (article 2 TUE) et l'autre (article 1 bis TUE) qui parle des valeurs de l'Union : « L' Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'Etat de droit ainsi que de respect des droits de l'Homme y compris des droits des personnes appartenant à des minorités ». Les conséquences sont sur la construction du marché commun. Au départ, on voyait le marché commun d'un  point de vue exclusivement économique mais dès maintenant, toutes les règles de l'Union doivent être mûes au regard du respect des droits fondamentaux et cela change la lecture et la physionomie de ce droit.


Mardi 5 Octobre 2010.
Approche de singularisation de l'Union. En quoi cette organisation se distingue dans sa méthode et ses objectifs (Objets de la section 1) ? Montrer les interactions et les liens qui existent entre les différentes Europes (Objets de la section 2) ?

Dans Lisbonne, un article énonce les valeurs de l'UE, un autre annonce les objectifs de l'UE.
    Au sein de la CJCE, sa jurisprudence, vu qu'il n'y avait rien dans les traités communautaires, a proclamé l'importance des droits fondamentaux dans l'ordre juridique communautaire. Elle l'a fait au moyen des PGD communautaires ; elle a estimé que même s'il n'y avait pas dans les traités de base juridique évoquant la question des droits de l'Homme, les institutions étaient tenues au respect de ces exigences au nom des PGD communautaires. Ce mouvement a été entamé dès CJCE 1969 Stauder dans lequel la CJCE, pour la première fois, va estimer qu'une réglementation communautaire doit être conforme aux droits fondamentaux parce que ceux-ci sont des PGD du droit communautaire « dont la Cour assure le respect ». Le mouvement va s'intensifier et se préciser sous l'impulsion des juridictions nationales de certains Etats membres. Cela montre une certaine dynamique du droit de l'Union Européenne ; certains Etats membres dans les 70' ont estimé qu'il y avait un problème à construire une union, une communauté dont le droit primant sur le droit national mais qui n'était pas soumise elle-même, en tant que communauté, au respect des droits fondamentaux.

CC Allemande So Lange I 1974. Le tribunal constitutionnel allemand oppose une vraie résistance au droit communautaire. Il s'agissait d'un règlement communautaire dont la Cour avait de bonnes raisons de penser qu'il pouvait violer le droit de propriété. La Cour constitutionnelle allemande estime que « aussi longtemps que le droit communautaire n'assurera pas une protection des droits fondamentaux équivalente à celle assurée par la Constitution allemande, la Cour allemande se donnera la possibilité de refuser la primauté du droit communautaire ». Elle fera primer son droit national sur le droit communautaire, estimant qu'il y a un danger pour la protection des droits fondamentaux. L'expression « aussi longtemps que » est répétée plusieurs fois.
Exemple de dialogue des juges. La CJCE a été obligée de réagir ; à partir de 1974 a été accéléré le mouvement jurisprudentiel de la Communauté visant à faire des droits de l'Homme une véritable condition de légalité des actes communautaires. D'autres juridictions internes s'y sont également mises, comme celle d'Italie CC Italienne Frontini, 1975.

CC Allemande  So Lange II 1986. Prend acte de l'évolution communautaire ; la CC fait le constat d'une équivalence de protection entre les deux systèmes, permettant de lever la réserve qu'elle avait formulé.

Tribunal de 1è instance des Communautés ; CJCE Kadi I Septembre 2008. Révélateur de la prise en compte des droits de l'Homme dans le système communautaire. Etait en cause un règlement communautaire contesté par un requérant, Mr Kadi. Ce règlement communautaire avait été adopté par le Conseil pour transposer une résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Cette résolution exigeait des Etats membres de l'ONU de procéder au gel des avoirs financiers de certains individus  ou certaines organisations présumées terroristes et agissant sur le territoire de l'Union. AU nom des droits fondamentaux de la personne humaine, la CJCE va estimer qu'il lui appartient,  en tant que juridiction communautaire, de contrôler la légalité de ce règlement communautaire. Non seulement elle va le contrôler mais elle va également estimer qu'il est contraire aux droits fondamentaux. Ceci aboutit à l'annulation pure et simple de ce règlement.
Apport. Première fois qu'une Cour régionale s'autorise un contrôle, certes indirect mais un contrôle quand même, d'une résolution du Conseil de Sécurité. La Cour se permet de le faire parce qu'elle estime que les droits fondamentaux sont un fondement de l'Union et que, dans son système juridique, il lui est absolument impossible de concevoir que cette résolution jouisse d'une absolue immunité.

Tribunal de 1è Instance des Communautés Kadi II 30 Septembre 2010. Le tribunal reconnaît le bien fondé de la position de la Cour adoptée deux ans plus tôt ; le TPI, avant la Cour de Justice, s'était prononcé dans la même affaire Kadi et avait tenu un raisonnement différent. Le TPI estime qu'il se doit de se ranger derrière la position de la Cour.

    Dans ce contexte général de prise en compte des droits de l'Homme, le marché reste aujourd'hui un fondement du droit de l'Union. Le marché est une finalité et une dimension économique ; la réalisation du marché commun est avant tout un objectif économique mais, dans le cadre de l'Union Européenne, la question du marché est devenue une question constitutionnelle pour les institutions de l'UE. Du marché va découler tout le reste.
Art anciennement 3 § 2 TCE ; repris par Art 14 du même TCE. Montre la centralité du marché. Le marché intérieur comporte un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assuré selon les dispositions des traités.

    La notion de marché intérieur implique deux éléments : une dimension négative et une dimension positive à ce marché. La première dimension est négative : on dit « un espace sans frontières intérieures »,ce  qui signifie que l'on a comme objectif d'éliminer les obstacles, les entraves aux échanges. C'est une dimension de libéralisation ; on enlève les freins à ce marché pour faire en sorte qu'il soit le plus fluide possible. Contrairement au droit international où la notion de marché existe, il s'agit des biens mais aussi des personnes et ce qui va avec ; dans le DI, on a des règles relatives aux circulations peu développées. La deuxième dimension va chronologiquement compléter l'autre : on ne veut pas seulement supprimer les entraves, on veut aussi rapprocher les économies. Il s'agit d'un élément volontariste dans la notion de marché intérieur car on va essayer de rapprocher, d'harmoniser les législations entre elles.  Il y a une tension et une contradiction importantes. D'un côté on libéralise, on ouvre les frontières et supprime les obstacles et ce qui amène un désengagement de l' Etat ; de l'autre, on dit qu'il faut harmoniser, rapprocher et donc une action très volontaire ainsi qu'une intervention, non plus étatique, mais une intervention supra nationale pour rapprocher les économies. C'est de là que naissent les tensions sur la légitimité du marché. Le droit de l'Union est fondé sur une vision libérale ; la libre concurrence et la libre circulation sont des objectifs. Ce sont des oppositions à cette vision libérale qui ont amené au rejet de la Constitution européenne ; l'un des articles qui posait problème proposait de constitutionnaliser le marché. L'article 1-3 de la Constitution mettait sur le même plan l'espace de liberté, de sécurité et de justice et le marché intérieur de la concurrence est libre et non faussé. On estimait que c'était consacré une vision trop libérale de l'économie et une vision trop libérale de l'Etat. Il y a un décalage où au moment où on supprime l'entrave et celui où on va se mettre d'accord au communautaire. Il n'y a d'Europe sociale ; l'Union n'agit que si elle a une compétence qui lui a été expressément attribuée. Dans le domaine de la politique sociale, les Etats n'ont jamais voulu donner une compétence.

2)    Les Relations entre l'Union Européenne et le système juridique de la CESDHLF (Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales).

    La Cour de Justice de l'Union Européenne (avant CJCE) est complètement distincte de la CEDH. Deux cours signifie deux voies de recours différents. L'Union Européenne ne s'occupe que de l'économie ; ces deux systèmes ne peuvent être parfaitement cloisonnés aujourd'hui l'un par rapport à l'autre. Dans le traité de Lisbonne, on prévoit expressément que l'Union Européenne  peut adhérer à la CESDHLF ; c'est une nouveauté qui vient consacrer l'évolution et que l'Union est désormais une Union qui se proclame de droit et qui, de ce fait, doit adhérer à ce texte fondamental qu'est la CESDHLF . 

    Les organisations européennes et le Conseil de l'Europe sont en train de se mettre d'accord sur les modalités juridiques de cette adhésion particulièrement problématique ; d'une manière générale, l'Union n'est pas un Etat et c'est la première fois qu'une organisation internationale a la possibilité d'adhérer à la CESDHLF. Cette situation est tout à fait nouvelle. La conséquence première de l'adhésion est que l'Union, en tant que personne juridique, va être soumise au contrôle de la CEDH (Cour Européenne des Droits de l'Homme) pour statuer sur des litiges qui mettraient en cause le comportement de l'Union. Or, devant la CEDH, ce sont essentiellement aujourd'hui des personnes physiques ou morales, donc des personnes privées, qui peuvent faire un recours contre les Etats parties à la CESDHLF. De ce fait, on va avoir deux possibilités pour un individu : une fois l'adhésion effective, l'individu pourra, dans le cas où il estime qu'un des droits garantis par la CESDHLF est violé (Ex. Droit de propriété, la liberté d'expression), aller devant la CEDH que tel règlement ou directive communautaire adopté par les institutions communautaires contrevient à son droit fondamental. Ou l'individu a une autre possibilité : il peut aller devant la CJUE et plaider devant elle la violation par une institution de l'Union de l'un de ses droits fondamentaux mais, ce n'est pas une violation de la CESDHLF que l'individu va présumer. Il y a aujourd'hui la Charte des Droits Fondamentaux de l'Union Européenne qui est devenue contraignante dans le traité de Lisbonne ; de ce fait, l'individu va arguer d'une violation du droit communautaire et non pas du droit de la CESDHLF. Il y a ainsi une dualité de solutions et un risque de dualité de solution avéré sur des questions qui peuvent concerner les libertés de circulation. La CJUE doit désormais compter avec les prises de position (dans le même sens ou en contradiction avec ses propres positions) de la CEDH.  Donc : possibilité de double solution et que, cette adhésion probable au courant de l'année qui va entraîner probablement une relecture, une nouvelle interprétation de la CJUE du droit communautaire et du droit des libertés communautaires. Le fait qu'il y ait interaction très forte entre les deux systèmes va nécessairement influer sur la manière dont la CJUE va réaliser le marché commun. Le Conseil Européen a un mandat de négociations qui ouvre les bases de la négociation avec le Conseil de l'Europe.

II)    La Spécificité de l'ordre juridique de l'Union Européenne.
Lundi 11 Octobre 2010.
Section 1. Les Rapports entre l'Ordre Juridiques de l'UE et de l'ordre juridique international.
1)    L'UE, un sujet de droit international.
    L'UE est fondée sur les traités internationaux (Répond parfaitement à la définition de l'organisation internationale). Si le projet de Constitution avait abouti, selon l'enseignante, même si ce traité établissant une Constitution pour l'Europe était entré en vigueur, la nature juridique de l'UE n'aurait pas changé de ce seul fait puisque ce traité, en dépit de nombreuses ambiguïtés, restait un traité conclu entre Etats. De ce fait, ceci ne change pas la nature juridique profonde de l'Union.
    C'est un objet de droit international mais également un sujet de droit international. L'Union a une capacité d'action dans l'ordre juridique international. Quand les institutions européennes vont mettre en place la marché commun, édicter des règles relatives à la libre circulation des marchandises, services, personnes et capitaux, l'Union va insérer son action dans un cadre international existant du fait que les Etats membres de l'Union Européenne, avant d'être même des communautés et de l'UE, s'étaient engagés dans toute une série d'accords bilatéraux dont certains peuvent avoir une incidence tout à fait important sur la réalisation des libertés économiques.

Question. Une fois que les Communautés sont créées, puis la suite l'Union, comment assure t-on la compatibilité des règles européennes avec ces règles internationales existantes ?
Les Etats membres étaient tous liés dans le cadre des conventions de l'IOT, conventions qui élaborent des conventions relatives aux travailleurs et qui peuvent avoir une certaine dimension sociale. Voici un exemple parmi d'autres de compatibilité qu'il faudra assurer entre les règles européennes et les conventions. La question dont l'Union s'insère dans l'ordre international est importante quant au marché.

    Cette personnalité juridique n'était pas, jusqu'au traité de Lisbonne, inscrite dans les traités. On mentionnait la seule personnalité juridique interne des Communautés et, dans les traités fondateurs (De Paris et de Rome), rien n'est dit de la personnalité juridique internationale des Communautés et plus tard, ceci reste identique avec la création de l'UE en 1992. Rien dans Maastricht ne vient conférer une identité internationale à cette entité. Aujourd'hui, la jurisprudence est venue dire implicitement ce que les traités n'avaient pas dit explicitement. Dès 1971, la question de la capacité conventionnelle de la Communauté Européenne a été posée.
CJCE 1971 AETR (Accords Européens sur les Transports Routiers). Pose la compétence externe de la Communauté dans le domaine des transports. La Cour se fonde sur la personnalité juridique internationale des Communautés qui découle, selon elle implicitement (Théorie des compétences implicites utilisée par la CJCE) de l'économie et des objectifs du traité CE. A partir du moment où la Communauté a une compétence sur le plan interne dans le domaine des transports, à partir du moment où la Communauté une compétence pour faire une politique dans les transports, au nom du parallélisme des compétences, il y aura compétence externe qui pourra être déduite de cette compétence interne. Le raisonnement est transposable pour d'autres domaines ; à partir du moment où la Communauté a compétence interne prévue par les traité, elle aura implicitement compétence externe sur le plan international.
La compétence externe de la Communauté a été consacrée à maintes reprises. Aujourd'hui, dans le traité de Lisbonne et pour la première fois dans un traité de base, la personnalité juridique internationale de l'UE a été reconnue de manière tout à fait explicite. Savoir si l'UE a le droit d'agir ou non sur le plan international est une question qui ne se pose plus. Il faut distinguer ce qu'étaient les Communautés et l'UE. AETR concerne les communautés.

    La question est différente concerne l'Union mais en 1992, elle ne se voit pas reconnaître de personnalité. Les traités sont silencieux, c'est problématique avec la PESC cad la politique étrangère. Comment l'Union peut agir dans la politique étrangère sans personnalité juridique ? C'est la pratique et non la jurisprudence qui a confirmé ce que les Etats ne veulent pas voir et inscrire. La réalité politique les rattrape car l'Union concluait des traités dans le domaine international et cela ne posait pas de problème ; le traité de Lisbonne vient confirmer ce qu'il y a depuis longtemps dans le droit et la pratique. Il ne fait que confirmer le fait que l'Union a une personnalité internationale et qu'il s'agit d'un sujet de droit international. Toutes les organisations internationales sont des sujets de droit international ; de ce point de vue, l'Union n'a aucune spécificité.

2)    La Spécificité de l'Union Européenne au regard du droit international
    Manière dont l'UE va traiter le droit international dans son propre ordre juridique. Certes, l'UE peut agir sur la scène internationale mais elle s'insère dans cet ordre juridique de façon à préserver ce qui lui paraît être ses principes fondamentaux.  Quand elle agit sur la scène internationale, l'UE se doit se respecter le droit en vigueur. Elle est donc liée par les règles et les principes coutumiers du droit international mais parfois, ce respect des règles internationales se révèle être problématique au regard des règles propres élaborées dans l'ordre juridique de l'Union. Dans ce cas, quand il y a problème et éventuelle contrariété entre le droit communautaire et le droit international, l'Union n'hésite plus aujourd'hui à affirmer la primauté de son ordre juridique sur les règles internationales à partir du moment où (il y a des conditions) elle estime que ces règles internationales viendraient contrarier de manière très importantes ses propres principes fondateurs. (<=>Sa spécificité). Ce qui permet ce raisonnement est d'une part que cet ordre juridique de l'Union est très perfectionné (Plus un ordre juridique est hiérarchisé et perfectionné, plus il a tendance à l'autonomie) ; d'autre part, c'est l'existence de cette juridiction qu'est la CJCE qui peut, aujourd'hui, interpréter le droit communautaire et dire quelles sont les normes qui doivent primer sur les autres.

Exemple 1. Dans les traités communautaires est prévue une procédure d'avis. La CJCE peut (Ce n'est pas une obligation) être saisie pour avis quand les institutions communautaires souhaitent engager la Communauté ou l'Union dans un accord international et avant de ratifier cet accord (Qu'il n'engage définitivement la Communauté ou l'Union), le traité prévoit que la CJCE peut être saisie pour incompatibilité entre l'ordre communautaire et l'accord que l'on envisage de signer. C'est une procédure préventive pour régler en amont d'éventuelles incompatibilités. Si la CJCE estime qu'il y a incompatibilité, on n'ira pas au bout du processus de signature du traité. Il y a eu beaucoup de cas d'avis.
Ex. 1996, éventuelle adhésion de la Communauté à la CESDH. Elle avait dit qu'une telle adhésion serait incompatible avec les traités communautés. En 1996 à partir du moment où l'avis était négatif, on avait évité toutes velléité d'adhésion.
Ex. En 1994, les Communautés et l'Union se sont engagées dans la Charte visant à instaurer l'OMC avec les accords de Marrakech qui l'institue. En 1994, la Cour a été interrogée via cette procédure d'avis pour savoir si les Communautés avaient une compétence exclusive pour signer ces accords ou s'il y avait des domaines où il y avait compétence partagée entre la Communauté et l'Union. La CJCE a conclu majoritairement à l'existence d'une compétence partagée. L'accord a été signée puisque la CJCE avait conclu à aucun motif d'incompatibilité caractérisée. Plus tard, elle a négocié une réglementation relative au contingentement des bananes. Dans le cadre de l'OMC, on a négocié de nouvelles règles relatives à l'importation de bananes provenant de pays en voie de développement pour tenter de faire prévaloir certains de leurs intérêts en tant qu'Etats membres. Ces règles internationales, dans le cadre de l'OMC, vont être contestées dans le cadre communautaire car il y a divergences d'intérêt entre les Etats membres. Certains Etats qui ont des liens forts avec les pays ACP vont pousser en faveur de ce régime (Anciennes colonies, raisons historiques, politiques) , l'Allemagne va contester en 1997 ces règlementations internationales.
1998 CJCE Allemagne c/ Conseil. L' Allemagne estime, dans son argumentaire, que cette réglementation négociée par le Conseil des Ministres, est en contrariété directe avec des principes communautaires, notamment celui fondamental de non discrimination.
Les autres Etats membres du Conseil répondent que la décision a été signée par le Conseil ; cette réglementation engage donc la Communauté au titre de sa participation à l'OMC. Les Communautés faisant partie de l'OMC se devaient de faire partie de cette réglementation qui a primauté sur ce principe communautaire.
La CJCE va poser le principe de la primauté du droit communautaire, estimant que la décision du Conseil qui vient engager la responsabilité de la Communauté sur la réglementation de la banane, est contraire à des principes structurels de l'UE et notamment celui de non discrimination. La CJCE n'hésite pas à poser le principe de son droit sur le droit international et, de ce fait, elle place la Communauté, en tant qu'acteur, dans une situation très délicate car la Communauté s'est engagée. On est dans un processus où l'accord est déjà en vigueur ; ce n'est pas du contrôle apriori.

Exemple 2. CJCE Kadi. Relations entre l'ordre juridique internationale// ordre juridique communautaire. Dans des termes clairs et structurés, la CJCE va poser la primauté du droit de l'Union sur des règles internationales, en l'espèce une résolution du Conseil de Sécurité des Nationas Unies adoptés au titre de l'article 7 de la Charte des Nations Unies, dans un domaine considéré comme crucial par les Nations Unies à savoir la lutte contre le terrorisme. On est dans un domaine très polémique ; la CJCE n'hésite pas à poser la primauté du droit communautaire, notamment des droits fondamentaux garantis par l'ordre communautaire contre la Résolution du Conseil de Sécurité qui ne lui paraît pas respecter ce principe. Ce problème juridique aboutit à un problème politique puisque les Etats membres sont liés par cette résolution et sont obligés de la respecter. Ils sont pris entre leurs engagements communautaires et engagements internationaux qui sont ainsi incompatibles d'après la position de la CJCE.
Après cela, les Etats membres de l'Union Européenne ont réussi à trouver un arrangement politique : Est-ce que ce Mr Kadi devait être inscrit sur les listes des personnes présumées terroristes afin de pouvoir geler ses avoirs ? Après une petite vérification, il a été réinscrit sur les listes rapidement en vérifiant que les droits de la défense et les droits de propriété n'étaient pas violés.

Section 2. Les Rapports entre l'ordre juridique de l'Union Européenne et les ordres juridiques nationaux.
1)    Primauté, Effet Direct et invocabilité du droit de l'UE en droit interne
    Depuis décembre 2009, les Communautés n'existent plus et normalement, le droit communautaire n'existe plus en tant qu'expression et remplacer par les expressions suivantes : le droit européen ou le droit de l'Union. Mais cette expression est tellement ancrée, ce sera plus pour parler de la qualité de ce droit que de sa provenance. Dès 1964, les principes d'effet directe t de primauté n'existent pas et c'est la jurisprudence qui vient palier ces absences. Elle a posé l'effet direct et la primauté dans les arrêts de 1963 et de 1964.
CJCE Van Gand and Loos 1963. Pose le principe de l' Effet Direct. Dans un argumentaire célèbre, l'ordre juridique communautaire établi par le traité de Rome ne crée par simplement des droits et obligations entre les Etats mais qu'il crée aussi des droits dont peuvent se prévaloir les personnes physiques ou morales, les particuliers qui sont ainsi les destinataires de ces règles. Le droit communautaire n'est pas un droit pour les Etats mais pour les particuliers.
Ceci est absolument fondamental car c'est à partir que l'on va affirmer l'effet direct de la règle communautaire que l'on va permettre à cet individu, personne physique ou morale, d'invoquer la norme communautaire devant le juge. Prioritairement, cette invocabilité se fait devant le juge national : quand l'individu invoque le droit communautaire, il l'invoque devant un juge national dont la mission est d'appliquer le droit communautaire. Le juge national est le droit de droit commun du droit communautaire. Pour que le système puisse fonctionner, il faut donner d'une part les moyens, d'autre part les solutions au juge national pour qu'il fasse correctement son travail.
   
    Le système est fondé sur l'effet direct et la conséquence directe de l'effet direct est la primauté du droit communautaire, deuxième grand principe de l'UE. Ce principe est affirmé en 1964 dans un arrêt de principe.
CJCE 1964 Costa c/ Enel. Première prise de position de la CJCE sur la primauté. Ce qui compte n'est pas tant l'affirmation du principe (Il fallait être aveugle pour ne pas le déduire des traités) mais les conséquences qu'en tire la CJCE.
Attention : Ceci n'est pas une grande nouveauté si on considère la norme self executing peut être invoquée directement par le particulier devant le juge. Ceci n'est pas révolutionnaire mais ce qui l'est est parce que le droit communautaire prime dans l'ordre national, il revient au juge national de laisser « inappliquée toute norme interne qui serait contraire à la norme communautaire ». La CJCE donne au juge national de laisser inappliqué son propre droit pour laisser s'appliquer le droit issu du droit communautaire et ceci est le plus problématique pour le juge national qui doit faire respecter cette primauté.
    Au terme de batailles juridiques, la vraie question en suspens non résolue est celle des rapports et de l'éventuelle primauté du droit de l'Union sur la norme fondamentale, cad sur la Constitution. Le reste ne pose plus aucune question aujourd'hui ; selon l'ordre juridique dans lequel on se situe, la réponse n'est pas la même. Selon l'ordre juridique de l'Union, selon la position de la CJUE, il n'y a aucun problème et différence de principes entre la loi nationale, le règlement national et la Constitution nationale. La CJUE a le mérite de la clarté : tout le droit de l'Union prime sur le droit national. Exemple. Il est vrai que dans le droit de l'Union, le petit règlement communautaire qui vient règlementer la taille des pneus dans l'UE prime des dispositions constitutionnelles considérées comme tout à fait fondamentales. Dans l'ordre national, les juges constitutionnels et administratifs internes considèrent que la Constitution nationale reste au sommet de la hiérarchie des normes. Le juge constitutionnel tire sa légitimité de la Constitution, ceci n'est pas étonnant mais ce qui est problématique sont les conflits potentiels entre deux positions qui paraissent inconciliables. Aujourd'hui, les juges internes ont aménagé des positions qui leur permettent de concilier des spécificités conservant la supériorité de leur norme suprême. Le Conseil Constitutionnel français a développé toute une jurisprudence, notamment concernant la transposition de directives communautaires avec :
DC 2004 Loi Relative à l'Economie Numérique. Le CC s'est fondé pour la première fois sur l'article 88-1C  qui définit les conditions d'appartenance de la France à l'Union Européenne. Le CC reconnaît une certaine spécificité au droit de l'UE. Il ne se fonde plus sur l'article 55C relatif à la comptabilité entre les accords internationaux régulièrement ratifiés. Il reconnait que la transposition des directives communautaires résultent d'une exigence constitutionnelle et il présumera la constitutionnalité des lois de transposition de directives communautaires sauf en cas de contrariété ou de violation avec une disposition expresse de la Constitution.
DC 2006 Loi Relative au Secteur de l'Energie . Affine son raisonnement sur la notion de disposition expresse, disposition qui vient heurter l'identité constitutionnelle de la France.
CE Arcelor 2007. Consacre le dialogue entre le juge communautaire et le juge français.

    On a aménagé différentes possibilités de dialogues entre ces différentes juridictions pour éviter les conflits. La nouveauté est le mécanisme de la question prioritaire de constitutionnalité, instaurant une nouvelle forme de dialogue dont on pouvait légitimement contester la compatibilité avec le droit communautaire. Certains estimaient que le mécanisme était contraire au recours instauré dans l'ordre juridique de l'Union, notamment la question préjudicielle ; il pouvait y avoir concurrence ou contrariété avec la QPC et la question préjudicielle (Procédure permettant au juge national, en cas de doute, de poser une question au juge communautaire).
CJUE Melki. La QPC employée dans certaines conditions et contexte ne serait pas contraire au droit de l'Union mais la CJUE prend bien soin de préciser qu'en aucun cas, la QPC ne devrait bloquer la procédure préjudicielle, procédure clé du droit communautaire.

2)    La Place Centrale du Juge dans le Droit de l'Union
    C'est un droit très orienté par la jurisprudence. La CJUE a réellement crée, par son interprétation, certains règles et principes. C'est une véritable source du droit de l'Union Européenne. Le droit communautaire est à destination des individus et qu'il y a l'effet direct  mais ce n'est pas parce que l'on dit cela que l'individu peut faire valoir ses droits devant le juge communautaire de manière libre et fréquente. C'est même tout le contraire. 90% des arrêts étudiés sont prononcés suite à des questions préjudicielles que le juge national pose au juge communautaire ; ce dernier éclaire le juge national sur le sens qu'il convient de donner au droit communautaire et le juge national tranchera dans le sens du droit communautaire.

    Cependant, parfois le requérant peut aller directement devant la CJUE mais dans une voie de recours ouverte de façon très restrictive qui est le recours en annulation ou recours en carence. Par cette procédure, le requérant (personne physique ou morale) va contester devant la CJUE un acte communautaire (Pas un acte national) car il estime que cet acte est en violation avec des principes du droit communautaire qui lui sont favorables (Contraires aux traités ou à des principes fondamentaux du droit communautaire). Les conditions de recevabilité de ce recours sont extrêmement rigides et il faut que le requérant soit individuellement et personnellement concerné par l'acte qu'il entend contesté. Autant sur cette question, la CJUE a maintenu une position très restreinte visant à réduire au max l'accès au requérant à la CJUE. Bien souvent, le requérant obtient ou non gain de cause devant le juge national. La dernière voie de recours évoquée au sein du cours sera le recours en manquement qui ne concerne JAMAIS l'individu ; l'individu ne peut aller devant la CJUE pour dire que son Etat a violé telle disposition du droit communautaire. Les seuls organes et institutions qui peuvent le faire sont la Commission ou un autre Etat membre qui va intenter une procédure en manquement contre un autre Etat.
Exemple. La France est l'objet actuellement depuis le 29 septembre 2009 d'une procédure en manquement pour violation du droit communautaire lancée par la Commission devant la CJUE, sur la violation de la directive 2004/38 sur la libre circulation des personnes. La France ne voulait pas être poursuivie dans cette procédure pour violation du principe de non discrimination au regard des Roms, c'est ce que la Commission voulait. Le seul moyen pour les particuliers est que ce sont les particuliers qui peuvent alerter la Commission qui va intenter un recours suite à des plaintes individuelles qu'elle reçoit et qui vont la mener à lancer une enquête, de manière discrétionnaire. L'individu va jouer un rôle indirect auprès de la Commission.

Mardi 12 Octobre 2010.
La libre circulation des capitaux ne sera vue que lorsqu'elle ne sera lue qu'en relation avec d'autres libertés comme la libre prestation de service,s libre circulation des personnes.
Partie I – La Libre Circulation des Personnes dans l'Union Européenne

   
    Depuis une quinzaine d'années, cette liberté est devenue centrale dans l'ordre juridique européenne. Il s'agit de considérer la logique économique d'une part (Les personnes circulent en tant qu'agents économiques du marché) et d'autre part, d'autres logiques qui sont venues concurrencer et se substituer à la logique économique telles la logique des droits de l'Homme et de la logique politique puisqu'on a instauré une citoyenneté européenne qui est la pierre angulaire de compréhension de la libre circulation. C' est révélateur des tensions que connait l'ordre juridique de l'Union. Cela permet de faire le lien avec les politiques d'immigration.

    Au départ en 1957, quand on signe le traité de Rome qui établit la communauté économique européenne, on envisage cette liberté exclusivement sous un angle économique. Il n'y a qu'à voir les dispositions juridiques pertinentes du traité de Rome. Les articles 39 et suivants du traité (instituant la communauté économique européenne) visent l'établissement et la libre circulation des travailleurs ; les articles suivants viseront la libre prestation des services et la liberté d'établissement. En 1957, le seul terme qui désigne la personne dans les dispositions relatives à la libre circulation est le terme de « travailleurs ». Cela signifie qu'au départ, on ne conçoit le marché commun que sous un angle économique. On va chercher à faciliter l'établissement et le déplacement des agents économiques car ce sont eux, en tant que facteurs de production, qui vont permettre la réalisation des objectifs du traité de Rome, à savoir le développement économique des Etats membres, le développement du commerce et des échanges entre les Etats membres. Ces objectifs sont clairement mis en avant et considérés comme prioritaires. En 1957, n'a le droit de circuler librement dans la Communauté que celui qui travaille, qui est une force économique. En 2010, aujourd'hui, la situation a radicalement changé et tout l'enjeu de l'étude sur les personnes est de mesurer les implications de ces évolutions. Aujourd'hui se déplacent, circulent et s'installent sur le territoire d'un autre Etat membre que le sien non seulement le travailleur mais aussi les membres de sa famille, les étudiants (Ceux qui par définition ne travaillent pas encore), les citoyens inactifs (Ceux qui sont sans emploi, retraités ou à la recherche d'un emploi), plus largement toute personne ayant la nationalité d'un Etat membre en tant que citoyen européen. Plus largement, il s'agit de toute personne ayant la nationalité d'un Etat membre => on pose la condition pour avoir un droit à la libre circulation. Pour avoir ce droit à la libre circulation, le traité de Rome et tous ceux qui l'ont suivi posent la condition de nationalité d'un Etat membre. Dès le départ, il y a une dichotomie nette entre le ressortissant qui a la nationalité d'un Etat membre de la communauté et celui qui n'a pas cette nationalité et qui sera appelé, dans le droit de l'Union, le ressortissant d'un Etat tiers (à la communauté).

    En 1957, on a choisi de réserver les facilités et les droits de la libre circulation aux seuls ressortissants des Etats membres. Cette condition de nationalité est explicite dans le traité que pour la prestation de services. Quand il s'agit du travailleur, le traité de 1957 ne précise pas. Très vite, on a levé l'ambiguïté puisque les premiers textes que vont adopter les institutions communautaires vont être tout à fait explicites et réserver la libre circulation aux seuls nationaux. Le texte à savoir est un règlement adopté en 1968 qui est le règlement 1612-68 adopté par le Conseil en 1968 pour régler toute question relative à la libre circulation des travailleurs. On pose, das ce règlement dès les premiers articles, les conditions de nationalité. Le droit dérivé est venu régler le débat et l'ambiguïté. Puis, deuxième point, on va étayer les autres raisons : on a tout de suite senti, des les 60' (Années de construction de la communauté) qu'en touchant à a libre circulation des personnes, on touchait à des domaines qui n'étaient pas exclusivement économiques. Il y avait des enjeux très politiques à la question ; des questions liées aux politiques d'immigration nationale, aux politiques d'asile. Parce qu'on a senti ces implications politiques, on a restreint la libre circulation aux seuls nationaux. Autre explication possible, dès 1957, même si on a une visée économique, on a aussi en tête un projet politique qui ira plus loin que la seule circulation des facteurs de production. Dans ce processus éminemment politique des l'origine même si on ne le dit pas, on ne peut pas concevoir que toutes les personnes installées sur le territoire européen jouissent des mêmes prérogatives. Ce choix a été fait dès 1957.

    Cette double dichotomie : national//ressortissant tiers et économique//dépassement de l'économique s'explique au sein du plan.


Chapitre 1 : La Libre Circulation des Citoyens Européens


Section 1. L'Extension progressive du champ d'application personnel de la libre circulation des personnes.
    A. La Finalité initialement économique de la liberté de circulation.
    Hormis la condition de nationalité au départ, le traité pose en 1957 trois conditions pour pouvoir invoquer les droits tirés du traité de Rome. Il faut être un travailleur, il faut exercer une activité économique, il faut se mettre en situation de pouvoir bénéficier du droit communautaire (= condition d'extranéité).

1.    Le Travailleur et sa Famille
    Dans le traité, le terme de travailleur est retenu. Cela pose la question suivante : qu'est-ce qu'un travailleur dans le droit de l'Union Européenne en 1957 ? Le traité ne donne aucune définition, il n'en donne que très rarement. Il faudra attendre des prises de position de la CJCE. C'est pour cela que le travail de la CJCE est une source de droit car toutes les grandes définitions et les grands principes seront posés par la CJCE. La CJCE a posé trois éléments qui permettent de définir le travailleurs dans plusieurs arrêts. Celui qui synthétise tout cela est :
CJCE Lawrie Blum 1986. La CJCE estime que sera considéré comme travailleur une personne qui accomplit des prestations ayant une valeur économique en faveur d'une autre personne sous sa direction et en échange d'une rémunération. On a trois éléments : des prestations ayant valeur économique ; un rapport hiérarchique (une relation de subordonné) ; une rémunération.
Mais la CJCE, dans un mouvement classique, va avoir tendance à assouplir considérablement ces éléments dans un mouvement classique ; elle va avoir tendance à faire du travailleur une notion véritablement communautaire, donc une notion qui ne dépend pas des définitions nationales. Pourra être considérée comme un travailleur une personne qui exerce une activité économique seulement à temps partiel (CJCE 1982 Lebin). La CJCE pourra considérer comme travailleur des personnes dont l'activité n'est que potentielle ; la CJCE a considéré, dans une jurisprudence retentissante, que les demandeurs d'emplois cad les chômeurs devaient être considérés comme des travailleurs au sens du droit communautaire et que, ce de fait, il leur suffisait de justifier qu'ils étaient effectivement à la recherche d'un emploi pour pouvoir jouir des dispositions relatives à la libre circulation. La CJCE a pris cette position très tôt, dès CJCE 1964 Unger (Avant le premier texte de droit dérivé de 1968). Un demandeur d'emploi rentre dans le champ d' application du traité ; elle confirmera plus tard en interprétant le règlement 1612-68 en usant d'une interprétation progressiste dans CJCE Antonissen 1991.

    La notion de travailleur est entendue très largement et pourront bénéficier de la libre circulation une catégorie juridique de personnes à part les travailleurs, il s'agit de la famille de ce travailleur. Dès 1968 dans le règlement 1612-68, on part du principe que pour que le travailleur circule librement, il faut accorder les mêmes droits à sa famille directe cad à son conjoint, à ses enfants et à ses ascendants quand ces ascendants sont à charge. On a une dimension sociale et familiale en tête en 1968 uniquement pour permettre la libre circulation du travailleur d'un Etat membre à un autre.


2.    L'Activité Economique : le fait d'exercer une activité économique.

    On a eu l'interprétation très souple de cette notion par la CJCE. Il faut qu'il s'agisse d'une activité qui entraîne une prestation rémunérée mais, par contre, nul besoin d'exiger une activité économique selon les définitions données par chaque Etat membre. La CJCE va poser ses propres critères de la notion. On peut citer beaucoup d'exemples.

Exemple 1. Domaine sportif. CJCE 1995 Bosmann. La CJCE a considéré que le sport, dans certains de ses aspects et sous certaines conditions, était une activité économique et, de ce fait, les joueurs professionnels devaient être considérés comme des travailleurs au sens du traité dans le mesure où ils exercent une activité économique. Le versement de cette indemnité telle que prévue en 1995 n'était pas compatible avec les articles relatifs à la libre circulation (Art 48 devenue 39 dans le TCE). A partir de 1995 ont été levées les clauses de nationalité dans les compositions sportives.
CJCE 2000 Deliège. Vient confirmer que le sport est une activité économique, notamment dans sa dimension professionnelle.

Exemple 2. L'enseignement privé. Est-ce que certaines formations d'enseignements professionnel et général peuvent elles être considérées comme des activités économiques ? En 1957, les Etats n'ont pas voulu que la Communauté s'occupe de leur système éducatif. La question de l'éducation était en 1957 était réservée aux Etats membres et elle le reste par certains de ses aspects. Le droit de l'Union n'a rien à dire de la composition des programmes, de l'organisation des systèmes scolaires et universitaires. Mais l'Union rentre par la petite porte car à partir du moment où l'enseignement est privé ou semi privé, l'Union a une certaine prise sur ce domaine.
CJCE Schwartz 2007. La CJCE a considéré que dans certaines conditions, l'accès à des formations privées sur le territoire d'autres Etats membres devait être ouvert sans discrimination aux ressortissants communautaires et à partir du moment où les fonds qui permettaient de financer la formation étaient essentiellement privés, il fallait considérer que l'activité d'enseignement était une activité économique.
On a une extension notable de la notion d'activité économique avec les domaines sportif et de l'enseignement.

3.    La Condition d'Extranéité.

    L'extranéité est par rapport à la nationalité du ressortissant. Toute la logique du droit communautaire est fondée sur l'extranéité : on doit se déplacer dans un Etat membre qui n'est pas le votre pour pouvoir invoquer le traité. Le droit communautaire en 1957 se soucie très peu de vous en tant que national dans votre Etat ; si vous ne circulez pas et si vous n'apportez pas votre force de production à un Etat membre, vous n'apportez rien au marché commun et vous ne pouvez ainsi invoquer le bénéfice du droit communautaire. Le droit communautaire fait du déplacement vers un Etat membre une activation des droits conférés par un traité.

    Cette condition d'extranéité est posée très clairement  mais va vite poser des problèmes car elle va entraîner des discriminations à rebours. Il s'agit d'une discrimination créée par le droit communautaire (N'aurait pas existé sans les dispositions juridiques du droit communautaire), elle va toucher vous en tant que national dans votre propre Etat (Pour cela qu'elle est à rebours) et non pas le ressortissant d'un Etat membre qui va sur votre territoire mais elle va vous toucher vous dans votre propre Etat.
Ex. Conditions de résidence sur son propre territoire pour obtenir une bourse alors qu'un étudiant était parti à l'étranger obtenir un diplôme. Il revient faire sa demande de bourse et ne remplit plus les conditions de résidence sur son propre territoire


Lundi 18 Octobre 2010.
    La condition d'extranéité est le fait qu'un national dans un Etat membre ne peut se prévaloir du droit de l'Union qu'à la condition qu'il se mette dans une position lui permettant d'invoquer ce droit. Pour pouvoir invoquer le droit de l'Union,  il faut se mettre en situation d'extranéité, cad qu'il faut, outre la condition d'extranéité, un facteur de rattachement à l'une quelconque des situations envisagées par le droit communautaire. On trouve cette définition dans plusieurs arrêts de la CJUE. CJCE 28 mars 1979 Sunders. On ne peut pas être un national dans votre Etat installé dans votre territoire et ne pouvant justifier d'aucun rattachement avec le droit communautaire. Dans cette situation, on est soumis au droit national et non pas au droit communautaire.

    En matière de liberté de circulations des personnes, pour remplir l'exigence d'extranéité, le national doit effectuer ou avoir effectué un déplacement sur le territoire communautaire. L'exigence de cette condition d'extranéité a deux conséquences : les situations dites purement internes sont exclues du champ d'application du droit de l'Union et la discrimination à rebours se définit de la manière suivante : c'est une différence de traitement qui touche le national dans son propre Etat par rapport au ressortissant d'un autre Etat membre installé sur le territoire du premier Etat et qui, lui, peut invoquer le droit communautaire. Une discrimination car on traite de manière différente de deux personnes qui pourraient se prévaloir de mêmes prérogatives juridiques mais dans le premier cas, c'est le national dans son propre Etat qui ne s'est jamais déplacé et dans le second cas, c'est un ressortissant qui s'est déplacé dans un autre Etat. C'est à rebours car elle touche le national dans son propre Etat.
Ces discriminations ont surtout été générés dans le domaine de la reconnaissance des formations et des diplômes et dans tout ce qui va toucher l'accès à la formation.
CJCE 1984 Moser. On va demander à la CJCE de dire si le droit communautaire est applicable et comment il doit être appliqué mais ce n'est pas la CJCE qui va trancher le litige. La juridiction allemande pose la question préjudicielle à la Cour ; il s'agissait d'un ressortissant allemand qui souhaitait participer à une formation d'instituteur et pour y accéder, il lui fallait faire un stage préparatoire après réussite d'un examen que ce dernier avait parfaitement réussi. Les autorités administratives allemands avaient refusé l'inscription de son étudiant au stage, estimant que les garanties d'attachement de cet étudiant à la Loi Fondamentale Allemande étaient insuffisantes car ce ressortissant appartenait au PC allemand. De ce fait, en 1984, l'administration avait estimé qu'il pouvait y avoie un certain manquement à l'obligation de fidélité. Cette condition ne peut s'appliquer qu'aux Allemands car c'est d'eux qu'on va attendre un tel attachement.
Le ressortissant allemand proteste et estime qu'il est la victime d'une discrimination, non pas tant par rapport aux autres Allemands mais aux ressortissants communautaires qui eux peuvent accéder à ce stage préparatoire et qui, de ce fait, peuvent postuler au poste d'instituteur sur l'ensemble du territoire des Etats membres de la Communauté.
La CJCE est obligée d'admettre qu'elle se situe dans le cas d'une situation purement interne, qu'il n'y a pas de lien de rattachement au droit communautaire. Le ressortissant allemand a toujours vécu en Allemagne, y a toujours travaillé et, selon elle, l'argument du ressortissant n'est pas recevable car ce dernier estimait qu'on le plaçait dans une situation défavorable pour postuler dans d'autres Etats. S'il souhaitait exercer son droit à exercer sa profession en dehors de l'Allemagne, il en était empêché par cette condition. La CJCE estime qu'il s'agit d'une situation purement hypothétique ; la perspective professionnelle en question est purement hypothétique et, dans ce cas, elle ne peut juger de l'applicabilité du droit communautaire.

Dans un raisonnement ultérieur, la CJCE a tenté de minimiser les effets néfastes de cette exigence d'extranéité. En matière de diplômes.
CJCE 1993 Kraus. Un médecin qui, après avoir obtenu une partie de son diplôme en dehors de osn Etat, souhaitait revenir s'installer en Allemagne. Les autorités lui ont opposé un refus qui a été jugé contraire au droit communautaire par la Cour. La CJCE a estimé que, dans ce cas, le fait que le requérant ait circulé et qu'il ait obtenu son diplôme dans un autre Etat membre des Communautés suffisaient à rattacher la situation au droit communautaire.

    En matière de diplômes, on a tenté de restreindre les effets négatifs. Idem en matière de séjours, notamment sur les politiques d'immigration des Etats. Jusqu'à une période très récente, les questions d'immigration et d'asile relèvent de la compétence des Etats mais ce n'est plus le cas aujourd'hui. En 1992 Sin , la CJCE va avoir à juger d'une situation juridique qui pose clairement la question de l'extranéité et de la situation interne. Il s'agissait non pas du travailleur communautaire lui même mais de son conjoint qui était non communautaire (N'avait pas la nationalité d'un Etat membre). L'UK estimait que la situation en cause était strictement interne et seul le droit britannique trouvait à s'appliquer à la situation. La requérante souhaitait faire revenir son conjoint sur le territoire britannique dans le cadre du regroupement familial ; les règles britanniques en la matière sont particulièrement sévères. Elle va arguer qu'elle peut se prévaloir du droit communautaire et que son conjoint a droit au séjour sur la base du droit communautaire car à un moment de sa vie, elle a travaillé en Irlande. Cela fait des années qu'elle est en UK mais a usé de son droit à la libre circulation et veut en faire bénéficier son conjoint. Il s'agit du conjoint ressortissant tiers et du travailleur communautaire. Mais cette expérience professionnelle n'a rien à avoir avec sa demande. La CJCE, interrogée par question préjudicielle, va obliger les tribunaux britanniques à appliquer le droit communautaire et autoriser le conjoint de la demanderesse car la requérante peut se prévaloir du règlement 1612 permettant au travailleur et aux membres de sa famille de travailler librement sur le territoire des communautés.

    L'Union va imposer ainsi ses règles par la petite porte, one st dans un domaine très sensible et la CJCE n'hésite pas à faire une interprétation très large et très souple du règlement 1612.
CJCE 25 juillet 2008 Métock. La CJCE franchit une étape supérieure. Le conjoint ressortissant tiers dans le cadre du regroupement familial, ne pouvait en aucun cas de jouir d'une situation légale. Il était en situation irrégulière quand il est premièrement rentré sur le territoire. Ici, l'Etat estime qu'en matière d'immigration irrégulière, il est clair que l'Etat applique ses règles et qu'on ne saurait imposer une règle de droit communautaire à cette situation. La CJCE va autoriser le regroupement familial car la condition d'extranéité est remplie et demande aux Etats de prendre en compte le droit communautaire dans des domaines qu'ils croyaient réservés. Il y a condition d'extranéité et application donc du droit communautaire. Il s'agit d'une tentative de dépasser les restrictions posées à la libre circulation des personnes.

    On va aller encore plus loin que le simple dépassement avec l'instauration de la citoyenneté de l'Union Européenne.

    B. Le Dépassement progressif de la logique économique par la citoyenne de l'Union.
1)    La Citoyenneté Européenne, statut fondamental des ressortissants des Etats membres.

    Depuis 1992 et la signature du traité communautaire, le ressortissant communautaire est aussi un citoyen de l'Union cad qu'on a révisé en 1992 les traités. Dans l'article 8 du TCE, il est institué une citoyenneté de l'Union pour toute personne qui a la nationalité d'un Etat membre. Dans de nombreux Etats, c'est le concept de citoyenneté qui a posé problème car les Etats membres de l'Union avaient quelques difficultés à concevoir une citoyenneté européenne à côté de leur citoyenneté nationale. Les Etats craignaient que l'instauration de cette citoyenneté de l'Union ne vienne menacer leur souveraineté.
Le Danemark a d'abord refusé le traité de Maastricht par référendum ; il a fallu faire face au refus danois. Pour rassurer sa population, le gouvernement a obtenu une déclaration, un nouveau texte que l'on a annexé au traité de Maastricht portant sur la citoyenneté en disant clairement que la citoyenneté européenne ne remplaçait aucunement la citoyenneté nationale, qu'elle ne touchait pas aux droits et devoirs qui découlent de la citoyenneté nationale. C'était bien un concept complètement différent des droits internes.
    En 1992, on institue cette citoyenneté et on énonce un certain nombre de droits attachés à cette citoyenneté. Par ces droits, on a des droits politiques sur lesquels on n'insistera pas (Droits aux élections municipales et européennes, droit de pétition, droit de recourir à un médiateur, droit à une protection diplomatique et consulaire dans le cas où le citoyen se trouve dans un Etat tiers à l'Union Européenne) et le droit de libre circulation et de libre séjour du citoyen européen. Le fait d'appeler cette personne non plus travailleur, non plus prestataire de service mais de l'appeler citoyen montre une évolution du droit communautaire et une évolution des finalités de la libre circulation. Avec l'instauration de la citoyenneté, ce qui sont les conditions que doit remplir le citoyen européen pour bénéficier du droit communautaire.  Le fait d' être un travailleur, d'avoir une activité économique ; la citoyenneté européenne permet de les dépasser puisqu'aujourd'hui, le traité dit bien que toute personne a la citoyenneté de l'Union cad toute personne qui est nationale. Elle a ainsi le droit de se déplacer, à travailler et à séjourner dans n'importe quel autre Etat membre que le sien.

    Au départ, dans les premières années d'instauration de la citoyenneté, on s'est demandé quelle était la vraie nouveauté car la CJCE avait tellement élargi la libre circulation des travailleurs qu'on s'est un peu demandé ce que ce nouveau concept allait ajouter. Depuis 1998, on a une série de prises de position de la CJCE qui sont venues donner tout leur sens à la citoyenneté de l'Union.
CJCE Martinez Sala 1998. La CJCE va donner une réelle valeur ajoutée à la citoyenneté. On est dans le cadre d'une personne qui a travaillé, qui ne travaille plus au moment du litige. Elle demande à jouir d'une prestation sociale dans son Etat de résidence. On lui refuse ; quand le juge national applique le droit communautaire, il lui répond que le droit communautaire ne lui applicable fait qu'elle ne travaille. Au seins d'une question préjudicielle, la CJCE va forcer le juge national à prendre en compte, le nouveau statut de la requérante qui est citoyenne européenne avant tout. Même si elle n'est plus considérée comme travailleur au sens du droit communautaire,  elle pourra jouir de la libre circulation et des droits qui en découlent sur la base de la citoyenneté de l'Union. L'expression désormais employée par la CJCE est toujours la même « La citoyenneté est le statut fondamental des ressortissants des Etats membres ; ce statut fondamental supplante aujourd'hui  tous les autres. ». 

    Le droit dérivé a évolué aujourd'hui : on avait auparavant une quinzaine de directives et règlements qui traitaient d'une catégorie de personnes, coexistaient et se surajoutaient les uns aux autres. En 2004, la situation change sous l'impulsion de la citoyenne européenne : le Parlement et le Conseil adoptent une directive unique sur le droit de séjour des citoyens européens. Il s'agit de la directive 2004-38, texte global qui régit aujourd'hui le droit des citoyens à la libre circulation et au libre séjour. Il fusionne tous les textes de droit dérivé qui existait avant et intègre les avancées jurisprudentielles, les arrêts de la juridiction communautaire pour en faire une véritable législation.

    Le principe est que les citoyens circulent librement sur le territoire communautaire qu'ils soient une force de travail ou non.

2)    Les Conditions d'Attributions de la Citoyenneté Européenne.

    Les deux conditions économiques sont aujourd'hui tombées : plus d'exigence du lien de travail et de l'activité économique. En revanche, la condition de la nationalité reste posée par le droit de l'Union puisque l'article 8 du TCE précise que « le citoyen, national d'un Etat membre ».

A partir du moment à la citoyenneté européenne découle de la nationalité, la question de savoir si les Etats sont aujourd'hui libres de décider qui est, qui sont leurs nationaux ? Le principe bien établi du droit international est que les Etats restent seuls compétents pour déterminer les conditions  d'attribution de leur nationalité. Cela apparaît légitime pour un Etat souverain qui détermine les contours et la définition des personnes qui seront liées à lui par ce lien de nationalité. Là encore, le droit communautaire bouleverse certaines règles et principes. On est dans un droit qui aménage et adapte certaines règles à sa manière ; la nationalité est un domaine qui ne pouvait rester insensible à celui du droit de l'Union car ce domaine permet la liberté de circulation. La CJCE a rappelé que les Etats restent seuls compétents mais qu'ils doivent exercer leur compétence dans le respect du droit communautaire. Le principe paraît clair : les Etats sont maîtres chez eux mais quand on regarde de plus près, on constate qu'il peut y avoir des limites à cette compétence.

Exemples de limite.
Exemple 1. En 1992, au tout début de la citoyenneté européenne, se pose un problème devant la CJCE d'un ressortissant appelé Micheletti qui a la particularité d'être italo-argentin, donc une double nationalité. Ce ressortissant a vécu toute sa vie en Argentine, a travaillé en Argentine et d'y avoir exercé une profession médicale et il décide de venir s'installer en Italie. Ensuite, il aimerait s'installer dans un autre Etat membre de l'Union Européenne cad l'Espagne. Les autorités espagnoles sont confrontées à un vrai problème : ce ressortissant n'a jamais vraiment habité en Italie malgré sa double nationalité, il a toujours vécu en Argentine, il y a tous ses liens là bas. Donc j'applique le droit espagnol et quand j'ai un cas de double nationalité, j''applique la nationalité dite effective ou dominante. (CIJ a posé le principe de l'opposabilité de la nationalité dominante et effective). Donc, le requérant a une nationalité effective argentine.
Par voie préjudicielle, la CJCE estime que ce serait mettre un frein à la liberté d'établissement communautaire du requérant, qu'il doit avoir le droit de circuler comme n'importe quel autre citoyen européen et si on lui bloquait l'accès à une profession en Espagne, ce serait une négation de sa liberté de circulation. Donc, peu importe pour la CJCE que ce requérant soit argentin. Ce qui compte est qu'il a la double nationalité et qu'il est donc italien ; de ce fait, la CJCE rappelle que les conditions d'attribution de la nationalité relèvent bien du droit national mais qu'il s'agit pour l'Etat de respecter le droit communautaire et de reconnaître, en l'espèce, les effets tirés de la nationalité italienne du requérant.

Exemple 2. CJUE Mars 2010 Rottmann. Cas singulier où un ressortissant autrichien qui, parce qu'il a fraudé, a réussi à obtenir la nationalité allemande. Il y a eu fraude car les autorités allemandes, lors de la demande ainsi formulée, ne savaient pas que Mr Rottmann avait un casier judiciaire conséquent. SI les autorités allemandes avaient eu pleine connaissance du dossier, elles auraient sans doute hésité à lui demander gain de cause en matière de naturalisation, surtout que du fait qu'il a acquis la nationalité allemande, les autorités allemandes souhaitent la lui retirer car estimant qu'il y a eu fraude et que sont les autorités nationales sont compétentes pour retirer cette nationalité.  Or, si on lui retire cette nationalité, il devient apatride car dans le droit autrichien, quand on obtient naturalisation, on perd automatiquement la nationalité d'origine. S'il est apatride, il est privé des droits conférés par l'ordre juridique communautaire.
La CJCE va donner raison aux autorités allemandes mais, dans son raisonnement, la CJCE laisse entendre très clairement d'abord qu'un Etat est libre de déterminer les règles d'acquisition et de perte de la nationalité mais qu'il doit le faire dans le respect du droit communautaire (Répétition de Micheletti) et que la CJCE se permettra, en tant que Cour de l'ordre juridique communautaire, de contrôler la proportionnalité des mesures prises par l'ordre juridique national dans ce domaine. Non seulement l'Etat se doit de respecter le droit communautaire mais en plus, la CJCE se permettra de faire un contrôle de proportionnalité de la mesure : elle mettra en balance les entraves à la liberté et les intérêts légitimes des Etats. Dès lors, en faisant cette mise en balance, elle reconnaît la légitimité de l'Etat à vouloir lutter contre la fraude. Elle fera le contrôle d'une compétence réservée en principe aux Etats. Il n'y a pas, par nature, de compétence réserve à l'Etat car l'ensemble de la construction de l'Union et de la manière dont elle conçoit les libertés entraîne nécessairement une inclusion de toutes ces questions dans le champ du droit communautaire.

3)    Permanence de la Condition d'Extranéité ?
Mardi 19 Octobre 2010
    A partir du moment où on changeait la finalité de la libre circulation, il fallait revenir sur cette condition d'extranéité et sur l'exigence du déplacement sur le territoire de l'UE. Au départ, dans les premiers temps de la citoyenneté européenne, les premières prises de position sont clairement en défaveur de cette option : la CJUE a refusé de voir dans la citoyenneté un changement qui lui permettrait de lever cette exigence. Jusqu'à récemment, la CJUE a refusé d'inclure des situations qui relevaient principalement du droit communautaire dans le champ d'application du traité.
CJCE 1997 Uecker et Jacquet. La CJUE doit interpréter un article du règlement 1612-68 t il s'agissait pour les requérantes, deux ressortissantes tiers non communautaires mariées à des ressortissants allemands qui travaillent en Allemagne. Ces ressortissants tiers voulaient contester la validité d'une convention de travail qui prévoyait un contrat limité avec des universités allemandes. Les requérantes invoquaient le règlement 1612-68 et les droits qu'elles tiraient de ce règlement car ce règlement s'applique aux travailleurs communautaires et à leurs conjoints ascendants et descendants.
On posait explicitement la question de savoir si la citoyenneté européenne introduite depuis peu dans les traités permettait d'inclure la situation dans le champ du droit communautaire. Très explicitement, la CJUE répond que la citoyenneté de l'UE n'a pas pour objectif d'étendre le champ d'application matérielle du traité à des situations purement internes n'ayant aucun rattachement avec le droit communautaire. De ce arrêt, il y a eu beaucoup de commentaires de cette prise de position mais la Cour en est restée là longtemps.

    Aujourd'hui, il n'y a pas de prise de position qui renonce complètement à l'exigence d'extranéité. On peut donc considérer que le principe reste ; pour pouvoir invoquer vos droits de libre circulation et notamment l'égalité de traitement, il faut que vous remplissiez cette condition d'extranéité. Dans les arrêts récents, La Cour rappelle qu'elle exclue les situations purement internes MAIS, sans le dire explicitement, on a quand même quelques prises de positions depuis quelques années qui interrogent beaucoup sur ce qui reste de la condition d'extranéité. On est interrogatifs car, dans quelques affaires, la CJUE a décidé d'appliquer le droit communautaire alors que le lien avec l'ordre juridique de l'UE était tellement faible que l'on s'est demandé si, d'ici quelques temps, on se demande si cette condition pourrait disparaître. CETTE CONDITION EXISTE TOUJOURS mais elle est fortement atténuée.

Exemples. La question du patronyme relève du droit civil. La question du droit au nom, de la manière dont un enfant doit être appelé à la naissance reste de compétence interne et cette compétence est aujourd'hui clairement reconnue par le droit dérivé de l'UE et les institutions de l'UE. Mais cette question s'est trouvée posée car le droit au nom peut avoir une incidence sur la liberté de circulation du citoyen européen ?
CJUE 2003 Garcia Avello. La CJUE a jugé que certes les conditions qui régissent le nom d'une personne relève de la compétence des Etats membres mais que cette compétence doit s'exercer dans le respect du droit communautaire et en particulier, dans le respect des dispositions du traité relative à la liberté de circulation du citoyen.
En l'espèce, dans le cas d'enfants espagnols qui n'ont jamais exercé leur liberté de circulation,  la Cour va estimer qu'il y aura une entrave potentielle à leur future liberté. On est dans un cas où les enfants peuvent relever de deux systèmes différents des Etats membres car ayant la double nationalité. La Cour juge ainsi que le droit communautaire a son mot à dire à cette situation. On a beaucoup critiqué cet arrêt car on touche à des questions qui relèvent à du droit international privé et, au nom d'une liberté potentielle, on arrivait à gommer les règles de conflit traditionnelles. On a beaucoup espéré que la Cour n'en reste que là et que ce soit une position isolée, donc sur un cas d'espèce. Mais, il se trouve que l'on s'est trompé et la Cour vient de confirmer.
CJUE 2009 Grunkin. Confirme exactement les mêmes principes sur des questions de droit au nom où la Cour confirme la solution Garcia Avello. On est dans une tendance indéniable à appliquer le droit de l'Union Européenne à des situations qui sont de plus en plus internes.

CJUE 2008 Gouvernement de la Communauté français et Gouvernement de la Communauté Wallon. Régime de soins mis en place par les autorités flamandes dans les régions néerlandaises de Belgique et la région de Bruxelles. La Commission a très tôt soulevé des objections à ce régime,notamment parce que ce régime imposait une condition de résidence dans les dites régions. Pour bénéficier de ce régime, il fallait remplir des exigences de résidence dans ces régions et pas d'autres. Les autorités ont réaménagé le régime en question mais la Commission n'a pas été satisfaite et a introduit un recours pour faire condamner le régime en question.
La Cour devait ainsi prendre position sur une réglementation qui excluait clairement des ressortissants belges qui pouvaient exercer leur profession dans les régions néerlandaises en question mais qui résidaient dans une autre région de la Belgique. C'est discriminatoire vis à vis des ressortissants communautaires qui pourraient travailler dans cette région sans y résider ; idem pour les nationaux belges dans leur propre Etat.
La Cour a décidé qu'elle ne se prononce pas sur l'éventuelle discrimination engendrée  mais, par contre, elle se prononce sur les éventuelles effets discriminatoires de la mesure vis à vis des autres ressortissants communautaires. Cette discrimination  au sein de cette règlementation est de nature à produire des effets restrictifs et, à tout le moins, la règlementation est susceptible d'entraver l'exercice de la libre circulation. Elle finit par les condamner pour les contraindre à élaborer un nouveau système.

    Les conditions désormais pour jouir de la liberté de circulation sont aujourd'hui au nombre de deux. Pour jouir de la liberté la plus aboutie, il faut être un national d'un Etat membre parce que c'est ainsi que l'on est citoyen de l'UE et il faut aussi que d'une manière ou d'une autre, il faut être en mesure d'avoir un facteur de rattachement au droit communautaire.


Section 2. L'Etendue de la Liberté de Circulation reconnue aux Citoyens Européens
    A) Les Droits Garantis
1)    Liberté de Déplacement
   
    Une personne dans l'Union a le droit de se déplacer sur le territoire de l'UE. Peu importe la finalité de ce déplacement. Cela signifie que l'on peut jouir du droit de déplacement, ce même avant la citoyenneté européenne où on a pu estimer qu'un touriste communautaire victime d'une agression lors d'un voyage en France souhaite obtenir une compensation (Obtenue dans le cadre d'une procédure pénale) de l'Etat dans lequel il a été agressé, ce touriste doit être traité sur un pied d'égalité avec les nationaux. Idem aujourd'hui pour les étudiants qui, parce qu'ils se déplacent, doivent être traités dans l'Etat d'accueil, de la même manière que les étudiants nationaux. On a une bonne quinzaine d'arrêts en la matière qui reconnait aux étudiants le droit à l'obtention de bourse sans discrimination, le droit aux allocations d'attentes (Qui vont aider les étudiants dans une recherche de première emploi), le droit à des prêts étudiants qui sont accordés, aujourd'hui, sans discrimination entre communautaires et nationaux

2)    Liberté de Séjour
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    Une fois déplacé, on a le droit au séjour. Le droit de l'Union fait la distinction claire entre le séjour de moins de 3 mois et le séjour qui dépasse 3 mois.
Séjour de moins de 3 mois. Il concerne tous les citoyens européens même ceux devenus récemment citoyens européens et qui font encore l'objet de mesure transitoire. On parle des citoyens bulgares et roumains : ces ressortissants ont un régime particulier dans l'Union car ils sont soumis à un régime dit transitoire pour limiter certains droits mais ces limites ne touchent pas les séjours de moins de 3 mois. Aujourd'hui' hui, quand on est citoyen européen, on n'a besoin d'aucune autorité administrative, ni de satisfaire aucune formalité et l'Etat membre doit, sans condition aucune, vous accueillir sur son territoire.

Séjour de plus de 3 mois. Il est formellement reconnu, dans le droit de l'Union, que si l'on souhaite travailler, flâner, être retraité, inactif, étudiant, pour plus de 3 mois de rester dans un Etat membre autre que celui de sa nationalité mais à deux conditions qui relèvent des limites du droit au séjour : on doit avoir des ressources suffisantes pour ne pas devenir une « charge déraisonnable pour l'Etat membre d'accueil et pour le système de Sécurité Sociale de l'Etat d'accueil. » On ne doit pas être un trouble à OP. Ces deux conditions posées par le droit dérivé au sein de la directive 2004-38 font l'objet d'une interprétation très particulière vue dans les limites.

    Ces mesures transitoires concernent un seul aspect : l'accès au marché du travail. Les Etats membres de l'Union ont obtenu que les ressortissants roumains et bulgares ne puissent pas accéder dans une parfaite égalité à leur marché du travail. La liberté de travail et l'égalité dans l'accès au travail ne s'appliquent pas parfaitement aux Bulgares et aux Roumains mais, sur le droit de séjour, il est accordé dans des conditions et limites identiques aux autres ressortissants. La Commission a renoncé aujourd'hui à engager des poursuites à l'encontre de la France qui avait jusqu'au 15 octobre pour mettre en oeuvre un projet de loi pour se mettre en conformité avec le droit communautaire et la France a apporté des garanties qu'elle le ferait.

    Au bout de 5 ans, si on a résidé de manière ininterrompue sur le territoire d'un Etat membre pendant 5 ans, on a le droit au séjour permanent cad que l'on jouit d'une protection accrue du droit de l'UE notamment en matière d'expulsion. Il s'agit d'une innovation de la directive 2004-38 qui accorde ce droit de séjour permanent au bout de 5 ans ; ce droit est assorti d'une égalité de traitement très poussé qui amène à une situation comparable à celui du national. C'est un droit d'effet direct : tout citoyen de l'UE peut invoquer ce droit directement devant un juge national, y compris si les autorités nationales n'ont pas correctement transposé le droit dérivé ou ne l'ont pas fait du tout (S'ils ont laissé passer le délai de transposition). SI les autorités nationales n'ont pas adapté le droit interne, le citoyen européen peut, devant son juge, invoquer ce droit au séjour qu'il tire directement du traité.
CJUE 7 Octobre 2010 Lassal. La requérante est une ressortissante française en litige avec un organisme délivrant certaines pensions en UK. Dans cet arrêt, la CJUE va interpréter ce qu'est le droit au séjour permanent et va notamment interpréter la condition de séjour ininterrompu. Elle va donner une interprétation très souple de cette notion et dire que le droit au séjour permanent constitue un élément clé pour promouvoir la cohésion sociale et qu'il a été prévu, pour renforcer, le sentiment de citoyenneté de l'Union. Ce droit au séjour permanent est l'élément le plus tangible de la citoyenneté européenne.

3)    Egalité de Traitement

    Une fois que l'on souhaite séjourner dans un Etat, pour que l'on ait envie d'y rester, il faut être traite, dans tous les champs du droit communautaire, d'une manière non discriminatoire par rapport au national. Tout le problème est de savoir ce que sont les champs du droit communautaire. Le principe de non discrimination est énoncé de manière identique depuis le premier traité. Dès 1957 avec le traité de Rome, l'article 1 du TCE qui institue la Communauté Economique Européenne dit que dans le champ d'application du droit communautaire, tous les ressortissants d'un Etat membre doivent être traités sans discrimination. Ce principe de non discrimination ne concerne que les nationaux des Etats membres mais il ne joue que dans le champ d'application du traité. En dehors de ce champ d'application, le principe d'égalité n'a pas à jouer et on doit absolument distinguer le principe de  non discrimintion en raison de la nationalité du principe de la clause générale de non discrimination qui a été introduite dans le traité d'Amsterdam cad en 1997 et qui permet au Conseil, qui statue à l'unanimité,  de prendre des mesures visant à lutter contre tout forme de discrimination raison de la race, de la religion, des opinions, de l'origine ethnique, du handicap, de l'âge ou de l'orientation sexuelle. (Elle relève d'un droit fondamental qui concerne tous les individus). La CJUE a imposé le principe d'égalité de traitement pour lutter contre des cas de discrimination dans différentes matières.

> On a déjà parlé du domaine de l'éducation : officiellement, les Etats membres restent libres de déterminer leur système éducatif, l'organisation de leurs systèmes d'enseignement mais, parce que les étudiants ont le droit de libre circulation, le principe d'égalité est venu imprégner la politique de l'éducation. C'est ainsi que les Etats ont été amenés à ouvrir leur système d'éducation à tous les étudiants communautaires.
> Questions de nationalité, de droit civil, de droit international privé, de procédure pénale qui, toujours par le même effet, par la même logique, finissent par être intégrées au traité.

    Il n'y a aucune raison pour que ce mouvement d'extension du champ d'application du traité (Extension purement jurisprudentiel) s'arrête. Ce mouvement est induit, il est une conséquence de l'usage de la liberté. Pour revenir à une vision plus politique, c'est exactement ce qu'avaient prévu les pères fondateurs des Communautés avec la méthode des petits pas de Jean Monnet (Méthode fonctionnaliste qui caractérise la communauté européenne). ; à partir d'une finalité économique, on allait arriver à inclure d'autres domaines. C'est ce qu'a induit la liberté de circulation.

    B) Les Limites
    Elles sont de trois ordres : la réserve d'ordre public, certaines professions et certains emplois sont exclus, le besoin de ressources suffisantes. Cette limite posée par l'ordre public est sur le devant de la scène : c'est elle qui permet de justifier la politique actuelle vis à vis de certains ressortissants citoyens de l'Union. Dans les premiers textes de droit dérivé en 1964, on élabore une directive spécifique sur les mesures que peuvent prendre les Etats membres vis à vis des ressortissants communautaires qui seraient un trouble à l'ordre public. Le droit primaire (les traités des Communautés) expriment clairement cette réserve d'ordre public : le ressortissant communautaire n'a le droit de se déplacer et de séjourner que s'il n'est pas une menace ou un trouble à l'ordre public national. Or, il n'y a pas dans le traité de définition de ce qu'est l'ordre public, ni de ce qu'est une menace à l'ordre public. La directive de 1964 ne règle pas non plus cette question puisqu'elle admet que l'ordre public dépend de chaque Etat, qu'il est déterminé de manière évolutive, de manière contingente en fonction des intérêts estimés vitaux de chaque Etat.  La directive ne se risque aucunement à une définition. En revanche, la directive va encadrer très strictement à la fois les définitions que vont donner chaque Etat et les procédures qui pourraient aboutir à l'expulsion par la Communauté.

Lundi 25 Octobre 2010.
1)    La Réserve d'Ordre Public
    Les Etats membres peuvent restreindre la liberté de circulation des citoyens pour menaces de trouble à l'ordre public. Ceci peut fonder une décision d'expulsion du territoire national. Cette réserve est inscrite dans les traités. Pour la libre circulation des travailleurs, c' est l'article 39§3 du TCE. On la retrouve aussi dans le chapitre relatif aux marchandises, dans les dispositions relatives au droit d'établissement (art 46§1 TCE) et on trouve cette limite relative aux capitaux.

    Cette limite est autorisée pour les Etats. Au départ, il était clair que les Etats pouvaient avoir une certaine marge d'appréciation dans la définition qu'ils pouvaient donner de leur ordre public. L'ordre public n'a pas de définition uniforme. Dans sa première prise de position sur la question :
CJCE 1974 Van Duyn. La CJCE reconnaît (et reconnaitra systématiquement par la suite) qu'il y a des circonstances spécifiques à chaque Etat qui peuvent justifier le recours à la notion d'ordre public, que ces circonstances peuvent varier d'un pays à l'autre mais aussi d'une époque à une autre. Les autorités nationales compétentes doivent avoir, de ce fait, une marge d'appréciation. Dans cet arrêt, la CJCE doit interpréter une directive qui a été adoptée en 1964 venant préciser l'étendue de la réserve d'ordre public. Il s'agissait pour une requérante néerlandaise, affiliée à l'église de scientologie, de vouloir s'installer en Grande-Bretagne. En 1974, dans son arrêt, la Cour a estimé qu'un Etat membre, pour des raisons d'ordre public,  pouvait refuser à un ressortissant d'un autre Etat membre le bénéfice de la libre circulation des travailleurs en vue de l'exercice d'une activité salariée. Cet Etat membre peut le faire d'après la Cour même s'il n'impose pas cette restriction à ses propres ressortissants. Par restriction, on entend l'accès à cette activité salariée alors que la requérante était affiliée à l'église de scientologie. La Cour précise qu'un Etat membre ne peut pas restreindre l'accès à son territoire à ses propres nationaux ; en revanche, il peut tout à fait le faire pour les ressortissants d'autres Etats membres. Le principe d'égalité ne joue pas.

    Depuis 1974, on a fait beaucoup de chemin depuis cette jurisprudence car, progressivement, la Cour est venue restreindre considérablement la marge d'appréciation des Etats. Comme toute exception, la réserve d'ordre public doit être d'interprétation restrictive ; elle ne peut être invoquée à des fins économiques. Cela signifie qu'un Etat ne peut invoquer l'ordre public pour réguler son marché national de l'emploi, il ne peut non plus invoquer l'ordre public en raison d'une situation de crise économique. Ceci est expressément dit en 1964 : « Toute mesure nationale fondée sur l'ordre public doit se fonder sur un comportement personnel de l'individu qui en fait l'objet ».On ne peut expulser un ressortissant communautaire qu'un rapport avec son comportement personnel. On doit prendre en considération, non pas les actes passés de cet individu, mais réellement le ou les actes délictueux que la personne a perpétré et qui seuls peuvent motiver une décision d'expulsion. Le fait que l'individu ait fait l'objet de condamnations pénales antérieures, quelque soit la gravité des actes, si c'est du passé, cela ne peut pas motiver un arrêté d'expulsion ultérieur qui ne serait donc pas fondé sur les faits nouveaux.
CJCE 2004 Orfanopoulos. La Cour a pris cette position. Pas d'expulsion pour motif économique ou pour un comportement antérieur mais seulement fondée sur le comportement actuel et personnel de l'intéressé. Cet arrêt a posé un standard jurisprudentiel.
CJCE 1977 Bouchoreau. La réserve d'ordre public ne peut être évoquée par un Etat qu'en cas d' « existence d'une menace réelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société, cela en dehors du trouble pour l'ordre social que constitue toute infraction à la loi ».

    L'ensemble de ces acquis jurisprudentiels sont aujourd'hui codifiés dans la nouvelle directive qui règlemente le droit au séjour : la directive 2004/38. C'est le texte unique qui reprend toute la législation antérieure et la rassemble en une seule directive. Elle a ainsi abrogé la directive de 1964 sur l'ordre public car elle reprend toutes les dispositions tout en intégrant les acquis de la jurisprudence en la matière. Outre les interprétations, la directive insiste beaucoup plus sur les garanties procédurales (Elles existait en 1964 mais ont fait l'objet d'une jurisprudence abondante) qui sont toute une série d'avancées en matière de protection du ressortissant qui doit pouvoir faire recours à sa décision d'expulsion devant une autorité indépendante, avoir un délai raisonnable pour contester la dite décision. Surtout, la directive de 2004, dans son article 27, se fonde implicitement sur la notion de citoyenneté européenne. Dans les articles 27 et 28, elle précise que l'Etat, avant de prendre une décision d'éloignement, doit tenir compte des liens que l'intéressé a noué en temps que citoyen européen avec son territoire. Le §2 de l'article 28 précise que l'Etat membre d'accueil ne peut pas prendre une décision d'éloignement du territoire à l'encontre d'un citoyen de l'Union ou des membres de sa famille, quelque soit leur nationalité (aux membres de la famille), qui ont acquis un droit de séjour permanent sur son territoire, sauf « pour des raisons impérieuses ». On a dans le cas d'un citoyen ayant obtenu le droit au séjour permanent des garanties de protection encore plus fortes contre l'éloignement que celles du ressortissant communautaire. L'Union a une tendance à encadrer les Etats dans la possibilité qui leur reste offerte de rompre le droit de séjour du citoyen européen. Il reste à voir comment les droits nationaux reçoivent cette interprétation. Il y a indéniablement, sur le territoire du droit, des décisions de Cours nationales qui ne prennent pas acte complètement de la protection renforcée dont jouissent les citoyens européens par rapport à des citoyens étrangers qui ne seraient pas citoyens européens. Pour l'exemple de la France, on a de nombreuses décisions de CA ou de TA qui peinent à respecter intégralement cette directive 2004/38. Soit ils peinent parce que les tribunaux n'entendent pas se conformer à l'interprétation de la Cour, soit ils peinent parce que le droit national n'a pas correctement transposé les exigences de la directive. La Commission, dans un rapport publié en 2008, fait état de l'application de la directive 2004/38, entrée en vigueur en 2006 : elle constate que sur l'ensemble des Etats membres de l'Union, aucun des 27 n'a intégralement et correctement transposé la directive. En revanche, tous sont en processus pour la faite mais généralement l'ont mal fait : leurs lois internes n'ont pas pris en compte toutes les exigences. La France n'a pas transposé, aujourd'hui, correctement, toutes les exigences procédurales posées par la directive (Respect du délai, droit à une autorité indépendant,e possibilité de contestations devant l'administration avant la procédure juridictionnelle). Il y a la menace de la Commission d'une procédure en manquement à l'encontre de la France ; sur ce fond, la France devait le 15 octobre dernier rendre un document faisant état de ses projets en la matière, visant à se mettre en conformité avec le droit européen. La Commission a décidé la semaine dernière d'abandonner sa procédure d'infraction qu'elle voulait initier. Aujourd'hui, le dossier de la France concernant cette directive est clos. Cependant, le problème principal qui avait soulevé la polémique entre la France et la Commission concernait la politique que les autorités françaises menaient vis à vis de certains citoyens européens. Ce qui a mis le feu aux poudres est la découverte d'une circulaire délivrée par les autorités françaises qui visait, dans la politique d'expulsion menée par la France, les Roms. De ce fait, la Commission souhaitait, en plus de poursuivre la France sur la question des garanties procédurales issues de la directive, sur le fondement de la discrimination à l'égard d'une population spécifique. Cette accusation n'a pas été retenue et entraîne l' abandon de toute procédure contre la France.

    Amendement visant à inclure dans la notion d'ordre public des actes de mendicité agressives qui, ce de fait, causent un trouble à l'ordre social et rentrait dans la définition du trouble à l'ordre public. Le juriste doit s'interroger sur ce type de dispositions ; cet amendement est contraire à la conception de l'ordre public. Considérer des actes de mendicité comme une menace réelle et suffisamment grave  affectant un intérêt fondamental de la société, cela en dehors du trouble pour l'ordre social que constitue toute infraction à la loi est visiblement contraire à la jurisprudence de la Cour. La France n'a acquis qu'un sursis et notre droit sera en contradiction avec l'un des principes cardinaux du droit européen.

2)    Les Emplois et les Services Rendus

    On est dans les limites à l'égalité de traitements dont l'accès à certains emplois. On parle de la liberté de séjour (Entrer et demeurer sur le territoire d'un Etat membre), une fois ce droit de séjour acquis,on parle de l'égalité de traitement dans l'accès de ce citoyen à des emplois et des services normalement destinés aux nationaux. Certains discriminations sont possibles et validées par le droit européen concernant l'accès à l'activité. On est dans l'accès à l'activité et non l'accès au territoire.

    L'accès à l'emploi est extrêmement étendu en droit européen. Le principe est bien l'égalité de traitements pour l'accès à des activités salariées et non salariées, pour les activités indépendantes ou pour le droit d'établissement. Une limite est posée par le droit des traités : dans l'article 39§4 TCE, le traité exclut radicalement les emplois qui sont des emplois de l'administration publique du principe d'égalité. Ces emplois qui relèvent de l'administration publique (Pour les emplois publics) ou de l'autorité publique (Pour le droit d'établissement) ne peuvent être exercés par des ressortissants d'autres Etats membres que les nationaux. Par cette réserve, les Etats membres entendaient en 1957 garder le caractère national de l'appareil administratif de manière absolue. Il y avait là une interdiction qui concernait toute l'administration publique et les emplois qui relevaient de l'autorité publique. C'est une conception institutionnelle de l'autorité publique fondée sur l'administration en tant qu'institution, un corps où on interdit à des non nationaux d'entrer dans ce corps. En 1957, il était évident que cette limite serait dans les traités et que les Etats ne pouvaient ouvrir des emplois qui relevaient de la souveraineté étatique à des non nationaux.

    Cette conception institutionnelle (prendre l'administration comme un tout) et absolue n'a pas été validée par les institutions communautaire. Comme toute dérogation, le droit de l'Union a interprété très strictement cette réserve toujours dans le même objectif de favoriser la libre circulation et le libre accès des ressortissants communautaires, enfin favoriser la mobilité. On a privilégié une conception fonctionnelle dans l'Union en contrepied de la conception institutionnelle des Etats. Par la conception fonctionnelle, seule la nature des fonctions de l'individu conditionne la qualité d'emploi dans l'administration publique et non pas le corps et l'institution à l'intérieur desquels est exercée la dite fonction. 
La CJCE a posé en 1980 la conception fonctionnelle qui devait être appliquée par les Etats et les seuls emplois qui peuvent être réservés aux nationaux sont des emplois qui comportement une Conception Fonctionnelle. « Participation directe ou indirecte à l'exercice de la puissance publique et aux fonctions qui ont pour objet la sauvegarde des intérêts généraux de l'Etat et qui supposent de la part de leurs titulaires l'existence d'un rapport particulier de solidarité à l'égard de l'Etat ainsi que la réciprocité des droits et des devoirs qui sont le fondement du lien de nationalité ».
> Les emplois réservés à une idée de participation à la puissance publique ; ce n'est qu'à partir du moment où vous participez à l'exercice de la puissance publique que vous vous réclamez de l'allégeance nationale.
> La Cour donne quelques éléments de ce qu'elle considère être la nationalité. Etre un national exige un rapport particulier de solidarité, la réciprocité des droits et des devoirs (Fondement du lien de nationalité). C'est cette absence de rapport de solidarité qui justifie l'exclusion du ressortissant communautaire de ces tâches. Les branches de l'enseignement supérieur et du secondaire ont été ouvertes sur la base d'une telle jurisprudence. Certes, on ouvre des professions qui auraient été fermées d'accès mais on crée un problème car ces ressortissants communautaires, qui font se voir accepter une accession à la fonction publique, risquent à un moment donné de voir leur progression bloquée.
CJCE 1974 Reyners. On ne reprend pas la question de la nationalité, du lien réciproque mais la Cour pose la question de la fonction et de la participation à la fonction publique.

3)    La Condition de « Ressources Suffisantes »

    On est dans le droit au séjour et non pas dans l'accès à l'emploi. Pour avoir accès au territoire d'un Etat membre, le citoyen doit le faire sous deux conditions : la réserve de droit public posée par le droit primaire et la condition posée par le droit dérivé que le citoyen doit avoir des ressources suffisantes pour ne pas devenir une charge déraisonnable pour les systèmes sociaux des Etats membres. (Directive 2008/34). C'est l'état du droit et les Etats ont verrouillé cette condition pour être sûrs de ne pas voir arriver des migrations massives sur leur territoire en fonction d'un système social qui serait plus favorable qu'un autre. Eviter un déséquilibre de leurs systèmes. La Cour est plus réservée sur cette condition et elle est généralement réceptive à cette condition.
CJCE Février 2010 Texeira. La Cour a posé pour la première fois quelques limites à la marge de manœuvres des Etats en estimant que le parent, la mère plus exactement, d'une jeune adolescente qui voulait poursuivre ses études dans l'Etat membre d'accueil qui avait travaillé par intermittence, qui avait eu de longues périodes d'inactivités, qui clairement n'avait pas des ressources suffisantes pour assumer seule son quotidien avec sa fille, sans donc dépendre du système d'assurance sociale ; la Cour a donné le droit au séjour à cette parente estimant qu'il était nécessaire de le lui donner pour donner à son enfant de continuer ses études sur le territoire.
Mardi 26 Octobre 2010

Chapitre 2 – La Libre Circulation des Ressortissants d'Etats Tiers
dans l'Union Européenne


    Le citoyen européen n'est pas assimilé au national ; il est considéré comme un étranger privilégié dans son Etat d'accueil. Le ressortissant non communautaire sera considéré comme le ressortissant d'un Etat tiers. Dans le droit de l'Union, on a utilisé ce terme pour désigner toutes les personnes ressortissantes d'un Etat membre de la Communauté, puis de l'UE. Comme des cercles concentriques.

Section 1. La Condition des Ressortissants d'Etats tiers dans l'Union Européenne
    A) Les Ressortissants d'Etats tiers membres de la Famille du Citoyen Européen

    Dans le Règlement 1612/68 élaboré par le Conseil pour définir le régime de la libre circulation des travailleurs dans la Communauté, celui-ci est expressément destiné aux travailleurs communautaires et aux membres de leur famille. Que ces membres de la famille soient d'une nationalité étrangère ou commentaire importe peu, pour qu'ils puissent revendiquer les droits du règlement sont leur lien familial avec le ressortissant communautaire qui travailleur. Ce texte est très important : il s'applique au conjoint, descendants et ascendants du travailleur qui seraient à charge. Ces membres de la famille peuvent, sur une base d'égalité de traitement, revendiquer le même traitement que le ressortissant communautaire. Alignement absolu du traitement.

    Une évolution a eu lieu sur le terme « famille ». Quand on élabore le règlement (Adopté principalement par le Conseil composé des ministres des Etats) en 1968,  certaines contradictions et désaccords en ressortent. Certains législations nationales étaient favorables à reconnaître des droits équivalents au partenaire non marié (le concubin), d'autres étaient réfractaires. En 1968, n'est considéré comme conjoint que la personne liée par des liens de mariage avec le ressortissant communautaire. La situation est restée telle jusqu'en 2004 avec la directive 2004/38 qui prend acte de certaines évolutions sociétales. Cette directive est adoptée par le Conseil et le Parlement européen (Il agit en codécision, influence très nette du Parlement) ; sont reconnus comme conjoints le partenaire fût-il de même sexe que le citoyen européen qui « a contracté un partenariat enregistré sur la base de la législation d'un Etat membre si, conformément à cette législation, les partenariats enregistrés sont équivalents au mariage » (Art 3§2, directive). Cette modification est la seule qui va véritablement changer quelque chose ; sinon, les droits restent les mêmes et on doit intégrer la jurisprudence de la Cour qui va étirer la catégorie.

    B) Les Ressortissants d'Etats ayant conclu un accord bilatéral avec l'UE

    Ce sont des accords d'association avec les Communautés ou l'Union. Certains accords mettent en place un régime visant à octroyer des droits aux ressortissants de l'Etat tiers qui a conclu cet accord sur le territoire des Etats membres de l'UE. On a toute une palette, toute une gamme de droits : ce n'est pas un droit uniforme.
Turquie à la Communauté, désormais l'Union. Accord d'association CEE/Turquie 1990. Par un protocole additionnel à l'accord a prévu un régime de libre circulation des ressortissants turcs sur le territoire des ressortissants de l'UE. Cet exemple va plus loin que d'autres ; il vise à accorder aux travailleurs turcs (Que les travailleurs uniquement ; aux personnes qui peuvent justifier un lien d'emploi qui s'avère être véridique et suffisamment stable), l'UE accord certains droits aux travailleurs turcs dont le droit au séjour (Dérivé du droit à l'emploi. A partir du moment où l'emploi cesse, le droit au séjour cesse.). A partir du moment où le travailleurs turc a occupé un emploi stable pendant 4 ans, peu importe l'Etat de l'UE, la CJCE a estimé qu'on pouvait lui octroyer un droit de séjour cad un délai raisonnable pour la recherche d'un emploi, ceci dans le cas de chômage. (Arrêt Antonissen. La CJCE transpose cette jurisprudence Antonissen sur la base de cet accord). De plus, elle reconnait que certaines dispositions de l'accord ont un effet direct. Cela signifie que le ressortissant turc pourra se prévaloir de la disposition de cet accord devant un tribunal interne pour faire valoir ses droits.
Il s'agit d'un accord d'association cad un accord international qui, en principe, n'a pas de vocation à l'effet direct. Il s'agit là d'une exception à la règle. A partir du moment où le tavailleur est incontestablement occupé sur le marché de l'emploi, il aura droit aux avantages sociaux, fiscaux, une bonne partie de la jurisprudence de la CJCE. Ce statut est protecteur mais loin de la protection octroyée au citoyen européen. Ce statut est précaire.

C)    Les Ressortissants d'Etats tiers effectuant une prestation de services dans un autre Etat membre

    Ce point n'était pas prévu par le traité. Situation où une entreprise communautaire veut effectuer une prestation de services dans un autre Etat membre. Pour cette prestation de service, elle entend employer des ressortissants qui ne sont pas nationaux d'un Etat membres. Régime particulier et très ponctuel.

CJCE 1994  Vander Elst. La CJCE estime que les ressortissants tiers qui sont dans une prestation de services pour une entreprise communautaire ont le droit de séjour en tant qu'accessoire de cette libre prestation de services et qu'ils ont, de ce fait, pour le seul temps nécessaire à l'exécution de leur mission (Droit dérivé = seulement pour le temps de la mission), ils peuvent revendiquer l'égalité de traitement avec le travailleur communautaire, quelque soit sa nationalité.


    Ces 3 situations font dire que certains ressortissants d'Etats tiers ont un régime privilégié donc certains aspects les rapprochent indéniablement du citoyen européen. Mais l'immense majorité des ressortissants tiers séjournant sur le territoire de l'UE ne relèvent pas de ces trois catégories. Le régime général qui s'applique à eux est différent et fait l'objet de la section 2.

Section 2. L'Espace de Liberté, de Sécurité et de Justice (ELSJ)
    Terme utilisé depuis le traité d'Amsterdam, cette notion est présentée comme un objectif de l'UE. On part du principe qu'il faut, désormais, progresser vers un espace de libre circulation des personnes (Toutes les personnes), un espace où l'abolition des frontières intérieures n'affectera pas la sécurité des Etats membres. Ce terme est nouveau en 1997 ; avant, la Communauté et ensuite l'UE ont une compétence en ce qui concernent les ressortissants des Etats tiers qui est contesté, voir inexistante. En 1997, les Etats vont accepter la communautarisation d'une partie du 3è pilier : ils vont accepter que la Communauté et l'Union puissent agir dans le domaine et ,en ce qui concerne les ressortissants des Etats tiers, puissent agir avec des procédures communes.

    A) La Genèse de l'ELSJ

    Avant 1997, en 1992, le traité de Maastricht crée l'UE et une structure en piliers. Il y a 3 piliers. Le premier est celui d'intégration et on va traiter sur le mode de la coopération intergouvernementale les deux autres piliers. Les Etats gardent la main mise sur la procédure et les techniques d'élaboration des actes relèvent davantage du droit international que du droit communautaire. On crée donc une structure hybride, c'est l'UE et seul le premier pilier va relever du droit communautaire. Or, en 1992, toutes les questions relatives à l'immigration, l'asile, au séjour des ressortissants tiers sur le territoire communautaire, aux visas, ect font partie du troisième pilier appelé JAI « Justice et Affaires Intérieures ». On va aboutir à la « communautarisation » une partie du troisième pilier. Comme incidence, dans certains domaines, auparavant, c'était les Etats qui gardaient le contrôle d'adoption des actes et, par la « communautarisation », ce sont désormais les institutions communautaires qui vont retrouver une marge de manœuvre comme dans les matières qui relèvent du premier pilier. Par ce processus de communautarisation, des ressortissants des Etats tiers vont être traités par les institutions communautaires et cela va donner du droit communautaire et non une coopération intergouvernementale. Pour le 3è pilier, certaines questions relatives aux ressortissants des Etats tiers concernant les visas, l'asile et à la libre circulation des personnes seront  transférées. Un nouveau titre appelé « titre IV » du TCE s'intitule « Visas, Asile, Libre Circulation des Personnes ». A partir de ce moment, les Etats acceptent que ce ne soit plus eux prioritairement qui vont définir certaines règles communes relatives à l'immigration des ressortissants tiers. Ils acceptent, dans certains domaines, les institutions communautaires puissent agir.

    Cependant, la difficulté est là : on a communautarisé mais on ne peut pas dire que ce Titre IV est stricto sensus du droit communautaire. Il a l'air de l'être mais cela ne l'est pas vraiment car pour toutes ces questions d'asile, de libre circulation, d'immigrations, de visas relatifs aux ressortissants des pays tiers, les Etats veulent maintenir la mainmise. 3 restrictions
    > On a posé des dérogations au sein du titre IV: la CJCE voit sa compétence restreinte dans le Titre IV. On décide que lorsqu'il y aura des actes adoptés sur la base de ce Titre IV, la CJCE ne pourra être saisie d'une question préjudicielle que par les juridictions internes qui statuent en dernier ressort. 90% des affaires dont nous parlons proviennent de questions préjudicielles. Seules les juridictions suprêmes qui statuent en dernier ressort pourront poser des questions.
    > La CJCE ne pourra jamais se prononcer sur des questions relative à l'ordre public des Etats, à la sécurité publique ou à la sauvegarde des intérêts nationaux

    Il faut dire un mot des Accords de Schengen. Ce sont des accords signés en 1985 entre certains Etats membres de la Communauté (A l'époque 5 Etats membres dont la France). On élabore la Convention d'Application Schengen (Le vrai régime d'application) qui date de 1990 qui ne rentre en vigueur qu'en 1996. Dès 1997, un Etat met une clause de sauvegarde pour freine et stopper le régime juridique de Schengen. Ces Accords ont été controversés, difficiles et ont donné lieu à d'âpres discussions. Ils ont été controversés car ces Accords ont été une sorte de laboratoire de la libre circulation des personnes entre certains Etats membres de la Communauté qui acceptent, à un moment donné, d'aller plus moins et plus vite que certains autres. Il s'agit du droit international pur entre des Etats qui se consentent des obligations et des droit réciproques.  Les 5 Etats membres de Schengen acceptent d'être le délégataire des autres. Chaque Etat fait confiance à l'autre sur ses contrôles, cela implique un rapport de confiance entre les Etats sur la façon dont ils gèrent leurs frontières. Schengen a été vu comme une forteresse européenne car nécessairement, si on circule librement à l'intérieur, on a fait tout à l'extérieur pour ne pas entrer aussi facilement. Le contrôle externe est draconien pour compenser le manque de contrôle interne. Cet Accord Schengen vise tous les ressortissants tiers.
Il y a un double principe :
    > Abolition des frontières internes (toutes les frontière pour toutes les personnes). Les Etats membres de l'espace Schengen acceptent que les personnes circulent librement sur leur territoire sans contrôle interne
    > Report de ce contrôle aux frontières externes de ce territoire Schengen.

Quand on est citoyen européen, on a une procédure simplifiée d'accès au territoire Schengen ; quand on est un ressortissant tiers, le contrôle sera plus conséquent. Ce système est de droit international et ne concerne que 5 Etats

    Aujourd'hui, toutes les Etats membres de l'UE, à l'exception de 3, font partie de l'espace Schengen. Ces Accords Schengen ont été communautarisés également ; eux aussi font partie du droit communautaire et ne sont plus considérés comme un Accord international. Cela signifie que les institutions communautaires peuvent agir sur la base de ces Accords. Tous les textes concernant les ressortissants tiers sont pris sur la base de ce nouveau titre qui résulte d'une communautarisation partielle du troisième pilier. Le traité de Lisbonne a supprimé la structure en piliers mais, en revanche, il n'a pas supprimé les dérogations ou les distinctions. AU niveau de la procédure d'adoption des actes, on reste sur l'état du droit qui était celui d'Amsterdam. La seule différence est que l'on ne parle plus en terme de piliers.

    B) Les Différentes Facettes de l'ELSJ
1)    L'Admission des Etrangers dans l'Union Européenne

    Le principe est le suivant : la décision d' admission aujourd'hui encore d'un ressortissant tiers relève essentiellement de chaque Etat. Donc, ce ressortissant tiers relève d'abord de la décision de chaque Etat mais avec cet ELSJ, on parle de gestion intégrée des frontières et on a mis en place une agence Frontex. Les ressortissants d'Etat tiers arrivés sur le territoire de l'Etat communautaire font l'objet de certains textes qui mettent, progressivement en place, une politique commune d'immigration ou d'asile. On a des textes récents qui permettent de considérer que l'UE a véritablement une politique en matière d'immigration. La plupart des textes adoptés ont fait beaucoup parlé, ont donné lieu à beaucoup de polémiques. La directive « Retour » adoptée l'année dernière par les institutions européennes est considérée comme un volet particulièrement répressive de la politique d'immigration de l'UE. La philosophie globale des textes élaborés cette année est nettement sécuritaire ; la plupart des politiques nationales actuelles vont dans ce sens et l'UE reflète nécessairement ces politiques et infléchissements.

    Si on compare avec le régime du citoyen européen, on aboutit à des situations juridiques très différentes. Le ressortissant tiers de droit commun, qui relève de l'ELSJ, est soumis à des conditions très restrictives d'entrée et de séjours sur le territoire européen. Le plupart des textes adoptés reflètent en général une sorte de standards minimums, de dénominateurs communs finalement assez réduits en terme de protection et on a coutume de parler de la directive « Retour » de 2008 et de la directive relative au regroupement familial de 2003 qui régit les conditions dans lesquelles des étrangers peuvent invoquer le droit au regroupement familial sur le territoire communautaire. Cette directive de 2003 pose des restrictions importantes à ce regroupement qui ne s'applique pas aux citoyens européens, qui monte qu'il y a une vraie différence de régimes et de statuts. On a posé des restrictions importantes pour le regroupement des mineurs, la certification du mariage, sur les délais nécessaires avant de pouvoir autoriser le regroupement. Cette directive de 2003 considérée comme particulièrement répressive a été contestée dans l'ordre juridique de l'UE par le Parlement européenne dans le cadre d'un recours en annulation. En 2006, le Parlement a souhaité faire annuler, par la CJCE, cette directive qu'il considérait comme contraire aux droits fondamentaux et au droit au regroupement familial. La CJCE en 2006 a rejeté l'argumentation du Parlement, a validé la directive estimant qu'il n'y avait pas d'atteinte au droit au regroupement familial. L'arrêt a été particulièrement remarqué car la CJCE s'appuie sur la Charte des Droits Fondamentaux qui n'avait pas de valeur juridique contraignante à ce moment. Volet restrictif et sécuritaire

    Pour l'intégration des ressortissants tiers et leur installation sur le territoire d'accueil, l'UE a élaboré en 2003 la directive relative aux ressortissants tiers « Résidents de longue durée ». On s'intéresse à l'intégration de certains ressortissants tiers qui résident depuis au moins 5 ans sur le territoire d'un Etat membre. Avec 5 années de résidence légale sur le territoire d'Etat membre, ils se voient délivrer un permis de séjour de longue durée valable 5 ans, renouvelable de plein droit et qui donne le droit, sur l'ensemble du territoire de l'UE, à une égalité de traitement aussi proche que possible que celle des citoyens européens. Le texte ne va pas assez loin ; les ressortissants se voient imposer des restrictions en matière d'éducation, d'accès à la formation et à l'emploi. Volet d'intégration.
Ce sont les deux volets de cet espace. Mardi 2 Novembre 2010.
2)    La Coopération Judiciaire
    Toutes les questions de coopération judiciaire et policière sont des questions qui, jusqu'ua traité de Lisbonne, restaient dans le 3è pilier de l'UE. Le traité de Lisbonne supprime complètement les piliers de l'UE. Les procédures d'adoption de ces actes restent différentes par rapport aux anciens actes des premiers piliers et ils restent marqués, comme l'ancien 3è pilier, par un processus intergouvernementale qui est plus fort dans cet ancien 3è pilier que dans le 1er. Les directives (Acte proposé de manière exclusive par la Commission puis négociée par le Parlement et le Conseil qui votent. La Cour est intégralement compétente pour statuer sur la validité et/ou l'interprétation de cet acte). sont l'une des marques très caractéristiques du droit communautaire au sens du 1er pilier ; c'est un acte de droit dérivé qui est caractéristique de l'intégration. 

Exemple. Le mandat d'arrêt européen. Décision-cadre cad l a dénomination de l'ancien acte (avant Lisbonne car cela a été remplacé) que l'on prend dans le cadre du 3è pilier. C'est une décision, donc elle lie les Etats membres, indéniablement juridiquement contraignante. En revanche, la décision-cadre n'a pas d'effet direct ; ceci a pour conséquence que les particuliers ne peuvent pas, de manière inconditionnelle, s'en prévaloir devant le juge national ou communautaire. Du fait qu'il n'ait pas d'effet direct, ce n'est pas un acte communautaire. Le 3è pilier ne produit pas d'acte communautaire. En 2002, on a pris une décision relative au mandat d'arrêt européen qui a pour objectif de se substituer à la procédure d'extradition classique. L'extradition est l'acte par lequel un Etat va accepter de manière discrétionnaire d'envoyer un ressortissant qui se trouve être sur son territoire sur le territoire d'un autre Etat membre car cet autre Etat membre l'a réclamé à des fins de jugement dans son ordre interne. De nombreuses procédures d'extradition ont été émises. Le problème de l'extradition est qu'il s'agit d'une procédure lourde, lente, soumise au bon vouloir de l'Etat qui peut, pour des raisons très légitimement invoquées, refuser d'extrader tel ou tel individu. Pour faciliter la coopération entre les Etats membres de l'UE, on a mis en place un principe essentiel de la reconnaissance mutuelle des décisions pénales. Cela signifie que, pour certaines infractions graves et explicitement énumérées dans la décision de 2002, les Etats membres de l'UE acceptent par cette décision de se faire une confiance réciproque dans leurs systèmes pénaux et vont accepter d'aller loin dans cette confiance réciproque puisque le mandat d 'arrêt signifie que lorsque sera émis un mandat d'arrêt par une autorité nationale, l'Etat destinataire de ce mandat d'arrêt, si les conditions de la décision sont remplies, devra remettre l'individu à l'Etat qui a émis le mandat d'arrêt. En 2008, pour faciliter la libre circulation  et la reconnaissance de la preuve d'un système juridique à un autre, on a émis une décision de reconnaissance mutuelle et cela va permettre d'unifier encore plus cet espace commun grâce à la fin du 3è pilier.

3)    La Coopération Policière

    On a signé la Convention Europol qui est une agence de l'Union. La Convention a été signée en 1995 et depuis quelques années, la Convention s'est transformée en règlement. Les Etats ont accepté que cet acte de droit international (Un traité entre Etats) soit transformé en règlement communautaire, Europol ayant aujourd'hui des pouvoirs accrus dans le domaine de la coopération policière. Europol est une agence qui facilite la collecte des informations policières, les échanges d'informations entre les services de police qui sont gérés par l'unité centrale d'Europol. On a permis de mettre sur pied des équipes communes d'enquêtes. Il ne s'agit pas encore d'une police européenne, les policiers restent bien sous l'autorité des Etats. Communautarisation de ces procédures et cette coopération qui était intergouvernementale au départ.

Conclusion.
    La transformation des finalités de la libre circulation des personnes. D'une vision au départ très économique de la liberté,  on essaie d'en venir à une vision humaine de cette liberté, malgré des contradictions dans la manière dont on est réalisée cette liberté.
    Malgré cette transformation d'objectifs très nette, la libre circulation des personnes reste très fragmentée. On n'a pas un régime applicable mais une multitude de régimes ; le droit communautaire agit comme un trompe-l'oeil. On a l'impression que l'on simplifie ; une directive regroupe l'ensemble des textes existant. Cette directive est venue abroger une dizaine de textes précédents. C'est une simplification dans le droit mais quand on analyse cette directive pertinente, on a des multiples catégories juridiques selon la situation dans laquelle on se trouve par rapport à l'ordre juridique de l'Union Européenne. Par catégorie sont entraînées des règles différentes. On peut être chômeur, inactif, retraité, étudiant, national d'un Etat membre ou Etat tiers mais rattaché à un Etat membre par lien avec un ressortissant d'un Etat membre, … La citoyenneté européenne (Citoyens = égaux en droit dans un système juridique donné), qui doit en principe gommer ces différences, octroie des statuts différents selon les situations et la juridiction de l'UE, par son interprétation très audacieuse, va souvent tirer toutes les potentialités de ce droit. On a un mouvement qui tend à l'uniformisation porté par la CJUE face à un droit dérivé très fragmentaire.


Partie II – La Libre Circulation des Marchandises
dans l'Union Européenne

    Au niveau de l'importance donnée dans les marchandises, commencer par les marchandises paraît le plus logique car, dans les traités originaires de 1957, la première des libertés énoncées est celle relative aux marchandises. Encore aujourd'hui, dans la dernière version des traités qui est celle de Lisbonne, on a deux traités et la libre circulation des marchandises est intégré dans le 2è cad le TFUE. Ce TFUE vient détailler les principes généraux énoncés dans le premier traité cad le TUE. Lisbonne fonctionne comme si on avait une Charte générale et son mode d'emploi, son explicitation dans le détail. Dans ce TFUE, sa 3è partie est consacrée aux politiques et actes de l'UE et elle constitue le coeur du TFUE. La première politique mise en exergue en titre I est le marché intérieur cad la réalisation du marché commun qui est soulignée. Dans ce marché commun, le titre II porte sur la libre circulation des marchandises.
CJCE Commission c/ Belgique 1962 . La Cour a insisté sur le fait qu'avoir placé les marchandises en premier avait nécessairement un sens pour les concepteurs du traité, que les auteurs du traité avaient nécessairement voulu montrer que les marchandises étaient prioritaires.

    La finalité de la libre circulation des marchandises est de favoriser les produits que les consommateurs préfèrent sans que le pays d'origine de la marchandise ne soit déterminant. Dans la théorique économique, les effets sont évidents : la libre circulation des marchandises permettra d'améliorer la qualité des marchandises de par la mise en concurrence des unes par rapport aux autres et, parce que le marché pour les entreprises sera élargi, il y aura création de richesses dans l'ensemble de la Communauté. C'est le cercle vertueux que l'on attend de la libéralisation des échanges de marchandises. Cette libre circulation consiste un moyen de réaliser une union économique.

Quels sont les différents stades d'une intégration économique ?
> La zone de libre échange. 1er stade. On va supprimer les droits de douane et les quotas. Mouvement à l'intérieur des frontières. On ne crée pas de tarifs communs pour l'extérieur cad pas de tarif douanier commun. La marchandise circule sans entrave dans les deux pays membres mais chaque Etat reste libre de sa frontière externe.
> L'Union douanière. Suppression des droits de douane et on fixe à l'extérieur un tarif douanier commun. Vis à vis de l'extérieur, les Etats membres de l'Union douanière se présente comme un bloc. Ex. Le Mercantour.
> Le Marché Commun. La libre circulation des marchandises est complétée par une libre circulation de tous les facteurs de production cad le travail et le capital.
> L'Union Economique. Un marché commun et une unification complète des politiques économiques sous une autorité centrale dont la politique monétaire, budgétaire et politique fiscale.

    L'UE se situe entre l'étape 3 et l'étape 4 car le marché commun est une réalité mais on ne peut pas dire de manière absolue que l'étape 4 est réalisée car on a certaine politiques économiques complètement harmonisées (Politique monétaire pour la zone euro) mais, en revanche, on n'a pas harmonisé les politiques budgétaire et fiscale qui restent du ressort de l'Etat membre.

Chapitre Introductif – Les Marchandises Bénéficiant de la Libre Circulation

    Il s'agit de définir le terme « marchandise » et de quoi on parle. Le traité de Rome n'a pas pris la peine de définir de ce qu'il fallait entendre par « marchandise » parce qu'on ne voulait pas figer une conception de la marchandise et se laissait la possibilité d'une évolution, d'une inflexion en fonction du sens que l'on voulait donner à cette liberté.

I)    La Notion de « Marchandise »

    Un régime juridique particulier s'applique et se distingue des autres libertés. Sans surprise, la Cour a apporté une définition extensive de la notion de « marchandise ».
CJCE 1968 Commission c/ Italie. L'Italie estimait que les règles du traité ne s'appliquaient qu'aux biens de consommation ou d'usage courant. Elle souhaitait particulièrement exclure de la libre circulation des marchandises les oeuvres d'art et d'autres biens qui pouvaient se rapprocher des oeuvres d'art et qui ne sont pas des marchandises comme les autres. Elles devaient être exclues du champ d'application du traité. La Cour pose une définition très large en estimant que « les marchandises qui relèvent du traité sont tous les biens appréciables en argent, susceptibles comme tels de former l'objet de transactions commerciales ».
Cette jurisprudence est constante ; récemment, la Cour a posé la même définition sur la question controversée de l'exportation des déchets. Elle a estimé que les déchets, recyclables ou non, devaient être considérés comme des produits dont la circulation, en principe, en devrait pas être empêchée. Ce raisonnement est le suivant : à partir du moment où il s'agit d'un objet transporté au delà d'une frontière nationale pour donner lieu à une transaction commerciale, quelque soit la nature de cette transaction, l'objet en question entre EN PRINCIPE dans le champ d'application du traité.  Cela ne signifie pas que la circulation sera autorisée, d'autres raisons peuvent l'en empêcher. Cette interprétation est conforme à la rédaction du traité. L'article 23 du TCE dispose que « la Communauté est fondée sur une union douanière qui s'étend à l'ensemble des échanges de marchandise ».Il est resté inchangé, il s'agit de l'article 28 TFUE. L'interprétation large de cette disposition tend, comme toutes les autres interprétations de la Cour, à éviter de mesures protectionnistes des Etats.

    Cependant, dans le traité, il y a des produits qui échappent à la liberté de circulation. On a les trésors nationaux (L'Etat peut invoquer cette justification qui est celle de la protection du patrimoine national), les produits destinés à des fins militaires (Armes, munitions, matériel de guerre. Il y a exclusion de ces produits sous réserve que la limitation de ce commerce soit nécessaire à la protection des intérêts essentiels de la sécurité de l'Etat. Il faut donc que ces produits figurent sur une liste établie par le Conseil. Il y a exclusion et encadrement stricts du droit communautaire. Ce n'est que fin 2009 que la Cour a interprété pour la première fois cette exclusion). Tout ce qui est appréciable en argent en reçoit pas nécessairement la qualification de marchandise. Progressivement, on a affiné la jurisprudence et, pour être qualifiée de marchandise, les biens concernés doivent être licitement commercialisés. Par exemple, s'il s'agit de stupéfiants commercialisés illicitement.

Distinction avec les autres libertés. Quelle règle applique t'on ? Il y a des cas où on peut légitimement se poser la question de savoir si on est face à une marchandise ou si on est plutôt face à autre chose, qu'il s'agisse d'un service (d'une prestation) ou d'un mouvement de capital.
Question relative aux pièces de monnaie. Une pièce de monnaie peut relever de deux libertés différentes car cela pourrait être à la fois une marchandise (Un objet) et elle participe des moyens de paiement, à ce titre peut relever de la circulation des capitaux.
CJCE Regina 1978. Fait une distinction qu'elle a maintenu et qui paraît opératoire. Tant que les pièces de monnaie constituaient des moyens de paiement, tant qu'elles avaient un cour légal dans un Etat membre, elles se rattachent à la libre circulation des capitaux car plus que le support, ce qui compte est la fonction de la pièce qui est de payer. En revanche, la pièce de monnaie peut devenir une marchandise si elle a cessé d'avoir cour légal. Cela a son importance avec l'introduction de l'euro ; toutes les anciennes monnaies sont devenues marchandises du fait qu'elles n'aient plus cour légal et peuvent faire l'objet d'une libre circulation.

Distinguer la marchandise de la libre prestation de service. Quand on exporte des DVDs, est-ce que l'action d'exportation de ces objets relève de la libre circulation des marchandises ou de la libre circulation des services ?
CJCE Sacchi 1974. Il s'agissait de messages subliminaux télévisuels ; la Cour a estimé que l'émission de ces messages relevait des règles du traité relatives à la prestation de services. Elle précise que relèveront des règles relatives aux marchandises les échanges concernant tout matériel, supports de sons, films ou autres produits utilisés pour la diffusion de ces messages. 

    Ceci n'est pas si clair car des travaux d'imprimerie ne peuvent être qualifiés de services, d'après la Cour, parce que dans l'affaire qui était soumise, ces travaux d'imprimerie conduisaient directement à la fabrication d'un objet matériel qui relève d'une classification au tarif douanier commun. La Cour a l'air de dire qu'après du moment où le résultat de l'action est un objet matériel destiné à être mis sur le marché, on appliquera la libre circulation des marchandises. Reste que dans des cas récents, on a pu mettre en avant le caractère très flou de la distinction et il n'est pas toujours facile de déterminer l'élément prédominant pour appliquer la liberté. De toutes ces jurisprudences, on pourrait conclure que pour qu'il y ait marchandise, il faut qu'il y ait matière (C'est ce qu'a l'air de dire la Cour), il faut aboutir à un objet matériel, mais pourtant la Cour a conclu que pouvaient être qualifiés de marchandises des biens immatériels comme l'électricité, par exemple. Ce qui paraît guider la jurisprudence est qu'on regardera ce qui est l'accessoire et ce qui est le principal. Quand l'objet matériel distribué dans un autre Etat membre n'est que l'accessoire nécessaire à la réalisation de l'activité, on n'appliquera pas la liberté des marchandises. On privilégia la finalité.

II)    La Question de l'Origine des Marchandises et le Tarif Douanier
Lundi 8 Novembre 2010
    Le traité qui institue la Communauté européennes visant dans son article 23 §2, désormais article 28 §2 du TFUE, disposant que les marchandises qui bénéficient de la liberté de circulation sont les marchandises originaires d'un Etat membre autres, donc à l'exclusion de celles qui vont être directement importés d'un Etat tiers. Sont concernées également les marchandises qui viendraient d'un Etat tiers mais qui se trouvent « en libre pratique » dans les Etats membres. L'article suivant définit la libre pratique : « sont concernés en libre pratique des produits en provenance d'un Etat tiers mais qui pour lequel les formalités d'importation ont été accomplies et les droits de douane ont été perçus ». A ce titre, le régime de la libre circulation s'applique même si la marchandise vient d'un Etat tiers. On comprend que, par marchandise originaire d'un Etat membre, on entend les marchandises qui sont produites à l'intérieur des frontières politiques de cet Etat.

    Il faut se référer également à la définition du territoire communautaire au regard de la lecture de la définition de la libre pratique ; en effet, il faut voir à quels territoires s'applique le droit de l'UE. Le droit s'applique aux 27 Etats membres mais il y a aussi des restrictions et des extension d'ordre territoriale parce que le traité renvoie à la définition de chaque Etat pose de son territoire. De ce fait, on a une notion spécifique de territoire douanier communautaire cad le territoire dont les marchandises bénéficiant de la libre circulation doivent être originaires. Pour éviter toute ambiguïté sur la définition du territoire, il est défini par un texte communautaire qui s'appelle « Le Code des Douanes Communautaires », règlement adopté rapidement et qui, depuis, est régulièrement révisé. Son article 3 définit le territoire douanier communautaire. Il reprend les définitions des territoires que donnent les Etats. On a inclus les DOM, La Principauté de Monaco, la république de San Marin, les îles anglo-normandes, l'île de Man. Sont exclus les TOM, le Groenland.

    Faut-il que le produit soit considéré comme tel, qu'il ait été fabriqué comme tel sur le territoire douanier communautaire ou au contraire il suffit que certaines opérations aient lieu sur ce territoire communautaire ? Que se passe t'il dans le cas où certains produits vont subir certaines transformations d'importance variable dans certains pays ? On cherchait à profiter des avantages du marché intérieur ; des usines dites « tourne -vis » pour que la marchandise puisse bénéficier du régime communautaire (Régime très avantageux) mais l'essentiel du produit était fait à l'extérieur et les finitions, des opérations mineures étaient réalisées sur le territoire communautaire afin de bénéficier du régime et de la libre circulation. Quand on a vu se multiplier ces entreprises, la question s'est posée pour savoir à partir de quel moment un produit était originaire d'un Etat membre. On fixe des objectifs qui vont volontairement restés imprécis ; tous les détails techniques et procédures relèvent du droit dérivé. Le Code des Douanes Communautaires règle le problème en 1992 ; article 24 du Code, d'après celui-ci, la marchandise est considérée comme communautaire à partir du moment où elle se réalise dans plusieurs pays et que le problème se pose. Elle est réputée originaire du pays où elle a subi sa dernière transformation ou ouvraison substantielle avec une entreprise équipée et ayant abouti à la fabrication d'un produit nouveau ou représentant un stade de fabrication important. La Cour considère que des opérations de simples assemblages réalisées sur le territoire d'un Etat membre mais qui n'augmentent que très faiblement la valeur du prix n'ont pas pour effet de rendre ces marchandises originaires de cet Etat.

    Pour les marchandises en libre pratique cad celles qui viennent d'un Etat tiers mais qui a été importé dans un des Etats membres, elles bénéficient de la libre circulation. Pourquoi ? Au départ, pas en raison de règles communautaires car rien ne justifiait que ces marchandises puissent circuler librement sur le territoire communautaire. Elles circulent parce que la Communauté est liée par ses engagements internationaux ; dans le cadre du GATT, puis ensuite dans le cadre de l'OMC qui prend sa suite en 1994, au regard de ces règles internationales qui lient la Communauté, l'établissement d'une Union douanière ou d'une zone de libre échange doit avoir pour objet de faciliter le commerce entre les territoires qui constituent l'Union douanière et le but ne doit pas être d'imposer des obstacles au commerce d'autres parties contractantes. Ils doivent ne pas se voir opposer des obstacles démesurés à ces libres circulations du moment qu'elles ont été régulièrement importées sur le territoire de l'Etat membre. En 1972, parce que tous les Etats membres faisaient partie du GATT, la Communauté était liée par un effet de succession : elle succédait aux Etats dans le cadre de leurs obligations contractées dans le GATT. Dès 1972, elle était liée par les mêmes engagements que ses Etats membres. Il y a une raison plus communautaire à la libre circulation de ces marchandises : l'assimilation de ces marchandises aux marchandises communautaires est nécessaire afin de faciliter la libre circulation des marchandises communautaires. Imaginer le contrôle qui s'opère à la frontière d'un Etat membre. Si aux frontières internes, l'origine du produit et appliquer des régimes différenciés, le simple fait de faire ces contrôles qui peuvent être très poussés gênent la libre circulation des marchandises. Ces contrôles sont considérés comme une entrave potentielle et doivent être réduits au strict minimum afin de faciliter l'Union douanier communautaire. Pour que cette liberté puisse s'accomplir, la Cour a jugé que cette liberté, pour qu'elle puisse se faire avec la mise en oeuvre d'une politique commerciale commune fondée sur le fait que l'Union douanière, que met en place la Communauté, comporte l'interdiction entre les Etats membres des droits de douane sur l'importation et l'exportation mais aussi l'adoption d'un tarif douanier commun dans les relations avec les pays tiers. Le volet interne est complètement lié au volet externe de l'Union douanière.

    Les règles communautaires qui n'avaient vocation à s'appliquer qu'aux marchandises communautaires, dans les faits, elles concernent aussi les marchandises des Etats tiers comme s'il y avait eu un effet d'entraînement des unes sur les autres. On n'a pas pu cantonner la liberté communautaire au simple niveau communautaire. Cela a un effet qualifié de pervers : certains contesteront la méthode qui consiste à atténuer énormément les avantages dont jouissent les marchandises strictement communautaires. Cela revient à atténuer le principe de la préférence communautaire jusqu'à nier l'une des spécificités de l'Union qui est de créer un régime plus favorable vis à vis de l'extérieur. 


Chapitre I – La Prohibition des Entraves aux Échanges


    Le droit communautaire combat les entraves tarifaires (=taxe d'effet équivalent) et les entraves non tarifaires (=restrictions quantitatives ou des mesures d'effet équivalent). Ce qui va caractériser l'entrave tarifaire est qu'il peut y avoir une taxe perçue et qui sera ainsi combattue. On est dans le cadre d'une somme d'argent alors que dans le cadre d'une entrave non tarifaire, on est dans des règlementations nationales qui peuvent avoir le même effet d'entrave mais dont le résultat n'est pas la perception d'argent dans sa finalité. On ne trouvera pas cette distinction dans le traité, elle n'a qu'une vertu pédagogique.
Droit de douane = taxe d'effet équivalents (TEE)
Restrictions quantitatives = mesures d'effet équivalent (MEE)

    Elles sont prohibées au titre du chapitre III pour les MEE et au titre du chapitre I pour les TEE. Les deux chapitres font partie du même titre sur la libre circulation des marchandises.

Section 1. Les Droits de douane et les Taxes d'effet équivalent
    A) Éléments de Définition

    La Cour a posé que la prohibition des barrières tarifaires, dans les échanges intracommunautaires, était un « principe fondamental ». Le traité de Rome est entré en vigueur en 1958 et fixait une période de 12 ans pour réaliser la suppression des droits de douane. Cette liberté était réalisée en 1968 sans réelle difficulté. Ce qui a posé plus de problèmes ont été les TEE, ce qui a un effet équivalent à des droits de douane mais qui n'en sont pas à proprement parler, qui sont plus difficiles à détecter et à combattre. Autant sur le droit de douane, on n'a pas besoin d'une définition compliquée.
CJCE 14 décembre 1962 Affaire du Pain d'Epice Commission c/ Luxembourg & Belgique. La Cour va poser une définition de la TEE. Elle estime qu'il faut prohiber en droit communautaire non seulement les mesures ostensiblement revêtues de la forme douanière classique mais encore toutes celles qui, présentées sous d'autres appellations ou introduites par le biais d'autres procédés, aboutiraient au même résultat discriminatoire ou protecteur que les droits de douane.

    La notion de TEE englobe toutes les taxes qui frappent spécifiquement les produits emportés en influant sur leurs prix d'une manière analogue à un droit de douane. Pour les Etats, il a été plus compliqué de supprimer ce type de taxes pour deux raisons. D'une part, d'un point de vue économique, les Etats vont être amenés à multiplier des gestes protectionnistes et auront certaines réticences à supprimer ces obstacles aux échanges. D'autre part, la définition posée par la Cour laisse certaines incertitudes et, en l'absence de critères de qualification que la Cour ne pose pas, il y a eu multiplication du contentieux. La CJCE a été fréquemment sollicitée par les juridictions nationales qui elles-mêmes étaient saisies par des particuliers voulant faire valoir leur droit nouveau tiré de l'ordre juridique communautaire. L'essentiel du contentieux se passe via questions préjudicielles.
CJCE Commission c/ Italie. Une taxe d'effet équivalent visait toute charge pécuniaire unilatéralement imposée, quelque soit son appellation et sa technique et frappant les marchandises en raison du fait qu'elle franchisse de la frontière. Il s'agit d'un standard jurisprudentiel que la Cour répètera dans les affaires visant les TEE. On retrouve 3 critères : charge pécuniaire (= somme d'argent nécessairement), unilatéralement imposée (Aucun accord entre d'éventuelles parties), un franchissement de frontières. Cela signifie que la forme que prend la taxe ne compte pas ; la nature de l'acte qui institue cette charge ne compte pas non plus. 
Exemple. Quand il y a une taxe qui frappe des opérateurs économiques par le biais de conventions privées et non en vertu d'un acte unilatéral de l'autorité publique, on aurait pu penser que le 2è critère n'était pas rempli, celui qui mentionne la taxe unilatéralement imposée mais il peut avoir TEE si cette taxe découle directement ou indirectement du manquement de l'Etat membre aux obligations financières qui lui incombent en vertu du traité.

    Sur la question du franchissement de frontière, on a eu le plus de difficulté. La Cour dit qu'à partir du moment où le produit est frappé en raison du franchissement de la frontière, il y a TEE.  Reste à déterminer de quelle frontière on parle. Il paraissait évident qu'il s'agissait d'une frontière intracommunautaire ; il faut que la taxe soit perçue entre, par exemple, l France et l'Allemagne parce que c'est là qu'il y a un obstacle au libre commerce. S'est posée la question de savoir si on pouvait qualifier de TEE des charges pécuniaires qui allaient frapper tous les produits, qu'il s'agisse de produits nationaux ou de produits originaires d'autres Etats membres, taxes perçues à raison d'une frontière dite interne et non intracommunautaire. C'est la frontière qui va concerner la métropole française et ses DOM. Dans ses relations avec les DOM, la métropole française accepte que tous les produits qui arrivent dans les DOM soient taxés d'une manière spécifique : c'est la taxe dit de l'octroi de mer cad une taxe spécifique qui concerne tous les produits, nationaux ou originaires d'autres Etats membres ou d'autres Etats tiers, arrivant sur le territoire des DOM. A chaque fois, l'importateur doit acquitter cette taxe de l'octroi de mer que la France comptait garder cet octroi de mer en arguant qu'il s'agissait d'une frontière interne entre la métropole et un DOM et non pas d'une frontière entre deux Etats membres. Il n'y aucun obstacle à la libre circulation des marchandises intracommunautaire puisqu'il ne s'agissait pas d'une marchandise intracommunautaire.

CJCE 1972 Legros ; CJCE 1994 Lancry Les requérants posent des questions préjudiciels car on les obligés à payer l'octroi de mer lors du franchissement de la frontière entre la métropole et le DOM. A chaque fois, la CJCE va estimer que l'atteinte portée à l'unicité du territoire douanier communautaire par l'établissement d'une frontière régionale est jugée identique dans les deux cas suivants : que la taxe appliquée en raison du franchissement de la frontière frappe les produits nationaux ou des produits en provenance d'autres Etats membres. La CJCE avait jugé que la frontière entre la métropole et le DOM était concernés par la libre circulation. Dans Lancry, elle considère que même s'il s'agit d'une marchandise importée de métropole vers le DOM par un commerçant qui ne vient pas d'un autre Etat membre, l'atteinte à l'unicité de l'union douanière est la même. Il faut assurer le commerce inter-étatique et pas seulement l'union douanière. Conception large ; les Etats ne pensaient pas qu'il y aurait eu des répercussions sur leur commerce interne. Après maintes péripéties, on a réussi à négocier un règlement communautaire qui a pour finalité de rendre compatible certaines formes d'octroi de mer avec le traité. On est tombé d'accord sur un principe du démantèlement progressif de l'octroi de mer qui ne concernera pas toutes les marchandises parce que, dans certains cas que la France a négocié comme étant des cas très fréquents, on pourra arguer du bien fait comme l'économie locale de ces DOM de la perception de cette taxe. Pour les populations vivant dans les DOM, la perception de cette taxe peut être importante et les décisions communautaires mettent en place un régime permettant de revendiquer certaines exceptions pour préserver l'économie locale.
CJCE 1995. A eu une position similaire qui frappait les marchandises exportées et importées d' îles grecques.
CJCE 9 Septembre 2004 Carbonati Apuani. La Cour a continué sur la même lancée. Concernant une taxe italienne. Le juge ajoute un élément : il s'agissait d'une taxe perçue par une commune italienne instituée historiquement et qui concerne le transport de marbre extrait de cette commune vers d'autres communes. Levée par une collectivité territoriale et contrairement aux arrêts Legros et Lancry, elle ne concernait qu'une catégorie précise de produit, à savoir le marbre, la CJCE a confirmé sa jurisprudence Lancry et a estimé qu'en dépit du fait qu'il s'agissait d'une taxe strictement communale et qu'il n'y avait pas proprement parlé de franchissement de frontières, la taxe a été qualifiée de TEE et considérée comme contraire au traité.
CJCE 2005. Une taxe perçue sur les livraisons de pommes de terre produites à Jersey en direction de la GB. Même solution : cette taxe est considérée comme contraire au droit communautaire pour la CJCE.

    Du coup, on a encore accentué le mouvement rapport aux arrêts Legros et Lancry. On en vient à dire que l'élément d'extranéité (élément qui permet de rattacher une situation juridique donnée au droit communautaire), dans le mouvement relatif aux marchandises, disparaît progressivement alors que sur les personnes, on avait été plus mesuré : on avait montré une évolution plus timide et plus controversée. La CJCEQ hésite beaucoup moins et la notion de « situation interne » est complètement mise de côté, battue en brèche par ces jurisprudences.

    Peu importe, pour la CJCE, la finalité ou le montant de la taxe Même si le montant est minime ou insignifiant, la taxe sera condamnée car on a du mal à comprendre comme une taxe dérisoire peut avoir une conséquence sur les échanges économiques. C'est une philosophie générale de la Cour qui a développé une aversion pour tout ce qui relève des formalités administratives. La perception d'une taxe, aussi minime soit elle, est une formalité administrative et en tant que elle, elle doit être combattue.

Quelles sont les conséquences de la perception d'une taxe qualifiée de TEE ?Que se passe t'il quand l'Etat a perçu une taxe que la CJCE a considéré comme contraire au droit de l'UE ? Pour le requérant, il y a deux actions possibles une fois qu'il y a obtenu la condamnation de la taxe. Une action en responsabilité contre l'Etat est possible ; dès qu'il y a eu préjudice, le requérant peut obtenir réparation du préjudice par voie interne. La seconde voie est l'action en répétition de l'indu cad une somme qui correspond au remboursement du montant de la taxe qui a été perçue. Le principe du remboursement de cette taxe est conforme à la primauté du droit communautaire. Les Etats doivent réparer en remboursant les sommes perçues indument.

Mardi 9 Novembre 2010.
CJCE 1980 Denkavit Italiana. Il y a l'action en répétition de l'indu et, par cette action, la Cour a posé le principe du remboursement de la taxe perçue. Les Etats doivent réparer le préjudice subi par l'opérateur économique.

    Cela revient à reconnaître ce que l'on a appelé un effet direct vertical aux dispositions relatives aux TEE : l'opérateur économique, donc un particulier, peut se retourner contre l'Etat dans une relation ascendante pour obtenir réparation du préjudice subi. On ne reconnait aux dispositions relatives aux TEE que cet effet vertical mais la CJCE a déjà admis, dans certains cas, qu'une taxe peut être qualifiée de TEE même si elle a été perçue par une personne privée. C'est le cas quand une entreprise privée va conclure une convention avec des clients pour prendre en charge certains services qui relèvent des services de douane ou de services administratifs. La CJCE avait estimé que l'Etat restant responsable de ce manquement au droit communautaire : même si vous déléguez l'organisation du service à une entité privée, vous ne pouvez pas faire supporter le coût de ce service à des opérateurs économiques par l'institution de cette²taxe.

    Or, si l'opérateur veut être remboursé, cela pose problème car il faudrait que l'opérateur économique lésé puissse réclamer à l'entreprise privée le remboursement de la taxe. Pour qu'il réclame ce remboursement, cela implique qu'il ne faille pas reconnaître seulement un effet direct vertical mais également un effet direct horizontal qui va jouer uniquement dans les relations entre personnes privées. La question est suspend car on n'a pas d'exemple où la Cour a reconnu expressément cet effet direct horizontal. Qu'il s'agisse d'une action contre l'Etat ou contre une personne privée, ces actions en répétition de l'indu dépendent beaucoup du juge national : au nom de l'autonomie procédurale des Etats membres, une fois que le principe du remboursement est posé par l'ordre juridique de l'Union, les modalités concrètes du remboursement dépendent du droit national. Le renvoi est nécessaire car c'est la logique du droit communautaire : on ne peut faire autrement que de confier cette tâche au juge national (Apte à déterminer le montant et les délais du remboursement). Cette logique peut restreindre les droits du requérant parce que les systèmes procéduraux des Etats membres sont très divers et chaque Etat pose ses propres règles qui peuvent influer sur la procédure de remboursement. En France, on a des règles sur l'extinction des dettes de l'Etat : les règles de droit communautaire peuvent entrer en conflit avec certaines procédures de remboursement car chaque Etat a ses propres règles procédurales sur la question. Pour contrer les effets négatifs de ces différences, la Cour a posé le principe d'équivalence cad que les modalités du remboursement ne doivent pas se révéler moins favorables que celles qui concernent des recours similaires de nature interne, dans un litige interne.

    Les Etats membres ne peuvent pas imposer au requérant, donc l'opérateur économique qui a été lésé, comme condition du remboursement, de faire la preuve que ce remboursement n'entraînerait pas d'enrichissements injustes. Ce n'est pas à l'opérateur économique d'apporter cette preuve mais à l'autorité nationale de le faire. Si elle arrive à prouver que l'opérateur économique pourrait s'enrichir injustement du fait du remboursement, il est possible que ce remboursement soit minoré voire supprimé. Le cas typique est celui où l'opérateur économique pour compenser la taxe qu'il a payé a répercuté cette taxe sur les acheteurs et multiple cette somme avec une action en répétition de l'indu.

Bilan
    La TEE est condamnée par la Cour en fonction de son objet (Instaurer une charge pécuniaire) plus qu'en fonction de ses effets. Dans toutes les jurisprudences évoquées, la CJCE se moque de l'effet qu'elle a sur la libre circulation et c'est intéressant parce que ce n'est pas ce qu'elle fait d'habitude et ce n'est pas ce qu'elle fait pour les MEE. Par conséquence, la prohibition de la TEE a un caractère absolu. Les Etats auront les plus grandes difficultés à trouver des justifications qui puissent être valablement reçues par la Cour. C'est une différence importante par rapport aux les personnes et aux MEE. Enfin, la seule justification que les Etats ont pu valablement invoqué est quand ils arrivent à prouver que la taxe est en réalité la contrepartie d'un service rendu aux opérateurs économiques mais cette justification est entendue très strictement et très rarement acceptée. C'est dans le domaine des TEE qu'on a reconnu l'effet direct du droit communautaire (CJCE Van Gend and Loss, 1963. La CJCE reconnaît que l'oeuvre juridique communautaire crée des droits et obligations non seulement entre les Etats mais également pour les individus ; cette affaire était relative à une taxe et a reconnu que l'article qui la prohibait pouvait être invoquée directement par le particulier.)

    B) Taxe d'Effet Equivalent et Imposition Intérieure

    Il faut distinguer cette notion de celle d'imposition intérieure. Le régime de l' imposition intérieure  est explicité aux articles 9à à 93 du TCE qui sont devenus les articles 110 à 113 du TFUE. L'article 90 dispose qu'aucun Etat membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres Etats membres d'imposition intérieure de quelque nature qu'elle soit supérieure à celle qui frappe directement ou indirectement les produits nationaux similaires. Ces dispositions sont énumérées comme des mesures fiscales qui ont vocation à compléter les dispositions relatives aux TEE. Les TEE visent à mettre à l'abri les marchandises importées de taxes qui vont les frapper exclusivement mais encore faut-il que l'on protège les produits importés de taxes qui vont les frapper plus lourdement que les produits nationaux. La TEE ne vise que le produit importé et donc il faut faire en sorte, en prohibant la TEE, que le produit importé ne soit pas imposé exclusivement puisque le produit national n'est pas frappé de taxe. C'est une façon de lutter contre le protectionnisme. Or, tout Etat a un système de mesures d'impositions fiscales et peut décider d'instaurer des taxes sur ses produits importés, au même titre que les produits nationaux. L'imposition intérieure est de dire aux Etats qu'ils ont le droit de taxer car c'est leur compétence fiscale mais ils n'ont pas le droit de taxer plus lourdement le produit importé que le produit national. Donc, la TEE frappe exclusivement le produit importée et est donc prohibée mais le traité doit prévoir un moyen de prévenir des taxes, d'interdire des taxes qui frapperaient plus lourdement les produits importés que les produits nationaux. L'imposition intérieure ne vise que les produits intérieures.

    Or, contrairement aux dispositions relatives aux TEE, la Communauté n'a pas de compétence dans le domaine fiscal alors qu'elle en a une pour réaliser le marché commun et supprimer les TEE. Dès 1957 et jusqu'à nos jours puisque le traité de Lisbonne ne modifie rien, les Etats membres conservent une compétence réservée dans le domaine fiscal.

    L'article 90 vient cependant apporter un tempérament à l'exercice de cette compétence réservée ; le traité s'immisce dans un domaine qui ne relève pas de la compétence communautaire mais la seule exigence posée par le droit communautaire concernant ces impositions intérieures est un traitement non discriminatoire à l'égard des produits importés. L'article 90 a distingué nettement l'imposition intérieure et la TEE. La TEE a un caractère absolu et elle est présumée illicite. L' imposition intérieure est à priori licite et ne devient illicite qu'à une condition : quand elle est discriminatoire. C'est la première différence. Deuxième différence qui paraissait assez claire, pour qu'il y ait TEE, il faut un franchissement de frontières alors que l'imposition intérieure se déroule à l'intérieur de l'Etat car c'est à l'intérieur de l'Etat que ce dernier décide d'imposer. Officiellement, on a bien deux notions distinctes. La Cour a dit qu'une taxe ne pouvait être qualifiée selon les deux régimes : cela ne peut pas être à la fois une TEE et une imposition intérieure. C'est soit l'une, soit l'autre. Conséquence, si c'est une imposition intérieure, c'est présumé licite alors que si c'est une TEE, c'est présumé illicite => enjeu de la qualification. Cela a une incidence sur les présomptions licites ou illicites.

    Pour ce qui est de l’imposition intérieure, elle n’est prohibée que quand la taxe concerne des produits similaires, c’est ce que dit l’article 90. Dans l’identification des produits nationaux similaires aux produits importés, la Cour a souvent conçu de façon très souple voire souvent de façon extensive cette notion de similitude.  En fait, la Cour a utilisé l’argument suivant : il ne s’agit pas seulement, dans l’article 90, d’interdire des discriminations entre produits similaires, mais également des produits qui peuvent être en concurrence les uns par rapport aux autres.  En gros, si on taxe plus lourdement un produit importé A par rapport à un produit B, mais que ces 2 ne sont pas dans un rapport de concurrence par rapport au consommateur, il n’y a pas de problème. En revanche, s’ils sont en concurrence, c’est interdit car le consommateur choisira le moins cher des 2. Du coup, la Cour a fini par dire que mm des produits qui n’étaient pas similaires à des produits nationaux pouvaient se trouver néanmoins dans un rapport de concurrence et cette concurrence peut mm être indirecte, partielle ou potentielle.

    De plus, le contrôle de la Cour n’a pas été limité aux différences qu’elle pouvait noter dans la taxation des produits ; elle a pu aussi regarder l’incidence des modes de calcul de la taxe, l’incidence des modalités de perception de la taxe. De ce fait, la Cour rentre dans un domaine qui est clairement réservé aux Etats. Mais une fois encore, la frontière est si difficile à tracer que la Cour ne s’est pas privée d’aller plus loin que la lettre du Traité. Ça n’a pas mis fin à la compétence réservée dans ce domaine, d’une part parce que les traités l’on redit et qu’au regard des résultats de cette politique jurisprudentielle on est pas du tout arrivé à une harmonisation fiscale, pas mm partielle, entre les Etats membres de l’Union. Il se trouve mm que quand la Cour a à juger de systèmes fiscaux, a été très timide et a laissé une marge de manœuvre très importante aux Etats.

Exemple. Taxation des voitures et système d’immatriculation des voitures dans les différents Etats membres. On a eu une série d’affaire qui ont visé le système danois. A intervalle régulier, la commission européenne, dans son rôle de gardienne des traités, a tenté de faire condamner le Danemark. Nous sommes là dans un recours en manquement. Ces recours se sont soldés pour un échec pour elle. Le dernier exemple datant de 2003 : la Commission conteste la taxation des voitures au Danemark qu’elle juge trop élevée, et le Danemark a toujours argué du fait qu’il n’était pas en contradiction avec le droit communautaire car ne produisant pas de voiture de manière significative, le système danois ne peut pas être jugé discriminatoire par rapport au produit national. Cet argument a été reçu par la Cour. Elle a estimé à plusieurs reprises que le système n’était pas discriminatoire ni protectionniste parce qu’il n’y avait pas de production nationale similaire que le Danemark entendrait protéger par ce système d’impositions.

    Là on touche à une limite de la règle de non discrimination posée par le droit communautaire : on ne peut pas, par le biais de cette règle et en invoquant ce principe, condamner des politiques fiscales qui ciblent des marchandises qui pourtant ne sont pas produites sur le territoire national. Du coup, comme le système posait manifestement problème à la Commission, elle a tenté de faire condamner le mm régime par l’autre entrave qui sont les mesures d’effets équivalents. Là encore le recours n’a pas prospérer sur cette base. Ça montre bien que quand on touche à la matière fiscale, la Cour reste prudente. Elle a estimé dans ces affaires qu’il faudrait, pour condamner le système danois, que la liberté de circulation soit non pas touchée, mais qu’elle soit compromise. Ce qui veut dire que le niveau d’exigence est très élevé par rapport à sa jurisprudence traditionnelle.  On trouve un argument qui a amusé : le nombre de voitures par habitant au Danemark est comparable à ce nombre dans les autres Etats membres => il n’y a donc aucune restriction dans ce domaine posé par le Danemark.

    A priori les 2 notions sont donc assez clairement distinctes, mais il y a quand mm des cas qui ont posé problème. On a une jurisprudence très abondante sur la question :
    > Dans certains cas, on a des taxes qui ne frappent que les produits importés car il n’y a pas de production nationale similaire. Mais dans ces cas, la taxe se rapproche à la fois de la TEE et de l’imposition intérieure. La Cour a dit qu’il fallait considérer la taxe au regard de l’article 90, donc au regard des impositions intérieures et que donc ce régime n’était condamné que si le requérant arrive à prouver son caractère discriminatoire ou protecteur.
    > On peut se poser aussi la question de la distinction dans le cas où on a des taxes qui sont perçues aussi bien sur les produits importés que sur les produits nationaux et que ces taxes servent à l’octroi d’aides étatiques ou au financement de mesures de promotion de certains produits. C’est ce qu’on appelle les taxes parafiscales. Dans ce cas, la Cour a procédé à une distinction subtile selon que les aides qui sont attribuées aux produits nationaux compensent une partie ou la totalité de la charge des cotisations.
Exemple. On a une taxe, le produit de celle-ci sert à financer des activités qui sont destinées à encourager la production nationale. Le produit de la taxe profite exclusivement aux produits nationaux. Et qu’il y a compensation intégrale de la charge qui pèse sur les produits. Dans ce cas, mm si la taxe touche indifféremment les produits nationaux et les produits importés (donc une imposition intérieure), du fait de ces caractéristiques, elle sera qualifiée de TEE. Parce que finalement on aura réussi à démontrer dans ce cas que l’aide attribuée au produit national compense complètement la charge qui a été posée.

    La Cour a fini par suivre une simplification => A partir du moment où il y a une charge fiscale et qu’on constate que cette charge frappe d’une manière différente les produits nationaux et les produits importés, dans ces cas, ça n’est pas nécessaire de rechercher si les produits nationaux sont totalement ou partiellement épargnés par la taxe. Il faut partir du principe qu’il y a un traitement différencié, que donc on est dans le cadre d’un imposition intérieure car elle touche bien ces 2 produits, mais que c’est discriminatoire et donc c’est interdit par le traité. En gros, l’imposition intérieure englobe la TEE.
CJCE Dounias du 3 février 2000. La Cour a abandonné ses raisonnements habituels et a suivi les conclusions de son avocat général et s’est contentée, dans le cas d’une taxe qui touchait aussi bien les produits nationaux que les produits importés, de constater qu’en imposant une charge supplémentaire sur les produits importés, la taxe était intrinsèquement discriminatoire. Elle n’a pas cherché plus loin que ça. Elle a fini par dire que comme c’est discriminatoire ça peut être contraire aussi bien à l’article 90 qu’aux dispositions prohibant les TEE.

Lundi 15 Novembre 2010.
Section 2. Les Restrictions Quantitatives et les mesures d'effet équivalent (MEERQ)
    A) Une Définition initialement très étendue des MEERQ
        1) Les premières décisions.   
Ce sont des entraves non tarifiaires. Dans le cadre de la réalisation du marché unique, la suppression des seules barrières tarifaires ne suffit pas car d'autres freins à l'entrée des marchandises sur un territoire peuvent exister. Ces autres freins sont plus difficiles à détecter, moins visibles parce qu'ils ne consistent en la perception d'une somme d'argent en bonne et due forme. Ce n'est pas un droit de douane, ni une taxe et de ce fait, l'obstacle est moins perceptible. Les Etats ont été très ingénieux pour protéger leurs marchés nationaux : on a de multiples moyens qui existent pour freiner l'importation sur le territoire d'un Etat de certains produits. On a des aides d'Etat : le fait qu'un Etat subventionne une production par rapport à une autre, le fait qu'il facilite la production et la commercialisation de tel produit par une aide financière publique. Les aides d'Etat font l'objet de dispositions spécifiques dans le traité qui relèvent des règles de concurrence et inscrites dans un autre titre que celui sur la libre circulation des marchandises. En dehors de ces aides, on a aussi l'attribution de marchés publics qui auront pour objet et finalité de protéger les produits nationaux : le droit européen a prévu des dispositions relatives à l'attribution des marchés. Ces dispositions relèvent du droit de la concurrence, non pas de la libre circulation des marchandises. Ce sont surtout des règlementations, techniques le plus souvent, qui vont concerner les produits ; plus largement, il va s'agir de toutes les exigences que posent un Etat sur le plan légal ou règlementaire et dans lesquels les producteurs et distributeurs de produits sont tenus de se conformer.
Exemple. Règles relatives à l'emballage d'un produit.

    C'est au départ le Commission européenne qui a voulu inciter, dans ses propositions, la Cour à faire une interprétation très créative des dispositions du traité. Les articles intéressants sont les articles 28 et 29 TCE désormais dans le TFUE aux articles 34 et 35. L'article 28 devenu 34 dit « les restrictions quantitatives à l'importation ainsi que toute mesure d'effet équivalent sont interdites entre les Etats membres » ; l'article 35 dit la même chose pour l'exportation. Dans ces deux dispositions, on trouve l'expression « mesure d'effet équivalent » et c'est cette expression que la Commission a désigné comme étant la plus souple, celle qui lui permettait de développer une interprétation constructive et large de ces règlementations. Une directive est proposé par la Commission en 1968 et adoptée en 1969 : la directive 70/50 du 22 décembre 1969. Dans cette directive, la Commission pousse clairement la Cour par les définitions qu'elle propose à une définition très large des MEERQ (mesures équivalents aux restrictions quantitatives). En 1974, la Cour prononce sa première décision d'importance sur les MEERQ
11 juillet 1974 CJCE Dassonville. La CJCE consacre une conception très extensive  de la MEE telle que la mentionne l'article 28. Il s'agit de « toute réglementation commerciale des Etats membres susceptible d'entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement le commerce intracommunautaire ». En consacrant une définition très extensive, la Cour insiste sur la notion d'entrave : il faut que la réglementation entrave mais il ne faut pas qu'elle entrave nécessairement et potentiellement, l'effet ne peut être que potentiel et l'entrave peut être tout à fait indirecte. Par cette conception, la Cour s'éloigne d'autres conceptions qui lui avaient été suggérées, notamment à certains rapports élaborés juste avant le traité de Rome. Rapport Spaak, 1955 remis en 1956 au gouvernement des Etats membres cad la CECA: conception étroite de la MEE estimant que seules mesures qui devaient être prohibées par le traité étaient celles qui, par leur objet ou par leur effet, étaient manifestement protectionnistes cad pour être « protectionniste », il faut viser expressément les mesures qui visent expressément les produits autres que nationaux. La CJCE s'éloigne de cette conception et consacre l'article 28 comme une disposition générale, par « générale », c'est une disposition qui vise toutes les mesures qui entravent les importations et qui ne sont pas déjà spécifiquement visées par d'autres dispositions du traité. Toute entrave qui ne relève pas d'un texte spécial tombe sous le coup de l'article 28 parce que pour la Cour, c'est cet article 28 qui comporte une prohibition générale des restrictions à la libre circulation.

    La décision Dassonville sera à l'origine d'un développement exceptionnel du contentieux : à partir de cet arrêt, tous les opérateurs économiques vont comprendre 'intérêt qu'ils ont à contester toute sorte de mesures d'accès au marché car le caractère très large et souple de la définition leur donne espoir d'obtenir satisfaction devant le juge. On va distinguer les marchandises nationales et les marchandises importées ou exportées, selon que l'on est dans le cadre de l'article 28 ou de l'article 29. Si la distinction se fait au détriment de la marchandise importée, la discrimination fondée sur l'origine du produit est clairement contraire au traité, donc à l'objectif de libre circulation. Ont été considérées comme des MEE des campagnes publicitaires en faveur des produits nationaux.
1982 CJCE Irlande. Parce que l'Etat avait aidé à la mise en place de cette campagne, l'Irlande a été condamnée pour violation de l'article 28.

    Des mesures nationales seront non discriminatoires car non destinées aux produits importées. La mesure existe et va s'appliquer indépendamment de l'origine du produit, que le produit soit national ou importé ; dans son droit commercial, l'Etat forge toute une série de règlementations qui ont vocation à régir les conditions auxquelles vont être commercialisés des produits : mesures indistinctement applicables ou mesures non discriminatoires.
TRES IMPORTANT. CJCE 1979 Cassis de Dijon. Même des mesures indistinctement applicables rentraient dans la définition des MEERQ. Il s'agit d'un opérateur allemand (importateur allemand) qui s'est vu refuser par l'administration allemande la mise sur le marché du cassis de Dijon. L'importateur conteste la décision de l'administration allemande car les raisons sont infondées : le texte sur lequel s'appuie cette administration dit que « toute liqueur de fruits, pour être commercialisée légalement en Allemagne, doit avoir une teneur minimum en alcool de 25% ». L'administration allemande avance plusieurs séries de raisons :
    >  On édicte cette réglementation car on veut limiter la consommation d'alcool en pratiquant des prix élevés, donc dissuasifs. Plus la teneur en alcool est élevée, plus le prix sera élevé.
    > L'administration allemande estime que sa réglementation n'est pas contraire à l'article 28 parce qu'elle n'est qu'une entrave technique et non commerciale, au sens de l'arrêt Dassonville qui ne parle que d'une entrave commerciale, et que cette réglementation ne peut être supprimée que par la voie de l'harmonisation des législations. Il appartient aux Etats de se mettre d'accord dans le cadre d'une harmonisation règlementaire ou législative.
    > Enfin, elle se défend en mettant en avant le fait que la mesure est indéniablement indistinctement applicable : elle vise tous les produits et liqueurs de fruits d'origine nationale ou importée.

    La CJCE va balayer ces arguments et va poser deux éléments.
1/ Elle dit qu'à partir du moment où la marchandise a été légalement produite et commercialisée dans un Etat membre, au nom du principe de reconnaissance mutuelle, elle doit pouvoir être introduite et commercialisée sur le marché des autres Etats membres. Elle répond à l'argument allemand sur l'harmonisation : il n'est pas nécessaire, pour que la marchandise circule librement, que les Etats aient harmonisé au préalable leurs législations nationales car si on attend cette harmonisation pour réduire les disparités commerciales, on n'en n'a pas fini. On ne va pas harmoniser puis supprimer les obstacles ; on va supprimer les obstacles et enfin harmoniser au nom du principe de reconnaissance mutuelle qui implique une confiance mutuelle entre les Etats. Les Etats, au sein des institutions communautaires, vont se dire qu'on a quand même tout intérêt à harmoniser les législations
2/ Le tempérament à ce principe de reconnaissance mutuelle dans la mesure où les règlementations contestées peuvent être reconnues comme étant nécessaires pour satisfaire à des exigences impératives, dans cette mesure on pourra accepter qu'une mesure nationale, qui aurait pourtant la qualification de mesure équivalente, n'acceptera cette mesure à partir du moment où elle est nécessaire pour satisfaire à ces exigences impératives.

    On avait eu un signal lancé par la Commission : on ne peut pas dire que la décision Cassis de Dijon soit sortie de nulle part. Dans la directive 70/50, la Commission avait suggéré dans l'article 3 de la directive que les obstacles à la libre circulation pouvaient être constitués par des mesures régissant la commercialisation des produits portant notamment sur la forme, la dimension, le poids, la composition, la présentation ou le conditionnement applicable indistinctement aux produits nationaux et aux produits importés mais « dont les effets restrictifs sur la libre circulation des marchandises dépasse le cadre des effets propres d'une réglementation de commerce ». L'article 3 précise bien que les effets restrictifs doivent être supérieurs à ceux qui sont normalement le lot d'une réglementation normale, aux effets normaux et attendus d'une réglementation commerciale normale. Ce texte allait loin dans le sens où il reconnaissait que les MEE étaient mesures directement applicables mais qu'il fallait un effet restrictif important, plus important qu'une simple réglementation de commerce. Dans Cassis de Dijon, la Cour se met en chasse de toutes les règlementations qui, parce qu'elles concernent les produits, vont peser sur leur commercialisation. La conséquence de cette jurisprudence est que vont être prohibées toutes les règlementations qui se traduisent par une charge qui va être considérée comme trop importante et concerner les produits lors de leur importation sur le territoire national.

    Entre Dassonville et Cassis de Dijon, on a les deux décisions de la Cour qui vont susciter des affaires toujours plus importantes par deux biais essentiellement : le recours en manquement qu'intentera la Commission contre les Etats et la question préjudicielle qui verra le juge national poser la question à la Cour, suite à la contestation par un opérateur économique d'une législation nationale. Le recours en manquement ne peut en aucun cas être actionné par un particulier : c'est la Commission qui, très généralement, après avis motivé, saisi la Cour pour manquement mais cela peut être également un Etat.

        2) Les Différents Modes de Raisonnement
   
    On a 3 modes de raisonnement et la jurisprudence va être très imprévisible, relativement instable. La jurisprudence relative aux MEE est une source d'incertitude assez grande pour les opérateurs économiques.

1è temps. Conception très vaste. Toute réglementation peut tomber sous le coup de l'article 28. Au début, la CJCE a eu tendance à considérer que toute réglementation susceptible d'influencer l'offre ou la demande sur un produit était contestable sur la base des articles 28 et 29. Elle a eu tendance à considérer que l'effet négatif d'une réglementation sur les échanges n'avait pas à être démontrée. On suit là Dassonville : la Cour a dit que la mesure pouvait entraver, même potentiellement, le commerce. Même un effet potentiel est réprimé dans ce premier mouvement : l'opérateur n'a pas à apporter la preuve de l'effet restrictif. Au delà, la Cour a pu estimer, en admettant que cet effet existe, il peut être négligeable. Elle s'est refusée à poser un seuil minimum dans le cadre de la libre circulation des marchandises.
CJCE 1993 Yves Rocher. On part du principe qu'à partir du moment où l'introduction ou la commercialisation de produits importés est plus difficile, on sera dans le champ de l'article 28. Cela ne signifie pas que la mesure sera systématiquement prohibée et condamnée par la Cour. La définition est vaste et permet d'englober une série de mesures dans le champ d'application de l'article 28.
Toutes ces mesures sont soumises à la Cour.

2è temps. La Cour va appliquer un test de proportionnalité pour savoir si oui ou non, ces mesures doivent être condamnées ou maintenues. Elle a également estimé que certaines mesures nationales ne tombaient sous le coup de l'article 28 parce qu' « elles n'entretenaient pas de liens suffisants avec les échanges ».  C'était la première expression utilisée.
CJCE 1982. L'interdiction de la consommation et de la vente d'alcool dans des lieux publics ne tombaient pas nécessairement sous le coup de l'article 28, sur cette raison de lien suffisant avec les échanges.  Plus récemment, la Cour a utilisé le même argument mais en changeant ses termes ; elle a pu écarter la qualification de MEE lorsque « les effets restrictifs de la mesure sont trop indirectes et aléatoires ». Exemple. La Cour a utilisé pour la première fois cette jurisprudence en 1990 dans Krantz.
   
    Ce deuxième raisonnement est contradictoire avec le premier ; dans le 1er, la Cour adit qu'elle ne s'intéressait pas aux effets sur les échanges. Dans ce deuxième raisonnement, la Cour écarte la notion de MEE lorsque l'effet (Elle s'intéresse à l'effet) est trop indirect ou trop aléatoire. Ce que l'on cherche est la prévisibilité des décisions, or la notion de « liens directs » ou de « liens suffisants » est imprécise.

3è temps. 3è mode de raisonnement qui constitue un revirement de jurisprudence.
CJCE 24 novembre 1993 Keck et Mithouard. Entre 1979 et 1993, la Cour a développé son premier mode de raisonnement qui est une conception très large des MEE et elle avait été critiquée par les Etats d'abord qui estiment qu'avec une jurisprudence, on ne peut maintenir aucune réglementation et critiquée également du fait d'une stratégie judiciaire car, par ce mouvement, elle a suscité un contentieux tellement important qu'elle est débordée d'un point de vue procédural en 1993 par le contentieux. Ce revirement n'est pas prioritairement motivé par les éléments de la définition juridique de la MEE. Ce sont plutôt des questions procédurales et économiques : elle veut refermer la boîte de Pandore qu'elle a ouvre. Elle va préciser, dans cet arrêt, la sphère des mesures illégales en restreignant leur champ. Elle va ébalir une distinction par rapport à Cassis de Dijon et à Dassonville entre :
    > Les mesures qui sont relatives aux caractéristiques des produits et tombent sous le coup de l'article 28
    > Les mesures établissant ou qui ont pour objet d'établir des modalités de ventes, ces mesures étant considérées comme compatibles avec l'article 28 du traité à deux conditions  : que ces modalités de vente s'appliquent à tous les opérateurs concernés exerçant leurs activités sur le territoire national et que la mesure en question affecte de la même manière, en droit et en fait, la commercialisation des produits nationaux et des produits importés.

Mardi 16 Novembre 2010.
    En 1993, la CJCE va introduire une nouvelle distinction par rapport à ses jurisprudences Dassonville et Cassis : il faudra rechercher si la mesure en cause porte sur les caractéristiques du produit et auquel cas, elle tombera dans le champ d'application de l'article 28 des mesures qui portent sur les modalités de ventes, exclues de l'application de l'article 28 à deux conditions (Il faudra que la législation s'applique à tous les opérateurs concernés exerçant leurs activités sur le territoire national et qu'elles affectent en droit comme en fait la commercialisation des produits nationaux sur les Etats membres). La CJCE a l'honnêteté de dire dans son arrêt Keck que c'est parce qu'elle est trop saisie de plaintes et de contentieux relatifs à la notion de mesures d'effet équivalent qu'elle envisage un revirement de jurisprudence. Du coup, comme le souci de la Cour est manifestement une augmentation considérable du contentieux, l'objectif était une simplification de la jurisprudence, une prévisibilité de nature à diminuer ce contentieux et une jurisprudence qui serait nettement plus lisible.

    Cela ne s'est pas passé ainsi. Après 1993, on a eu beaucoup de décisions qui ne sont pas toujours très cohérentes dont il a été difficile de dégager une logique.

    B) Les problèmes posés par la nouvelle approche judiciaire des MEE

     On peut distinguer trois types de problèmes différents posés par l'arrêt Keck et Mithouard bien ancrés par la doctrine. Arrêt très critiqué par la doctrine.
1/ La CJCE pose la distinction entre caractéristique et modalité ; les mesures qui concerneront certaines modalités de vente seront exclues du champ d'application de l'article 28. Cette notion de modalité de vente est difficile à cerner. On sait que la revente à perte est une modalité de vente mais la CJCE ne donne pas d'autres exemples, de critères permettant de définir ce qu'est une modalité de vente à son sens. Enfin, que se passe t'il pour d'autres modalités ? Certaines seront exclues du champ d'application, d'autres en font manifestement parties et on en sait pas lesquelles. Il a fallu attendre les prises de position pour avoir des précisions sur cette notion. On sait aujourd'hui que l'interdiction de vente de produits pharmaceutiques en dehors d'une officine est indéniablement une modalité de vente ; toutes les règlementations nationales qui vont restreindre le travail dominical s'apparentent aussi à des modalités de vente.
CJCE Hünermund 1993. Interdiction de vente des produits pharmaceutiques.
CJCE Semeraro Cassa Uno. Relatif au travail dominical. La CJCE ne prend pas position sur la question de savoir si la position est une modalité de vente.
CJCE Ligur Carni 15 décembre 1993. Dans cet arrêt est contestée une obligation posée aux opérateurs économiques qui souhaitent importer de la viande dans une commune italienne. Obligation est faite par ces importateurs de passer par l'abattoir communal pour confier le transport et la livraison de la viande à une entreprise locale. Le droit italien pose pour principe que tous les importateurs devront passer par cet abattoir communal dans le cadre du transport de la ville. On aurait attendu que la Cour fasse usage de son nouveau raisonnement ; or, elle n'en parle absolument pas alors même que manifestement dans ce cas, la question du transport et du stockage de la viande relevaient, pour nombre de commandateurs, des modalités de vente au sens de Keck. Or la Cour ne précise rien sur les modalités,elle fait comme si sa jurisprudence n'existait pas. On a un nouveau raisonnement mais parfois, devant la difficulté à faire entrer telle mesure dans telle case, la Cour ne fait pas mesure de son propre raisonnement.

2/ Conséquence du 1er. Cette distinction posée entre caractéristiques et modalités, comme toute distinction, il y a des cas limites. Il va y avoir des règlementations dont on ne sait pas si elle relève plutôt des caractéristiques ou plutôt des modalités. Si c'est une caractéristique, ce sera qualifié de MEE et éventuellement justifiée par certaines raisons. Si c'est une modalité, il faudra vérifier d'autres conditions et cela pourra échapper à cette qualification.
Exemple. Cas de la publicité. Le fait de faire une campagne publicitaire, de mettre un slogan sur un produit, on peut considérer que c'est une modalité de vente. Cela permet la promotion du produit, pousser à sa vente. Cela pourrait toucher le domaine de la modalité de vente. On peut, en fonction de la manière dont est conçue la publicité, qu'elle relève de la caractéristique du produit. Dans certains cas, la publicité fera partie intégrante du produit en lui-même et ne sera pas externe au produit. Des exemples dans la jurisprudence illustrent ces difficultés.
CJCE Mars 1995. La CJCE devait statuer sur la question suivante : dans la barre chocolatée Mars, il y a un encart qui affirme « + 10% ». Cet encart a été interdit dans certaines législations nationales car, au nom de la protection du consommateur, cet encart était trompeur car on ne savait pas à quoi correspondait ces « +10% ». Les opérateurs économiques ont cherché à contester l'interdiction en disant que cette interdiction, ne par ses effets sur les échanges intracommunautaires, être une MEE. La CJCE hésite vraiment parce que dans des arrêts antérieurs, elle a clairement dit que tout ce qui était publicitaires, slogans, campagnes, panneaux publicitaires relevaient de la modalité de vente. Or là, le « +10% » fait partie intégrante de la barre de Mars et la Cour n'arrive pas à considérer que cette interdiction ne touche pas au produit en lui-même. Finalement, la Cour conclue à l'applicabilité de l'article 28 alors même qu'il s'agit bien d'un effet publicitaire. On a un exemple de la difficulté qu'éprouve la Cour à appliquer sa propre jurisprudence.

3/ Le plus important. Dans Keck et Mithouard, la Cour va introduire une notion qui n'existait pas avant. C'est la notion de discrimination. Jusqu'en en 1993, toute mesure qui entrave, même potentiellement, les échanges intracommunautaires, même si cette mesure est indistinctement applicable au produit, elle peut être une MEE (Dassonville, Cassis de Dijon). Depuis 1993, la Cour dit que cela ne suffit plus et, quand cela touche les modalités de vente, il y aura des cas où la Cour devra rechercher un élément supplémentaire avant de condamner. Elle regardera si la mesure a une finalité discriminatoire. En introduisant la notion de discrimination, la Cour se complique elle-même la tâche car il va falloir qu'elle détermine si la mesure est discriminatoire ou pas. Comme en plus, la Cour dit que cela peut être une discrimination de droit ou de fait, cela signifie que la Cour devra faire une analyse de certaines données économiques pour juger de la discrimination de fait. Est-ce que la mesure a eu pour effet de restreindre les importations en provenance de tel pays ? C'est très compliqué car, en revenant à l'introduction générale du cours, la plupart des litiges portés devant la Cour étaient portés via question préjudicielle et c'est le juge interne qui a les éléments de fait qui lui permettent de mesurer ce type de discrimination. 

Deux conséquences.
    Dans de très nombreux arrêts, la Cour va renvoyer la question au juge national et le fait très souvent.
CJCE 1997 De Agostini. Il s'agissait d'une législation suédoise qui interdisait des publicités télévisées visant des enfants de moins de 12 ans. On est dans un cas où manifestement l'interdiction totale de la publicité vers ce public particulier était une mesure susceptible d'avoir un impact sur l'importation de produits en provenance d'autres Etats membres mais les difficultés à établir l'existence de la discrimination, la Cour va renvoyer la question au juge national.
CJCE 13 janvier 2000 Heimdienst//Schutzverband. Le règlement autrichien contesté prévoit que pour qu'un commerçant puisse pratiquer la vente ambulante de certains produits, il doit avoir un établissement fixe de nature commerciale pour tenir dans la même circonscription où il compte faire de la vente ambulante. La CJCE va appliquer la jurisprudence Keck en estimant que la mesure est plutôt relative à une modalité de vente (Ne porte pas sur la caractéristique du produit). Sur la question de la discrimination, la CJCE estime de manière très critiquable que la mesure en cause n'affecte pas de la même manière la commercialisation des produits nationaux et des produits importés, en provenant d'autres Etats membres. La CJCE va conclure au caractère discriminatoire de la mesure : même si c'est une modalité de vente, elle sera interdite par le traité et donc prohibée. La Cour se démarque des conclusions de son avocat général qui relevait que la mesure était indistinctement applicable et que les commerçants établis dans des Etats limitrophes à l'Autriche pouvaient pratiquer la vente ambulante dans les mêmes conditions que les vendeurs autrichiens. La CJCE relève bien que ces deux conditions sont remplies ; elle mesure donc que les deux conditions posées (Egalité d'accès au territoire concernée ; non discrimination en droit comme en fait) sont remplies mais elle conclue au caractère discriminatoire de la mesure malgré tout car la mesure gène d'avantage l'accès au marché des produits en provenant d'autres Etats membres que des produits nationaux. Pour parvenir à cette conclusion, elle passe par des chemins tortueux : il n'y a pas de discrimination globale mais il peut y avoir discrimination sur certaines régions précises car dans le cas des régions qui ne sont pas limitrophes avec d'autres Etats, les opérateurs non autrichiens ont un accès plus difficile au marché national. La Cour ne peut apprécier la discrimination de manière globale.

    La jurisprudence Keck a amené tellement de problèmes et on a beaucoup glosé sur l'intérêt de cette distinction, sachant qu'aujourd'hui cette jurisprudence est toujours pertinente dans les arrêts de la Cour qui se réfère à la distinction entre caractéristique et modalité. En fait, elle a été plus ou moins obligée de revenir au critère posé auparavant, à savoir celui de l'effet  l'actuel ou potentiel sur la libre circulation des marchandises.

Conclusion. Malgré cette nouvelle distinction, on constate une tentative de la CJCE d'élargir la notion de MEE et donc l'applicabilité de l'article 28. Elle ne le fait plus comme avant en considérant comme, potentiellement, toute mesure est susceptible d'entraver le commerce car il y a eu Keck et Mithouard qui a tempéré ce raisonnement. Elle le fait de deux manières :
    > La CJCE a tendance à évacuer la question du rattachement à l'ordre juridique communautaire. Cette question du rattachement est une condition d'application de ce droit ; c'est l'élément d'extranéité qui permet l'application du droit communautaire.
    > Dans la libre circulation des marchandises, cet élément n'est plus pertinente. Dans les arrêts Lancri, la Cour n'a pas hésité à appliquer le droit communautaire dans des situations où il n'y avait pas d'implication des frontières nationales. La CJCE a utilisé les mêmes arguments.
CJCE 2000 Guimont. Réglementation française contestée par un opérateur économique contestant certaines dispositions règlementaires françaises qui définissent l'emmenthal et posent certaines caractéristiques à ce produit. Le gouvernement français, dans le cadre de la procédure préjudicielle, estime que la Cour n'a pas à se prononcer sur la question de fond parce que dans le cas d'espèce, l'opérateur économique qui conteste la mesure est de nationalité française, le produit en cause a été entièrement fabriqué sur le territoire français et, en plus, Mr Guimont a soulevé la question de l'applicabilité de l'article 28 dans le cadre d'une procédure pénale où il se trouvait condamné pour la France pour avoir contrevenu aux dispositions du Code. Tous les éléments du litige sont cantonnés à l'intérieur d'un seul Etat membre, à savoir la France. La CJCE va se considérer compétente pour s'exprimer dans le cadre de la question préjudicielle même si elle admet que la situation n'a pas de lien direct avec l'importation ou l'exportation de marchandises dans le commerce intracommunautaire. C'est dans le cadre de la procédure préjudicielle ; que ce soit le cas d'une procédure interne, ne l'empêche pas de répondre à la question parce qu'elle ne peut rejeter une demande formée par une juridiction nationale que s'il apparaît que l'interprétation qui est sollicitée du droit communautaire n'a aucun rapport avec la réalité ou l'objet du litige principal.

    On vise une réglementation nationale. Peu à peu, la Cour est venue à qualifier de MEE des actes dont l'origine nationale peut paraître de plus en plu contestables.
CJCE 1997 Arrêt des fraises. Concernant des agissements d' agriculteurs en colère qui, pour protester contre la hausse du prix des fraises et des conditions de production de plus en plus difficiles, ces agriculteurs avaient saccagé des dizaines de cageots de fraises dans le cheminement de ces marchandises entre l'Espagne et la France. On est dans le cadre d'agissements privés ayant eu , sur la libre circulation des marchandises, pour effet que le transport de ces marchandises s'est mis en danger par ces agissements. La France plaide sa non responsabilité du fait qu'elle n'a émis aucune réglementation commerciale visant à restreindre les importations et les exportations de fraises sur son territoire ; on est en dehors de la définition de la MEE.
Pour la CJCE, la France aurait mettre tout en oeuvre pour protéger l'acheminement de ces marchandises d'un point communautaire à un autre. La France ne pouvait pas ne pas savoir, avec le climat social troublé, que pouvaient se poser des problèmes et la France aurait du veiller au bon acheminement de ces marchandises, comportement que la CJCE attendait. C'est une simple abstention ; que la France ait omis de faire quelque chose se trouve qualifier de MEE. Ceci est une extension impressionnante de la définition de la MEE ; elle vient contrebalancer avec les tentatives de la Cour vienne limite entre sa distinction caractéristiques//modalités le champ d'application de l'article 28.
Chapitre II – Les Justifications Des Entraves à la Libre Circulations
Des Marchandises


    On se situe dans le 2è temps du raisonnement. Même si c'est une MEE, il peut y avoir des raisons qui justifient le maintien de cette MEE. C'est la panoplie des raisons impérieuses que les Etats peuvent invoquer.

Lundi 22 Novembre 2010
Ces justifications ne concernent que les entraves non tarifaires cad les MEE et les restrictions quantitatives. On a des justifications prévues textuellement par le traité dites justifications expresses et explicites ou encore conventionnelles car fondées sur le TCE (section 1) ainsi que les dérogations jurisprudentielles puisqu'à partir d'un certain moment, la Cour a posé de nouvelles formes de dérogations, de nouvelles exigences qui n'étaient pas expressément prévues par le traité (section 2).

Section 1. Les Dérogations Fondées sur le Traité
    A) Les Dérogations fondées sur l'article 36
    Dans le TCE, c était l'article 36 ; dans les traités ultérieurs, c'était le 30 et puis, à partir du TFUE, c'est redevenu l'article 36. « Toute mesure relative aux MEE ou aux restrictions quantitatives, qui vont donc interdire les restrictions quantitatives, ne fait pas obstacle à des interdictions ou des restrictions d'importation qui vont être justifiées par des raisons de moralité publique, d'ordre publique, de sécurité publique, de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux, de protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique ou de la protection industrielle et commerciale ». Cet article 36 permet de déroger au principe d'interdiction posé précédemment pour des raisons identifiées. Protection des intérêts nationaux que l'Etat pourra invoquer valablement pour justifier sa mesure. La réserve de souveraineté vise des domaines ou des situations qui relèveront d'une compétence nationale exclusive. Les Etats, lorsqu'ils ont négocié le traité, ont entendu cette disposition de l'article 36 comme une réserve de souveraineté : certains domaines où la Communauté n'aurait rien à dire. L'Etat invoque son intérêt national et la Communauté prend acte. Globalement, la Cour n'admet pas (Position constante) le principe même de la réserve de souveraineté. Certes, il y a une possibilité pour l'Etat de justifier sa mesure mais, en aucun cas, cela n'a comme conséquence d'exclure toute possibilité pour les institutions communautaires d'agir ou de se prononcer. Raisonnement tenu au sujet de l'ordre public et des personnes : cette dérogation est strictement encadrée dans l'ordre juridique communautaire. La CJCE a donc quelque chose à dire sur ce que les Etats considèrent comme une réserve de souveraineté. Dès l'arrêt Simmenthal (Primauté du droit communautaire), la Cour a bien posé ce principe au sujet de la libre circulation des marchandises en disant que les Etats peuvent déroger au traité mais cela n'équivaut pas à une liberté totale de l'Etat. D'un point de vue théorique, ce raisonnement montre que dans l'ordre juridique de l'UE, la question de la souveraineté de l'Etat doit être complètement repensée ; ce genre de raisonnement implique que l'on pense différemment la souveraineté de l'Etat car il n'y aurait pas de domaine où l'institution de la Cour n'aurait pas son mot à dire. La Cour s'est reconnue le droit, dans le cadre de la libre circulation des marchandises, d'apprécier la comptabilité avec le traité du recours des Etats membres à cette disposition. La Cour s'est appuyée sur le texte du traité lui-même puisque l'article 36 précise que ces interdictions ou restrictions ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire,  ni une restriction déguisée dans le commerce entre les Etats membres. Il y aura donc un contrôle des mesures étatiques.

CJCE Nenn et Darby 1979. Contrôle des mesures étatiques. La CJCE s'est prononcée sur l'article 36 en estimant que la seconde phrase de l'article 36 avait pour but d'empêcher que les restrictions aux échanges, fondées sur des motifs énoncés dans le début de l'article, ne soient détournées de leurs fins et utilisées par les Etats pour établir des discriminations à l'égard de marchandises originaires d'autres Etats membres. C'est la ligne directrice du raisonnement de la Cour : ok pour la justification à condition que sa finalité ne soit pas de rétablir une autre discrimination.

Exemples. CJCE 1982 Commission c/ Royaume-Uni. La CJCE devait se prononcer sur une mesure britannique qui s'inscrivait dans le cadre d'une politique sanitaire ayant pour conséquence de restreindre de manière très importante les importations de volailles en provenance d'autres Etats membres. Dans le premier temps de son raisonnement, la Cour considère qu'il s'agit d'une MEE mais le Royaume-Uni invoquait, sans contester que c'était une MEE, que celle-ci était nécessaire au titre de la justification de l'article 36 et de la protection de la santé.
La CJCE va replacer la mesure dans l'ensemble de la politique menée par le Royaume-Uni et considérer que la mesure ne répond pas à la condition posée par la deuxième phrase de l'article 36. Après un examen de la politique sanitaire, elle estime que certains faits établis portent à croire que l'objet véritable des mesures était de bloquer, pour des raisons commerciales, les importations en provenance d'autres Etats membres. Elle note que toute la politique a été mise en place suite à des pressions importantes exercées par les producteurs de volailles britanniques pour bloquer les importations.  Elle note également que la politique a été mise en place de façon très rapide, très précipitée qui ne ressemble pas à une politique pensée et réfléchie dans le cadre d'une action sanitaire. Le Royaume-Uni a voulu réagir économiquement et commercialement pour exclure à une période donnée certaines volailles en provenance d'autres Etats membres. Affaire des dindes.

CJCE 1986 Commission c/Italie. De plus, la CJCE juge toujours que, pour être fondée et recevable, la justification invoquée par l'Etat doit viser des hypothèses de nature non économiques et qui ne sont pas susceptibles de porter atteintes aux principes posés par les articles du traité. L'article 36 ne pourra justifier une mesure qui va poursuivre des objectifs d'ordre économique même si c'est dans le cadre d'une politique globale (Ici politique de recherche et de développement). La CJCE a condamné une aide financière accordée aux entreprises municipales de transport à condition qu'elles achètent des véhicules de production nationale.

CJCE 1987 Openbaar Ministerie. On ne saurait exclure l'application de l'art 36 du seul fait que la réglementation en cause permet également d'atteindre des objectifs de nature économique. Une réglementation nationale ne saurait être condamnée uniquement du fait qu'elle poursuit également des objectifs de nature économique : l'objectif de nature économique peut être subsidiaire, peut être avancé à l'appui d'autres justifications si ce n'est pas la justification principale, elle pourra être admise.

    Les dérogations qu'autorisent l'article 36 ne conçuent que comme des dérogations temporaires ; l'Etat peut invoquer son intérêt national tant qu'il n'y aurait pas eu harmonisation  en la matière. Au fur et à mesure que l'harmonisation des législations s'intensifient et que la disparité des législations nationales s'atténue, les législations sont de moins en moins divergentes et l'Etat aura de moins en moins d'espace pour invoquer son intérêt national. Dès lors qu'une directive d'harmonisation a été adoptée, l'article 36 ne peut plus être invoqué pour des restrictions textuelles quantitatives. Interprétation stricte de l'article 36 car dérogation à un principe fondamental et toujours à l'aune du principe de proportionnalité.

CJCE Commission c/ Italie 1968. Les énumérations de l'article 36 constituent une liste limitative : aucun argument que ceux de l'article 36 ne peuvent être valablement invoqués. Ceci est contradictoire avec ce qui s'est déroulée par la suite et la Cour n'a pas suivi sa ligne en ajoutant des justifications possibles. Les Etats ne peuvent invoquer de nouveaux arguments mais la Cour peut, quand elle le souhaite et l'estime fondé, consacrer de nouvelles justifications.

Triptyque d'exemples. Exception de moralité publique ; Ordre publique ; Sécurité Publique. La justification de l'ordre public permet de la protection d'intérêts essentiels de l'Etat.
CJCE Thomson 1978. Affaire relative à l'interdiction de détruire des pièces de monnaie qui n'avaient plus cour légal et l'interdiction visait l'exportation de ces pièces de monnaies. L'Etat avait institué une interdiction très générale visant à empêcher l'exportation des pièces de monnaie sur le territoire communautaire. Cette mesure est contraire à l'article 29 sur les restrictions quantitatives à l'importation, aujourd'hui article 35 TFUE. La CJCE a estimé que cette interdiction d'exportation pouvait être justifiée parce que « l' interdiction touche à la protection du droit de frappe ou droit de battre monnaie traditionnellement constitué considéré comme mettant en cause les intérêts essentiels de l'Etat ». Le critère retenu est la protection de l'intérêt essentiel de l'Etat.
La Cour a tout à fait admis qu'elle pouvait admettre des restrictions à la libre circulation des marchandises à partir du moment où l'Etat arrivait à convaincre la Cour qu'il s'agissait pour lui de protéger un intérêt essentiel .

    La CJCE ne prononce jamais le terme « souveraineté ». Sur la même question, une juridiction internationale aurait utilisé le terme de droit souverain ou de manifestation de la souveraineté de l'Etat car battre monnaie est une marque de la souveraineté. Elle aboutit au même réserve : il ne s'agit pas d'une réserve de souveraineté mais un intérêt essentiel que l'Etat a bon droit de protéger. On retrouve l'intérêt essentiel dans la notion de sécurité publique ; elle est moins souvent invoquée, cette notion a été invoquée pour justifier des différences de traitement fondées sur l'origine des produits pétroliers.  L'Etat, dans cette affaire, invoquait la sécurité publique puisque la discrimination était justifiée par le fait qu'il fallait assurer un approvisionnement minimal de l'Etat en produits pétroliers.
CJCE 1984 Campus Oil. La CJCE a considéré que la restriction qui en résultait, pour la libre circulation des marchandises, était justifiée. Elle a tenue compte de la catastrophe qui pourrait résulter, pour un Etat, pour son existence, son fonctionnement, d'une interruption de la approvisionnement en produits pétroliers. On a remarqué 2 choses : la CJCE admet la justification en mettant en avant le coté complètement exceptionnel de la situation, elle montre que la rupture d'approvisionnement aurait des conséquences très graves sur les institutions, services publics essentielles (vocabulaire très grave) et pour la survie de la population. C'est l'un des premiers arrêts où la Cour va parler du service public et met en balance une mesure qui met clairement  est une atteinte à la liberté fondamentale qu'est la libre circulation et le fonctionnement du service public où lequel on a remarque l'insistance et l'attention que marquait la Cour.

    C'est en réalité sur la justification sur la moralité publique qu'on a la jurisprudence la plus consistante. Affaire sur la législation britannique sur l'importation de produits pornographiques. CJCE Nenn et Darby 1979. Dans cet arrêt, la CJCE admet que l'interdiction d'importer ces produits était évidemment contraire à l'article 28 du traité parce qu'elle affecte la libre circulation des marchandises. En revanche, la CJCE admet que cette mesure peut être justifiée par l'Etat au titre de l'article 30, dorénavant 36, au titre de la moralité publique. L'Etat entend protéger son marché nationale mais la CJCE admet, en 1979, la recevabilité de la justification britannique. L'affaire va rebondir sur des éléments comparables.
Le Royaume-Uni va instaurer d'autres mesures en invoquant la moralité publique et cela va donner lieu à d'autres décisions de la CJCE.
CJCE 1986 Congate. Affaire des poupées gonflables. La CJCE estime qu'il ne faut pas exagérer, ce lot de poupées gonflables dont on a interdit l'importation, fait clairement l'objet d'une discrimination par le Royaume-Uni puisque dans le cas d'espèce, des produits tout à fait similaires étaient fabriqués et commercialisés légalement au Royaume-Uni. La CJCE a clairement considéré qu'il y avait discrimination à l'égard des autres Etats membres.

La protection de la propriété industrielle et commerciale. Dans cette dernière dérogation, on a clairement une dimension économique. C'est surprenant car la CJCE précise bien que les dérogations ne peuvent être admises que si elles servent des motifs non économiques.  On est un peu étonné de voir le traité mentionner expressément la protection d'un domaine économique et on ne voit pas vraiment comme l'Etat peut invoquer cette disposition sans contrevenir aux règles que la CJCE a elle-même posé. On a voulu créer une protection spécifique pour garantir la créativité des inventeurs et auteurs ; au niveau communautaire, on a voulu protéger la propriété intellectuelle ainsi que la qualité des produits dans le marché commun alors même que cette protection est assurée au niveau national. On est dans une situation étrange où la protection des droits de propriété intellectuelle demeure, pour l'essentiel, de la compétence des Etats et cette protection est limitée au territoire de chacun des Etats mais il va y avoir des cas où on va avoir une protection communautaire.

Exemple, le droit des marques. Depuis 1994, date d'entrée en vigueur d'un règlement communautaire, les marques font l'objet d'une protection spécifiquement communautaire.
Hormis cette exception, dans les autres cas, la protection des droits de propriété industrielle et commerciale dans chacun des Etats peut provoquer un cloisonnement des marchés nationaux. On a des potentialités de conflits très grandes entre l'exigence de libre circulation  du produit et les intérêts du titulaire du droit de propriété qui sont dignes de protection. C'est cette situation particulière qui explique la dérogation de l'article 36 sur la propriété industrielle et commerciale.
CJCE 10 octobre 1978 Centrapharm ; CJCE Hoffman-Laroche 1978 . La CJCE a posé une interprétation stricte ; « les dérogations à la libre circulation des marchandises ne peuvent admises que dans la mesure où elles sont justifiées par la sauvegarde des droits qui constituent l'objet spécifique de la propriété industrielle et commerciale ». Pour savoir et déterminer qu'une dérogation est justifiée à ce titre, il faut connaître l'objet spécifique de la propriété intellectuelle en cause. Il y a des cas où cet objet spécifique est simple déterminer : cela peut être d'assurer à son titulaire le droit exclusif d'utiliser une invention  en vue de la fabrication et de la première mise en circulation de produits industriels. Cela peut être aussi le droit de s'opposer à toute contrefaçon.

Règlement communautaire sur le droit des marques et toute la jurisprudence est fondée sur la protection de la fonction de la marque. D'après la Cour, cette fonction est de permettre à une entreprise de s'attacher une clientèle, de fidéliser une clientèle par la qualité de ses produits ou du service qu'elle fournit.  Pour garantir que cette fonction de la marque soit assurée, la marque doit garantir que tous les produits qui portent la marque soient fabriqués sous le contrôle d'une entreprise unique à laquelle peut être attribuée la responsabilité de la qualité. De ce fait, le droit des marques a un objet spécifique qui est de protégé le droit de la marque contre les risques de confusions qui pourrait permettre à des tiers (Opérateurs non titulaires de la marque) de tirer,d e manière abusive, partie de la réputation du produit. Permet à la CJCE d'appuyer le raisonnement de l'Etat afin de restreindre les droits des autres auteurs, restreindre la circulation d'autres produits au nom de la protection de la marque qui justifie aujourd'hui qu'une entreprise s'oppose à la commercialisation dans une Etat dans lequel elle va bénéficier d'une protection de la marque ; l'entreprise peut s'opposer à la commercialisation de produits similaires aux siens même si ces produits ont été fabriqués et commercialisés régulièrement dans un autre Etat membre, sous une marque distincte mais susceptible de donner lieu à confusion pour le consommateur.
CJCE Terrapin et TerraNova 22 juin 1976.

Mardi 23 Novembre 2010.
    La protection des droits qui constituent l'objet spécifique du droit de propriété entraîne l'application de la règle de l'épuisement des droits signifiant que le monopole qui est reconnu par la loi s'épuise au premier acte de commercialisation du produit. Après cette première commercialisation du produit, par la suite, le titulaire du produit, qui a été jusque là protégé, ne peut plus s'opposer à ce que le produit soit importé puis commercialisé dans un autre Etat membre par un tiers. Une fois que le monopole a été épuisé une première fois, les marchés sont décloisonnés et le produit perd la protection dont il jouissait jusqu' alors. Le but de cette règle est d'éviter que les titulaires des droits puissent cloisonner les différents marchés, ce qui favoriserait le maintien de différences de prix importantes entre les marchés nationaux. L'exigence de la protection de la propriété industrielle et commerciale va céder face à la nécessité de décloisonner les marchés.

    Pour le droit des marques, il y a un seule tempérament à la règle de l'épuisement des droits et le titulaire d'un droit de marque peut s'opposer à la commercialisation ultérieure de son produit lorsqu'il existe, dit le droit communautaire, un motif légitime. On a cette exigence dans le droit dérivé et a été interprété par la Cour dans l'arrêt Hoffman-Laroche de 1978. Dans cet arrêt, la Cour a estimé que le titulaire du droit de marques peut se prévaloir d'un motif légitime pour empêcher un importateur de commercialiser un produit dans la circonstance où cet importateur a procédé au reconditionnement du produit dans un nouvel emballage sur lequel la marque a été réapposé. Le titulaire du droit, d'après cette affaire, ne perd pas tout contrôle sur le produit après sa première commercialisation. En l'occurence, le produit avait subi une première commercialisation : en principe, la règle de l'épuisement des droits aurait du s'appliquer. Il y a donc une protection spécifique du titulaire du droit mais cette exception à la libre circulation peut être écartée sous plusieurs conditions :
CJCE 1996 Bristol-Mayers. Synthèse de la jurisprudence de la Cour. Impossible d'utiliser la dérogation si
    > l'utilisation du droit de marque permet de cloisonner le marché
    > si l'état originaire du produit n'est pas affecté par le reconditionnement
    > si l'identité de l'auteur du reconditionnement est clairement indiquée
    > que la présentation du produit ne nuise pas à la réputation de la marque, ni à l'identité de son titulaires   
    > l'importateur doit avertir le titulaire de la marque préalablement à la vente du produit et si le titulaire en fait la demande, il doit lui fournir une exemplaire du produit reconditionné

    Une protection trop poussée de la propriété intellectuelle a des effets très importants sur les cloisonnement des marchés, ce qui explique l'importance du contentieux et la subtilité des solutions retenues par la cour en la matière.

        B)  Les Dérogations résultant de l'Acte unique européen

    Dérogations instaurées en 1985, entrées en vigueur en 1986 quand l'Acte Unique Européen a été adopté. L'Acte Unique est un traité qui fait partie du droit primaire de l'UE et dans le domaine présent de la libre circulation des marchandises, il est un traité qui donne un coup d'accélérateur au marché intérieur en prévoyant de nouvelles procédures d'unification des marchés et en donnant une date, en fixant aux acteurs de l'ordre juridique communautaire, butoir qui va résonner comme une date symbolique très importante. C'est l'échéance de 1992 : au 1er janvier 1992 sera réalisé le Grand Marché Unique Européen.

    Cet Acte unique va instaurer une nouvelle procédure : on va y voir les premières procédures d'harmonisation des législations qui permettent d'associer étroitement le Parlement européen à la procédure et on va admettre dans certains cas que la procédure puisse se dérouler dans l'exigence d'unanimité. Les §4 et 5 de l'article 100 A de l'Acte unique européen sont ces tempéraments que les Etats ont réussi à inscrire dans le traité. Ces § permettaient à un Etat de se dispenser de la mesure d'harmonisation en invoquant toute une série de raisons qui, dans la version originaire de l'article 100 A, rappelaient fortement l'article 36 dont on vient de parler plus haut. Les dérogations énoncés à l' article 36 formaient, selon la Cour, une liste exhaustive et qu'il n'était pas question d' ajouter au coup par coup de nouvelles dérogations. Tout est dit dans le traité. Cet article 100A  a été beaucoup critiqué mais est resté dans les traités ultérieurs ; il s'agit de l'article 114 du TFUE qui dit qu'un Etat membre peut maintenir ou introduire une législation ou une règlementation, quelqu' elle soit, qui est fondée sur des exigences importantes prévus à l'article 36 du traité ou des exigences relatives à la protection du milieu du travail ou protection de l'environnement. Quand il le fait, il doit les motiver et les notifier par la suite à la Commission Européenne qui juge de leur légalité et de leur conformité au droit communautaire et peut, si elle le souhaite, engager un recours en manquement contre l'Etat si elle estime qu'il y a une atteinte disproportionnée à leur libre circulation.

    Deuxième situation dans le §10 de l'article, une situation particulière est ouverte : les Etats peuvent invoquer, dans leur souci de protéger certains intérêts nationaux, une ou plusieurs raisons « non économiques » visées à l'article 30. Dans ce ca,s il faut que les mesures soient provisoires et soumises à une procédure communautaire de contrôle.

    On a donc deux dérogations parallèles qui posent plusieurs dérogations différentes. De plus, quand on est dans l'harmonisation,  quand il y a une mesure d'harmonisation (Généralement une directive qui vient rapprocher les législations nationales dans un domaine donné) qui a été adoptée au sein du Conseil, il n'est plus possible, comme l'a rappelé la Cour, de faire valoir une quelconque dérogation. Il résulte de nombreuses jurisprudences de la Cour depuis 1981 : quand les Etats se sont mis d'accord entre eux, ils ne peuvent plus déroger à la libre circulation. Confirmé ceci dans le TFUE marque une contradiction avec la jurisprudence passée de la CJCE. Cela n'a rien de juridiquement choquant : la jurisprudence de la Cour peut être invalidée par une révision des traités, donc du droit primaire.

Section 2. Les Dérogations jurisprudentielles.
    A) Les Consécrations des exigences impératives d'intérêt général

CJCE Cassis de Dijon 1979. La Cour va poser une nouvelle notion. Elle va d'abord estimer qu'il n'est pas nécessaire d'harmoniser pour que l'on puisse qualifier une mesure de MEE. Elle va ensuite apporter un tempérament au principe de reconnaissance mutuelle en disant que les obstacles à la circulation intracommunautaire résultant des disparités des législations nationales ne peuvent être acceptées que « s'ils sont nécessaires pour satisfaire à des exigences impératives d'intérêt général tenant notamment à la protection de la santé publique, l'efficacité des contrôles fiscaux, à la protection des consommateurs et à al loyauté des transactions commerciales ». Consécrations de nouvelles dérogations possibles : les obstacles pourront être tolérés s'ils répondent à ces exigences. Pour la Cour, cela signifie qu'il y a certains objectifs légitimes que les Etats peuvent souhaiter atteindre en maintenant certaines mesures qui sont clairement des obstacles à la libre circulation. La liste est limitative : permettre à un Etat de tirer des motifs de l'intérêt général sans qu'il puisse être limité dans cette invocation, la seule limite étant que l'Etat ne pourra pas invoquer des motifs de nature économique.

    Consécration de nouvelles consécrations possibles. Pour la Cour il y a certains objectifs légitimes que les états peuvent souhaiter atteindre en maintenant certaines mesures qui sont clairement des obstacles à la LC. La liste donnée par la Cour et elle est non limitative.Le raisonnement de la cour est de permettre à un état d'invoquer des motifs tirés de l'intérêt général sans qu'il puisse être limité dans cette invocation, la seule limite étant que l'état ne pourra pas invoquer des motifs de nature économique. À partir de cet arrêt dérogations très invoquées: protection des consommateurs: à partir du moment ou la cour à retenue protection des consommateurs comme exigence impérative: devenue la cause la plus souvent invoquée par les Etats.

CJCE 1980 Gilli  Les états ont sentis qu'il y avait matière à directive: 20 Mars 2000 : D qui vise tout ce qui faisait le gros du contentieux: étiquetage, emballage des produits. Fonction importante de cette directive. L'étiquetage ne doit pas induire en erreur le consommateur et que de ce fait la D fixe un certain nombre d'indications précises qui doivent obligatoirement figurer sur un emballage.
C'est depuis l'adoption de cette D que harmonisation au niveau européen de certains labels d'étiquetage, compo des produits, qualités... Le seul problème de cette directive: son adoption n'a pas complètement effacé tout les pb: ne règle pas les questions de responsabilité. Le problème c'est déplacé de l'exigence impérative à la question de la responsabilité.

    Souvent évoqué: la question de la santé. Au début bcp d'interrogation sur le fait que santé figure sur les exigences impérative car c'est aussi une dérogation qui résulte de l'article 36 du traité. Il se trouve que dans qques arrêts la cour a estimé qu'il s'agissait d'une exigence impérative. Depuis cassis de Dijon on à bcp d'exigences impératives consacrées: douzaines qui aux gré de la jurisprudence deviennent de nouvelles exigences impératives que les états peuvent invoquer:

> Protection de l'environnement : CJCE 1988 Comm vs Danemark et CJCE 1997 Bluhme
> Sauvegarde de la liberté d'expression: CJCE 1997 Familiapresse
> Défense de valeur culturelle et création cinématographique: CJCE 1985 Cinéthèque
dans cet arrêt la cour n'emploi pas l'expression mais le raisonnement de l'arrêt est le même car elle va admettre que l'objectif visé par la règlementation nationale est justifiée au regard du droit communautaire.
> Garantie de la sécurité routière: CJCE 2000 Sneller's Auto
> Lutte contre la criminalité: CJCE 2008 Comm vs Luxembourg

    Montre les nouvelles préoccupations qui peuvent être considérées comme centrales par le droit communautaire. Dans le meca des exigence impérative: c'est que cette fois ci c'est la cour qui va le faire et non pas les états. On est pas dans une logique purement étatique: contrairement à l'article 36 il ne s'agit pas uniquement par l'état de faire valoir un intérêt essentiel.

    La prévisibilité matière eco centrale pour les opérateur: pb à rendre quelque peu instable certaines solutions de la jurisp. Ceci étant on  a pu craindre effet pervers au début et o na malgré tout un recul suffisant pour voire que la cour n'a pas exagéré dans ce mvt jurisp car elle a posé des conditions qui restent prévisibles.

        B)  La coexistence des exigences impératives d'intérêt général et les dérogations énoncées à l'article 36 du TFUE

Comment organiser la coexistence de ces deux règles?
    Les 2 types de dérogations: le recours aux éxigences impératives pr justifier une mesure nationale est réservée aux mesures indistinctement applicables. La cour à dit que qd un état mbre prétend qu'il veut sauvegarder un intérêt national essentiel il ne peut pas sauvegarder cet intérêt en limitant son application aux importations venant de d'autres états mbres. Une règlementation national qui a un caractère clairement discriminatoire , cette règlementation ne peut trouver justification que dans l'article 36. La cour l'a dit en CJCE 1981 Comm vs Irlande

    Quand la cour va consacrer une exigence impérative le contrôle qu'elle va exercer ne se fait pas au mm moment que qd elle regarde l'art 36. arrêts tjs en 2 temps: regarde d'abord si il y a une MEE, si elle a conclu effectivement à l'existence d'une MEE, alors elle va regarder si celle ci est justifiable par une dérogation qui relève de l'article 36.  MEE est dans cette hypothèse primairement contraire au droit communautaire.
Dans le cas ou exigence impérative, la cour va examiner l'exigence impérative en mm tps qu'elle va qualifier la mesure. C'est dans le premier temps de son raisonnement que la cour regarde si elle répond à une exigence impérative. Dans ce deuxième cas la mesure est réputée licite.
Dans le premier cas la dérogation joue comme une excuse absolutoire alors que dans le second cas on est face à l'absence d'un comportement délictueux donc rien à excuser.
Cohérence de cette réflexion par la doctrine: on parle de reconstruction.

Conclusion.
    Le point de départ: situation ou il n'y a pas d'harmonisation communautaire. Il faut que els états ressentent le besoin d'harmoniser. On va regarder si on est en présence d'une marchandise au sens du traité: pas de réelle difficulté en règle générale. Pour que MEE il faut une mesure étatique: qui a adopté la règlementation litigieuse avec une conception très large de c e que peut être un agissement étatique. La cour va poser sa def de MEE: arrêt Dassonville. Elle va regarder si conformément à sa jurisp il y a une MEE. Elle va regarder si cette mesure est discriminatoire ou pas: arret Keck et Mithouard.

    La mesure est discriminatoire: on va regarder si justifiable par exigence impérative ou si elle ne l'est pas si dérogations par l'article 36 du traité. Si la mesure n'est pas discriminatoire, elle n'est pas conforme pour autant au droit communautaire. On va regarder si elle touche aux caractéristiques du produit ou aux modalités de vente. Si elle touche a des modalités: pas d'entrave elle est conforme  au traité si caractéristiques alors on cherchera a la justifier par des exigences impératives ou par dérogation de l'art 36. Une fois que la cour a admis qu'il y a une exigence impérative ou art 36, la cour va opérer un contrôle de proportionnalité de la mesure parce que une fois que l'état a pris une mesure il faut que la mesure soit adéquate.
   
    Il y a un véritable contrôle opéré par la Cour dont il est important qu'on ait quelques éléments. Ce contrôle de proportionnalité peut être résumé en quelques mots. C'est rare dans la tendance récente mais il arrive que la Cour relève elle-même que la mesure, parce qu'elle s'adresse à tel ou tel groupe de personnes ou parce qu'elle est limitée et dans l'espace, remplit le test de la proportionnalité c'est à dire qu'elle est strictement nécessaire et n'excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif poursuivi par l'Etat.
CJCE 1989 Buet. La Cour a usé d'une réglementation française qui avait limité, voire interdit dans certains cas, la vente de matériel de formation à domicile. La Cour a relevé qu'on s'adressait à des personnes vulnérables dans leur situation de travail puisqu'elles avaient un déficit de formation et l'autorisation du démarchage à domicile pourrait handicaper durablement la possibilité d'acquérir une formation dûment contrôlée et de renforcer sa position sur le marché du travail. Cette première modalité du contrôle où la CJCE tranche la proportionnalité est de plus en plus rare car depuis cet exemple, on a eu l'arrêt Kech et Mitouard qui a développé un raisonnement de plus en plus complexe sur la notion de MEE. La question de la discrimination est venue d'ajouter alors qu'au départ, cette question était exclue du raisonnement de la CJCE. Cela fait autant d'éléments qui ont rendu plus difficile le raisonnement, en le fondant sur des éléments de fait, des appréciations économiques comme le fait de savoir si des produits étaient dans des situations de similarités, s'il y eu des discriminations en fait des produits et non en droit De plus en plus difficile de prendre des mesures sur la réglementation étatique car la CJCE entre dans des éléments de faits de litige. Elle est souvent saisie par question préjudicielle et trancher une question de droit communautaire sur un fait national dont elle ne mesure pas tous les éléments. On a ainsi deux autres attitudes de la CJCE qui sont beaucoup plus fréquentes. La deuxième modalité de la proportionnalité est un contrôle moins approfondi de la CJCE : elle va se refuser à trancher elle-même mais, en revanche, elle va indiquer aux juridictions nationales quels sont les éléments qu'elles doivent prendre en considération pour respecter le principe de proportionnalité. Cela implique que la CJCE prenne position malgré tout sur la mesure en elle-même et sur les éventuelles restrictions introduites par les Etats sur la libre circulation.
CJCE Familia Presse 1997. La CJCE consacre l'exigence du pluralisme de la presse. L'affaire concernait l'interdiction posée par un Etat d' insérer dans des magasines des encarts, lesquels permettaient de participer à des jeux pour pouvoir gagner des prix, essentiellement des sommes d'argent. L'Etat a interdit en justifiant que cela permettait de maintenir un certain pluralisme de la presse ; en consacrant l'exigence impérative de la pluralisme de la presse, la CJCE n'a pas tranché si la mesure n'excède pas ce qui strictement nécessaire pour l'atteindre mais elle donne des directives à la juridiction nationale. Elle estime que le juge national doit procéder à un examen du marché national, qu'il doit délimiter en cause (Le marché de la presse qui serait touché) et elle va plus loin et va dire au juge national qu'il doit prendre en compte les parts de marché qui sont détenus par chaque éditeur, l'évolution de ces parts de marché, mesurer le degré de substitution du produit concerné aux yeux du consommateur par rapport aux journaux qui n'offrent la même possibilité de gagner des prix. Le juge national est guidé précisément dans ce qu'il doit faire pour appliquer lui-même le test de proportionnalité mais le juge communautaire ne tranche pas le litige. C'est une pratique commune ; le juge communautaire va loin dans son encadrement du juge national. Il y a une volonté très nette de déléguer le contrôle tout en gardant, finalement, une certaine maitrise. Quelque soit son contrôle, la CJCE aura toujours la même position : un Etat ne pourra jamais appliquer des règles nationales qui poursuivent un objectif d'intérêt général s'il se trouve acquis et démontré que le même intérêt est protégé d'une manière similaire dans la législation d'un autre Etat membre. Quand il invoque une exigence impérative d'intérêt général, l'Etat pourra maintenir sa mesure que s'il n'y a pas constat d'une même exigence ailleurs. Pour conséquence, les Etats doivent ainsi prendre en compte des exigences impératives imposées par d'autres Etats membres.
CJCE Estée Lauder 2000. Arrêt très remarqué en terme de raisonnement. La CJCE va constater l'existence d'une mesure qui a des effets sur la libre circulation et va accepter que l'Etat invoquer certaines exigences impératives (Ici, il s'agit de la protection du consommateur). A la fin de l'arrêt, la CJCE va en venir à décrire une sorte de consommateur communautaire de référence, sorte de consommateur type, à savoir un consommateur raisonné, attentif, avisé pour fixer les modalités de la conciliation qu'elle doit faire entre la libre circulation des marchandises et la protection des consommateurs. Les mesures sont précises mais le juge national garde une autonomie car c'est finalement lui qui doit trancher la question finale de la proportionnalité, notamment en tenant compte du degré légitime de protection des consommateurs. On est clairement à la limite entre les deux contrôles expliqués : on va très loin dans les orientations données au juge national sans aller jusqu'au bout, sans trancher au niveau communautaire la question.

    La CJCE va renvoyer la question à la juridiction nationale (3è degré de contrôle, le moins approfondi) : elle ne tranche pas la question elle-même mais elle est extrêmement brève et lacunaire sur les orientations données au juge. En procédant ainsi, elle mécontente le juge national lui-même car le juge est souvent en attente de conseils, la doctrine qui ne voit pas très bien à sert le contrôle communautaire dans ces cas là et cette attitude peut faire craindre que le juge national ait une trop grande marge de manoeuvre. La CJCE abdique devant les difficultés qu'elle a elle-même crées. Le contrôle est trop difficile à accomplir, la balance des intérêts trop complexe et la Cour renvoie au juge national et crée une difficulté supplémentaire pour ce juge et l'application du droit communautaire. Crainte d'une application non uniforme par les différents juges nationaux. Le juge communautaire dit manquer d'éléments de faits qui ne lui sont pas tous transmis et, dans nombres de ses arrêts, on retrouve des considérations politiques où la Cour estime qu'elle ne se situe pas au niveau national, qu'elle n'est pas hiérarchiquement placée au dessus du juge national dans la question préjudicielle. La CJCE va donc rappeler que la procédure préjudicielle est une procédure de coopération de juge à juge instaurant un dialogue entre le juge national et le juge communautaire mais, en effet, le litige en tant que tel et le règlement de ce litige doit être fait au juge national au nom de son autonomie matérielle et procédurale. Ce type de raisonnement s'est accentué sous l'impulsion de l'introduction et l'importance prises par le principe de subsidiarité dans l'ordre juridique de l'Union. Ce principe est inscrit dans les traités depuis 1992 dispose expressément que l'Union n'agit que dans la mesure où son action est nécessaire et plus efficace que celle de ses Etats membres.
    Le traité de Lisbonne est une tentative réussie par les Etats de renationaliser cette procédure, de revenir à des modes de coopération plus intergouvernementaux. Il marque le retour des Etats dans le processus d'intégration de l'Union avec le processus de coopération ou le principe de spécialité.

    Les objectifs d'intérêt général sont déjà remplis par la législation de l'Etat d'origine et il n'y a plus de raison dans le raisonnement communautaire d'appliquer les règles du premier Etat dont l'interdiction du double contrôle.
Exemple. Un Etat peut tout à fait, au nom de la protection de la santé publique, imposer des mesures de contrôle de certains produits. Il peut le faire au nom de la santé publique mais, dans le cadre de la libre circulation des marchandises, il ne pourra pas exiger des essais en laboratoire de ces mêmes produits si ces essais ont déjà été effectués dans un autre Etat membre => principe de reconnaissance mutuelle, l'Etat doit faire confiance à son partenaire. En pratique, cela pose des difficultés car les règles d'un Etat à l'autre, mêmes si elles existent peuvent différer dans leurs modalités et leurs fonctions et les juges nationaux comme communautaires vont être obligés de faire une comparaison des règles en présence pour savoir si elles sont équivalentes et si le double contrôle ne se justifie pas. C'est ce que l'on appelle le principe d'équivalence : les juges doivent regarder si d'un Etat à l'autre, la règle existe et a les mêmes effets et fonctions. L'application du principe d'équivalence pose des difficultés.
CJCE 1994 Houtwipper.  Arrêt relatif aux métaux précieux et à la fraude sur les métaux précieux. Pour éviter la fraude, il existe des règlementations qui permettent de poinçonner le métal pour attester de la qualité d'origine. La CJCE devait prendre position sur une mesure étatique dont l'objectif était de lutter contre la fraude relative aux métaux précieux et confronter, dans son raisonnement, différentes méthodes, de protection des métaux.
Question de l'équivalence de méthodes de ces différents métaux et comment mettre sur un même plan des techniques qui ont des modalités différentes et aux objectifs différents. La CJCE a estimé que l'Etat n'était pas tenu de considérer comme équivalent les deux modes de contrôle qui lui était soumis même si l'objectif principal du contrôle est le même, à savoir éviter la fraude.
CJCE 1986 Commission c/ France. Recours en manquement pour contester une réglementation française relative à des machines permettant de travailler le bois à leur commercialisation. La CJCE a assoupli le principe de reconnaissance dans un raisonnement manifestement alambiqué, montrant son malaise. Elle met un bémol au raisonnement en disant que dans certains cas où les modalités de la protection seraient inconciliables, on pouvait alors permettre le cumul des règlementations.
    
Section 3. Spécificité de l'argument des droits fondamentaux ?
Lundi 29 Novembre 2010.
    L'ordre juridique communautaire ne fait pas une place particulière à la protection des libertés particulières car l'objectif de départ est clairement économique. En tant à réaliser un marché commun, les rédacteurs du traité n'avaient pas pris en considération les éventuelles interactions qui peuvent se poser entre la réalisation du marché et la protection de ces droits. C'est sous l'impulsion de certaines cours suprêmes nationales que la CJCE a modifié son raisonnement initial en acceptant de considérer que les droits fondamentaux, en tant que principes généraux du droit communautaire, font partie intégrante de cet ordre juridique. Ceci a pour conséquence que la CJCE va progressivement accepter, quand elle est saisie d'une question qui entre dans le champ d' application du droit communautaire, de contrôler le respect d'une réglementation communautaire avec les exigences relatives aux droits fondamentaux. Le droit primaire a évolué pour prendre en compte l'aspect des droits fondamentaux. La lecture des libertés de circulation par les différentes institutions de l'Union est enrichie aujourd'hui de considération relatives aux droits fondamentaux. D'une finalité exclusive économique, les libertés de circulation se sont enrichies d'une dimension humaine avec la citoyenneté.
   
    Dans quelles mesures un Etat peut-il invoquer la protection d'un droit fondamental pour justifier une restriction à la libre circulation des marchandises ? Le fait d'invoquer un droit ou une liberté fondamental, au sens du droit interne de l'Etat, mérite une place à part dans l'ensemble des dérogations qui peuvent être valablement invoquées ?

CJCE Schmidberger 2003. La juridiction nationale autrichienne la question à la cour européenne. Atteinte à la liberté circulation des marchandises interdite par les traités communautaires et, dans sa question, le juge national demande le fait de fermer une autoroute dans ces conditions est une MEERQ et si la justification de la préservation de la liberté de manifestation et d'expression, est-ce que cette exigence invoquée par l'Etat a une place dans le droit communautaire ? La CJCE reconnaît que l'on est face à une mesure d'effet équivalente et sur la justification invoquée par l'Etat, c'est la première fois que la CJCE utilise ceci : elle estime que la question qui lui est posée est celle de la conciliation nécessaire des exigences de la protection des droits fondamentaux dans la communauté avec celles découlant d'une liberté fondamentale consacrée par le traité, plus particulièrement la question de la portée respective des libertés d'expression et de réunion garanties par les articles 10 et 11 de la CESDH et de la liberté de circulation des marchandises lorsque les premières sont invoquées en tant que justification de restrictions de la seconde. La CJCE prend position sur la protection des libertés fondamentaux de manière générale, la protection de la liberté d'expression n'est qu'un exemple;
    La deuxième nouveauté est celle où la CJCE doit explicitement que ce qu'elle va faire est une conciliation nécessaire. Ce sont les juges constitutionnels, juges suprêmes d'un ordre juridique étatique, qui ont cette mission de conciliation entre deux libertés fondamentales. La Cour se situe dans une optique nouvelle : une optique constitutionnelle. Elle va reconnaître que la liberté de circulation des marchandises est une liberté fondamentale et que ces restrictions doivent être dument limitées mais, dans cette affaire, il faut mettre en balance les intérêts en présence et déterminer « si un juste équilibre a été respecté entre ces intérêts ». La CJCE va réaliser cette mise en balance : elle rappelle les caractéristiques de la restriction et dire que la circulation routière a été empêchée sur un seul itinéraire à une occasion unique et pendant une durée  de 30H et que dire que la liberté de circulation des marchandises revêtait une durée limitée. Dans tout le reste de l'arrêt, la CJCE va insister sur l'importance de ce rassemblement pour les citoyens, sur les efforts qu'ont mis en oeuvre les autorités pour limiter autant que possible les perturbations. Elle va donc conclure que la restriction était tout à fait proportionnée et que l'objectif de protection de la liberté fondamentale qu'est la liberté d'expression ne pouvait pas être atteinte autrement que par cette mesure.

//Cf. Affaire Familiapresse est une affaire qui met en cause un droit fondamental. Donc, ce  n‘est pas la première fois vient devant la Cour ; mais c’est la première fois que le juge national pose al question non pas au titre des exigences impératives, mais il demande clairement s’il n’y pas matière à reconnaitre une exception en tant que telle relative aux droits fondamentaux. La Cour conclu à une atteinte de la libre circulation des marchandises, et sur la justification invoquée par l’Etat, c’est la première fois que la Cour va utiliser comme terme « conciliation nécessaire des exigences de la protection des droits fondamentaux dans la communauté avec celle découlant d’un liberté fondamentale consacrée par le traité » ; et plus particulièrement « la question de la portée respective des libertés d’expression et de réunion garantie par les articles 10     et 11 de la CEDH et de la libre circulation des marchandises lorsque les premières sont invoquées en tant que justitification d’une restriction à la seconde. »
Intérêts de l’arrêt :
-    La Cour prend position de manière générale sur les principes des droits fondamentaux.
-    De plus, c’est là aussi, pour la première fois, que la Cour dit explicitement qu’il s’agit d’une question de « conciliation » entre les droits fondamentaux et les impératifs de son ordre juridique. Généralement, ce sont les juges constitutionnels qui ont cette mission, soit les juges les plus hauts d’un ordre (Jp CE).  La Cour se situe clairement dans une optique constitutionnelle.
-    La Cour reconnaît que la liberté de circulation des marchandises est une liberté fondamentale ; elle va rappeler que les restrictions doivent être dûment limitées, mais dans cette affaire elle va reconnaître qu’il faut « mettre en balance » les intérêts en présence et déterminer « si un juste équilibre a été respecter entre ces intérêts ». Elle av dire que la restriction a été faite sur un itinéraire à une occasion unique et pendant une durée de 30 heures. L’atteinte à la libre circulation des marchandises revêtait une portée limitée ; et elle va insister sur l’importance de ce rassemblement pour les citoyens, sur les efforts qu’ont mis en œuvre les autorités pour limiter autant que possible les perturbations, et elle va conclure dans cette affaire que la restriction était proportionnée et que l’objectif de protection de cette liberté fondamentale qu’est la liberté d’expression ne pouvait pas être atteint autrement que par cette mesure.
Il s’agit d’une prise de position novatrice ; dès lors, on a pu tenter de dégager une nouvelle exception qui serait spécifiquement centré sur la protection des droits fondamentaux.

Dans des jp ultérieures, ce raisonnement pas forcément été validé. Deux arrêts suivants n’ont pas été contre, ne sont pas des revirements, mais tout de même. L’idée selon laquelle il faut concilier différents impératifs et qu’il faille donner une priorité à l’impératif des droits de l’homme n’est donc pas validé par les arrêts ultérieurs. Ici, on est dans une jp plus en phase avec le raisonnement habituel de la Cour :
    Omega, relatif à a libre prestation des services et à la libre circulation des marchandises. Une question préjudicielle est posée à la Cour par la juridiction allemande : le fait d’interdire une activité économique précise – commercialisation d’un jeu appelé lazerBall. Le jeu est attesté très violent y compris par l’entreprise qui le commercialise. Ce jeu pourrait porter atteinte à la dignité humaine telle que protégé par l’ordre constitutionnelle allemande. Avant de statuer, la juridiction allemande pose une question à la Cour, car elle a cs que cela touche à la libre circulation des services, et des marchandises puisque le jeu en lui-même et son importation va s’en trouvé affecté. La Cour va admettre la restriction portée à la libre circulation des marchandises en l’espèce, estimant que les mesures prises par les autorités allemandes pour interdire ce jeu sont justifiées par certain impératifs. La Cour parvient à ce raisonnement, mais pas d’une manière qui let en avant les droits de l’homme, alors même que la juridiction allemande avait mis l’accent sur un droit fondamental. La Cour va peu parler de la dignité humaine, elle va rattacher son raisonnement au trouble à l’OP, elle va rappeler que la dignité humaine fait partie des droits fondamentaux et qu’à ce titre, c’est un principe du droit communautaire ; mais très vite, elle va fonder son analyser par un souci d’OP, que l’Etat va mettre en avant pour justifier une atteinte à la libre circulation des marchandises. Tout mesuré que soit cet arrêt, l’arrêt ne va pas dans le sens de la spécificité, car la Cour rattache la protection à l’OP – dérogation textuelle du Traité.
    Arrêts de 2007, Laval et Viking : Là encore, il est plus relatif à la libre circulation des services. L’affaire concernait la possibilité pour un syndicat d’organiser l’action collective visant notamment à une grève, et qui avait pour but d’empêcher un transporteur de changer de pavillon de l’immatriculation du bateau ; et le syndicat souhaitait peser, et visait à protéger ses salariés. Le transporteur avait une immatriculation en Finlande et souhaitait sous le drapeau estonien, pour des raisons de compétitivité. C’est une atteinte à la libre circulation de service – changement de pavillon ; et de l’autre côté, on a l’impératif de l’action collective menée par un syndicat dans le but de protéger les travailleurs. En 2007, la Cour va reconnaître le droit de grève, et va le qualifier dans ces deux arrêts, comme un droit fondamental qui fait partie à ce titre de l’ordre juridique européen ; pour ce faire, la Cour va s’appuyer sur des instruments internationaux, comme la Charte sociale européenne de 1961, ou la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux, adopté dans le cadre des communautés en 1989. Mais, ensuite, elle va soumettre l’exercice concret de l’action collective à toute une série de restrictions ; la balance penche ici vers la réalisation de la liberté économique. La Cour estime que le fait qu’il s’agisse du droit de grève ne permet pas d’échapper au champ d’application de la libre prestation de service, et la Cour va soumettre l’action collective à un contrôle très strict de proportionnalité. Elle va renvoyer au juge national le soin de juger sur le fond, en lui donnant des orientations très précises montrant que, dans sa logique, on ne doit admettre l’action collective que dans la stricte mesure où elle est apte à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et qu’elle ne va pas au-delà ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif (Contrôle de proportionnalité et de nécessité de la mesure).

Aujourd’hui, la Cour ne reconnaît qu’au nom des droits fondamentaux, on a des restrictions de liberté de circulation qui seraient justifiées de manière plus facile ou évidente que dans d’autres cas.
Avec le Traité de Lisbonne, la Charte des droits fondamentaux a acquis une valeur juridique, et cette charte proclame l’ensemble des droits civils, politiques et sociaux, qui sont tirées des traditions communes aux Etats membres. Et il ne faut pas sous-estimer cela pour le raisonnement de la Cour à l’avenir. Cela peut être un argument supplémentaire pour la Cour prendre en compte les droits fondamentaux.


Chapitre III : Libre circulation des marchandises et harmonisation des droits nationaux


Le titre dans le traité qui évoque l’harmonisation n’utilise pas le terme « harmonisation » mais « rapprochement des législations » - chapitre III du TFUE, articles 114s. Les réglementations nationales des Etats vont devenir plus proches, mais l’harmonisation implique un degré supplémentaire, visant la finalité du processus – là où la différence n’existera plus.

Dans le domaine des marchandises, harmonisation ouvre des réalités différentes.
•    On a une harmonisation totale pour certains domaines :
Au niveau communautaire, on va définir une règle qui n’autorise aucune variation.
Exemple : Paquets de cigarettes : Obligation de faire figurer le taux de nicotine (directive européenne). 

•    Harmonisation minimale :

On va avoir une directive communautaire, mais la norme de cette directive va laisser une marge de manœuvre aux Etats dans la mise en œuvre de la règle.
Exemple : On doit faire mention du danger qu’occasionnent le tabac, et la directive précise que la mention doit couvrir au minimum les ¼ du paquet.

L’ensemble des technique a évolué avec le temps, mais l’idée centrale de l’harmonisation est que la libre circulation ne peut être parfaitement réalisée que si on parvient à rapprocher les législations nationales. Ici on est dans une perspective volontariste du marché commun : rapprochement des législations ; c’est un postulat ; cela peut être plus négatif : éliminer l’obstacle.

Deux aspects de l’harmonisation :

Section 1. Domaine de l’harmonisation

1§. Base juridique de l’harmonisation


On a commencé à parler d’harmonisation avec l’acte unique, notamment avec l’article 94 du Traité, qui introduisait la procédure d’harmonisation en prévoyant que le Conseil statuant à l’unanimité pouvait arrêter des directives pour des rapprochements de dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres qui ont une incidence directe sur l’établissement et le fonctionnement du marché commun.
Cette procédure existe toujours : 115 du TFUE. Le conseil doit statuer à l’unanimité !!! Ce n’est qu’à cette condition que le conseil peut arrêter des directives pour rapprocher des législations des Etats membres !!
   

On a vite constaté qu’il était difficile d’avancer dans l’harmonisation avec ce seul instrument. On a donc inclus l’article 95 que l’on souhaitait plus efficace : aujourd’hui Article 114 du TFUE.
    On a donc inversé les deux procédures, pour montrer que c’était celle-là, dont l’efficacité à était prouvée va être utilisée de préférence.
L’article 114 permet au Parlement et au conseil, qui statuent selon la procédure législative ordinaire (Terme de Lisbonne pour désigner la procédure ancienne de codécision, mettant sur le pied d’égalité Parlement et Conseil) arrêtent des mesures relatives au rapprochement des dispositions législations, réglementaires et administratives des Etats membres, qui ont pour objet l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur. C’est plus large et la procédure est plus souple ; mais l’harmonisation ne concerne pas tous les domaines ; sont exclus :
-     les questions et dispositions fiscales (complétement exclues !!!! car en ce domaine la communauté n’a pas de compétence, s’agissant d’une compétence réservée) ;
-    celles relatives à la  libre circulation des personnes ;
-    celles encore relatives aux droits et intérêts des travailleurs salariés

C’est dans cet article 114 que sont inscrites une série de dérogations possibles que peuvent invoquer les Etats pour ne pas harmoniser (Cf. dérogations de l’Acte Unique Européen).

2§. Champ d’application

Ce qui est essentiellement visé, c’est l’harmonisation des normes techniques, donc il est logique que cette harmonisation concerne en priorité les marchandises, car ce sont elles dont on veut harmoniser autant que possible les caractéristiques (Cf. Exemples relatifs aux normes techniques).
Ces procédures existent depuis 30 an, un peu moins pour l’article 95. On constate que l’on n’a pas utilisé ces procédures.
Une trentaine de directive sont été adoptées sur le fondement de l’article 114. C’est relativement peu. C’est la marque d’une difficulté. Ces procédures d’harmonisation pose des problèmes ; sinon les Etats se mettraient d’accord plus facilement pour harmoniser leur législation.

Exemple de domaines des directives :
-    Transports et le matériel assorti: routier, aérien, fluvial, etc.
-    Machines
-    Domaine médical, dispositifs médicaux
-    Aujourd’hui, tendance des nouvelles directives : sécurité concernant les jouets.

C’est peu pour des raisons politiques. L’harmonisation remet en cause les différences qui existent entre les différents Etats membres ; et les Etats sont très réticents à abandonner certaines différences qui peuvent être pour eux l’expression d’une tradition culturelle, historique, qui dépasse largement le seul aspect économique.


3§. Méthodes et évolution de ces méthodes

On a expérimenté deux méthodes d’harmonisation :

    Début 80s – 90s :
Les institutions communautaires souhaitaient substituer une réglementation communautaire précise aux réglementations nationales. Quand on se lançait dans l’élaboration d’une directive d’harmonisation, on voulait des normes très précises, très détaillées ; la directive disait tout. La marge de manœuvre des Etats dans le processus de transposition de la directive était quasiment nulle.
Difficultés :
-    C’est un processus long ; il faut des années.
-    Secteurs entiers de l’harmonisation qui ne sont pas touchés, car on ne peut pas s’occuper de tout
-    Difficulté conjoncturelle : on mettait tant de temps à se mettre d’accord, qu’une fois adoptée, la directive était déjà dépassée par des évolutions techniques qui obligeaient à renégocier la directive dès son entrée en vigueur.

    Livre Blanc de la Commission sur l’achèvement du marché intérieur, 1985 :
Les livres blancs de la Commission, sont des documents de communication et n’ont pas par eux même de valeur juridique contraignante : ils font le point sur un problème donné ; la commission va y donner ses orientations, ses conseils concernant l’avenir dans ce domaine. Dans le Livre Blanc de 1985, la Commission a identifié près de 300 mesures, qui sont indispensables pour permettre l’achèvement du marché intérieur. Elle va donc décrire une nouvelle approche d’harmonisation. Elle précise que dorénavant on va fonder sur l’idée que l’harmonisation doit être limitée aux exigences essentielles auxquelles doivent correspondre les produits mis sur le marché communautaire. Les directives ne comportent plus de règles techniques très détaillées ; elles fixent simplement des exigences en matière :
•     de protection de la santé,
•    de sécurité
•    de protection de l’environnement
•    de protection du consommateur
Lien avec l’arrêt Cassis de Dijon, pris en compte ici. La commission inscrit ce que la Cour a préconisé : les produits sont présumés circulés librement, à partir du moment où ils ont été commercialisés légalement dans un Etat membre ; l’harmonisation absolue préalable n’est pas nécessaire, à condition que soit respecté et garantie des exigences essentielles qui sont quasiment les mêmes que celles de l’arrêt Cassis de Dijon, qui vont former le socle de l’harmonisation.
Cela implique que la Commission fasse confiance aux Etats ; et on va confier à certains organes l’élaboration des normes techniques.
Exemple : Comité Européen de Normalisation (CEN) ; Comité Européen de Normalisation Electrotechnique (CENELEC).
    Le respect de ces spécifications techniques élaborées par les organes, n’est pas obligatoire, bien que vivement encouragé dans ce sens ; mais les Etats sont tenus en revanche au respect des impératifs essentiels. Et les opérateurs économiques sont libres de choisir les modalités qu’ils souhaitent pour remplir ces conditions.
   
On a encore aujourd’hui des domaines controversés, où l’on revenait à une harmonisation plus poussée. Même si officiellement, on dit qu’il y a remplacement d’une méthode par une autre, selon la professeure, on doit plus parler de coexistence.

Exemple : Directive Chocolat, 2000, remplace une première directive élaborée en 1973. Elle a pour objet d’harmoniser la dénomination des produits chocolat dans l’UE. Le chocolat est un produit fait à base de cacao seulement, et certains pays sont des puristes (France, Italie). Dans d’autres Etats membres, le chocolat, c’est le produit fait à base de beurre de cacao, mais aussi des tablettes qui inclues des matières grasses végétales. La directive pose comme principe que pourront être appelés chocolat des produits des matières grasses végétales dans un % donné. Il faudra simplement que l’étiquetage mentionne la teneur en MG végétale.
Cf. Arrêt du 25 novembre 2010 : L’Italie vient d’être condamnée en manquement par la Commission qui lui reprochait depuis l’entrée en vigueur de la directive de ne pas l’appliquer correctement. Le gouvernement a tout fait pour la contourner. L’un des derniers stratagèmes a été d’inventer dans un décret italien, une dénomination à part pour ce qui est du vrai chocolat : « pur chocolat », et disant qu’il ne contrevenait pas à la directive car ils continuaient à appeler le reste chocolat. La Cour rappelle que dans ce domaine, l’harmonisation est totale ; et de ce fait, cette dénomination spécifique italienne vient privilégier ce produit par rapport à d’autres chocolats « non purs ».

    Cette directive n'a pas eu le succès escompté ; en lançant cette nouvelle approche, la Commission pensait l'harmonisation de manière beaucoup plus rapide. Une trentaine de textes a été adoptés suite à cette nouvelle approche par la Commission. Mais que faire dans les domaines non harmonisés ? En l'absence d'harmonisation et pour éviter les obstacles à la libre circulation des marchandises (Obstacles qui pourraient résulter de règlementations techniques nationales), en 1983 juste avant l'adoption de son livre blanc, la Commission a immiscé la directive 83/189 qui impose, depuis son entrée en vigueur en 1984, aux Etats membres de notifier tout nouveau projet national de réglementation technique à la Commission et, une fois cette notification faite, l'Etat s'engage à reporter l'adoption de son projet définitif de trois mois.  Pourquoi ce délai ? A partir de la notification, la Commission va relayer l'information, notifier le projet aux autres Etats membres qui vont avoir 3 mois pour exprimer un avis sur la dite réglementation. En fonction de ces avis, la Commission peut demander à l'Etat membre concerné de modifier le projet qui a été notifié si celui-ci ne paraît pas conformer au droit communautaire en vigueur, s'il viole de manière évidente la libre circulation des marchandises. Dans ce cas là, c'est un mécanisme de contrôle préventif mis en place par la Commission. Quand il y a avis négatif, l'adoption définitive du projet doit être reportée d'au moins 6 mois et la Commission peut décider, de sa propre initiative (A un monopole dans l'initiative législative), de proposer un texte d'harmonisation : les avis négatifs lui montrent qu'il y a un problème au regard de la libre circulation et la Commission peut élaborer une directive d'harmonisation dans ce domaine et la soumettre aux Etats dans le domaine concerné. L'Etat qui a émis la réglementation litigieuse doit décaler l'adoption de sa réglementation d'une année pour permettre, à l'initiative communautaire, de se développer.

CJCE 1996 Security International. La CJCE a donné tout son poids à ces mesures dont celle de notification en jugeant qu'à défaut de notification, la règlementation en cause n'était pas applicable et sans effet entre les personnes privées

    Aujourd'hui, les deux approches coexistent. Le débat actuel est le suivant : dans quelle mesure une harmonisation plus large des droits nationaux que celle qui existe aujourd'hui serait justifiée au nom de la libre circulation des marchandises ? On se pose surtout cette question depuis 1993 Kech et Mitouard. Depuis cette distinction entre caractéristiques et modalités de vente,  tant qu'on est dans les caractéristiques d'un produit, cela concerne un type d'harmonisation clairement distingué (Normes techniques, spécifications techniques, … qui font partie des caractéristiques essentiels d'un produit) mais la question de l'harmonisation se pose différemment à partir du moment où on a fait entrer dans la logique des marchandises la question de la modalité des ventes et on n'a pas dit que si c'était des modalités, c'était nécessairement compatible avec la libre circulation. La CJCE décide au cas par cas quelle modalité heurte la libre circulation ou non, casuistique de la Cour : faut-il harmoniser des éléments qui tiennent aux modalités de vente d'un produit ? Faut-il prévoir des directives d'harmonisation qui vont tenter de trouver un socle commun pour permettre ou interdire les ventes à certains moments de l'année ou dans certains endroits ? Faut-il prévoir des directives dans le domaine de la publicité ? Avec l'évolution du droit des traités et 1997, le traité d'Amsterdam a opéré un processus de communautarisation cad le transfert de matières qui, auparavant étaient régies par le troisième pilier de l'UE et qui vont désormais être régis par le premier pilier. On va communautariser tout ce qui concerne la coopération judiciaire civile, inclure dans le traité CE l'article 65 qui précise que les mesures relevant de la coopération judiciaire civile ayant une incidence transfrontière peuvent être adoptées dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur. En ce moment, on parle de l'élaboration du droit communautaire des contrats : ce sont des matières qui touchent le droit international privé. La Commission a élaboré un livre vert deux rapports, le 2è de 2007 jugeant l'état d'avancement du cadre commun de référence (Pour les contrats). Toute l'ambition de la Commission est de construire, de voir dans quelle mesure on peut construire un droit européen des contrats, notamment dans le domaine de la consommation. On touche là à une question qui va nécessairement avoir un impact sur les autres libertés et notamment la libre circulation des marchandises puisque la notion de consommateur est au centre de cette liberté. La Commission propose une série de mesures dans le domaine de la protection du consommateur ; si ces mesures aboutissent, on va clairement vers un droit des contrats à son tour harmonisé. Tendance à une harmonisation

Section 2. Relations de la notion d’harmonisation avec celle de reconnaissance mutuelle
Lundi 6 Décembre 2010.
1è Situation. Le droit communautaire va admettre qu'il faut une harmonisation préalable dans certains domaines avant d'autoriser la liberté. Ce scénario exclut le principe de reconnaissance mutuelle.
Ex. Domaine des médicaments. On pousse en jurisprudence à reconnaître, dans l'espace communautaire, des autorisations nationales de mise sur le marché de médicaments. On ne le fait que parce que le droit est unique dans ce domaine. Il y a eu harmonisation préalable.
CJCE juillet 2008. L'Avocat général a précisé que la procédure de reconnaissance ne s'impose que parce qu'il y a une législation pharmaceutique communautaire qui harmonise complètement les conditions de mise sur le marché des médicaments. Cette harmonisation est validée par une directive de 2001, directive instituant un code communautaire relatif aux médicaments. Dans ce cas, la reconnaissance mutuelle ne vient qu'après ; elle est la reconnaissance logique que parce que les Etats ont accepté le rapprochement de leurs législations, ils n'ont donc plus de raison d'imposer des exigences proprement nationales.

2è Situation. Le droit communautaire a admis l'idée selon laquelle il pouvait y avoir libre circulation des marchandises et donc reconnaissance et confiance mutuelles entre les Etats membres et leurs législations avant qu'un processus d'harmonisation ne soit terminé. Cela peut même être possible en l'absence totale d'harmonisation. Conçu de cette manière, ce scénario s'appuie sur l'arrêt Cassis de Dijon de 1979 qui a expressément posé cette possibilité. Dans cet arrêt, la Cour prend acte du fait que l'harmonisation totale est impossible ; on n'y arrivera jamais et de ce fait, devant l'ampleur de la tâche qui reste à accomplir en 1979, la Cour va venir bousculer complètement la chronologie que les actes avaient souhaité mettre en place. La Cour pose le principe selon lequel le principe est la liberté même sans harmonisation préalable, elle n'est pas une condition nécessaire à la liberté et l'harmonisation n'est pas nécessaire car les Etats doivent se faire confiance dans leur législation et leurs limites respectives que sont celles des exigences impératives.
On a un lieu très fort entre la liberté de circulation et le principe de reconnaissance mutuelle. D'après la CJCE, l'intervention législative reste nécessaire mais elle n'est plus néecssaire en amont : il ne faut pas que les Etats se soient mis d'accord avant mais il va falloir qu'ils se mettent d'accord en aval de la liberté pour poser, dans le texte communautaire leurs exigences impératives pour codifier, dans un texte d'harmonisation, ce qu'ils estiment relever de leur intérêt général. Cette harmonisation qui vient donc en aval montre bien que l'exigence impérative d'intérêt général, que peut donc invoquer l'Etat pour restreindre la libre circulation, va obéir à un régime communautaire. On limite l'harmonisation aux exigences essentielles. Seule l'harmonisation complète (Dans cette nouvelle approche relative aux exigences impérative) interdira aux Etats d'invoquer l'intérêt général national.  Ce que vont rechercher les institutions européennes, notamment la Commission qui a pour volonté de parfaire le marché intérieur, est l'uniformisation, la plus précise possible des exigences invoquées par les Etats. Ce processus aboutit à la conséquence que la CJCE, dans ses arrêts relative aux exigences impératives et la Commission aboutissent à poser une certaine conception communautaire de ces exigences impératives. Cela montre la volonté du maintien du terme « communautaire ». On va introduire un certain seuil en dessous duquel on ne peut aller pour respecter ces exigences impératives, socle commun en dessous duquel on ne peut aller et que la liberté doit respecter. Les restrictions que pourront adopter les Etats vont être interprétées beaucoup plus strictement par la CJCE. Les restrictions qui découleront de l'application des règles nationales seront soumises à un contrôle de proportionnalité qui va restreindre l'application du droit national à ce qui est strictement nécessaire à la réalisation de l'objectif qui est visé par les règles en cause. On a harmonisé les exigences et le contrôle ultime est celui de proportionnalité de la mesure. Dans le cadre de ce contrôle, la législation nationale ne pourra s'appliquer que si les objectifs qu'elle poursuit ne sont pas déjà assurés par le droit de l'Etat d'origine. C'est là qu'avant le contentieux, l'Etat doit apprécier l'équivalence éventuelle de la réglementation qui est en vigueur dans un autre Etat membre. Il est obligé pour savoir si sa propre réglementation  peut être maintenue telle qu'elle est au nom de son exigence impérative ou s'il est obligé de renoncer à son exigence du fait que le droit de l'autre Etat membre garantit la même protection. Si la réglementation de l'autre Etat répond aux mêmes impératifs de protection, l'Etat qui veut défendre sa réglementation ne peut plus la défendre sur la base de son exigence puisqu'on pourra dire que l'autre Etat la respecte exactement au même niveau. Les Etats ne renoncent pas à leur législation de manière générale ; l'intérêt de la CJCE n'est pas de condamner leur législation en tant que telle mais si les Etats la maintiennent, elles vont léser les opérateurs économiques qui sont les premiers acteurs du droit communautaire => soumettre au principe d'équivalence les législations des Etats entre eux et on a une extension du principe de reconnaissance mutuelle : les Etats doivent se faire confiance, y compris quant à la manière dont ils protègent leur intérêt général.
CJCE Mars 1995. Distinction caractéristiques//modalités. On a pu contester certaines dispositions d'une loi allemande sur la répression de la concurrence déloyale et celle-ci a été condamnée parce que l'Etat n'a pas réussi à démontrer que l'objectif invoqué par l'Etat (La protection des consommateurs) ne correspondait pas exactement à la mesure contestée et à son intensité. La mesure a été jugée inutile et disproportionnée par rapport à l'objectif poursuivi et du fait d'une réglementation tout à fait similaire dans les autres Etats.

    Si la CJCE se tient à cette ligne et l'impose aux Etats, il y a prévisibilité de la solution et le principe d'équivalence est pérenne et les Etats doivent s'y conformer. La jurisprudence de la CJCE n'est pas aussi limpide et cette extension de la reconnaissance mutuelle n'a pas été systématique.
CJCE 14 février 2008 Dynamic Medien. Etait en cause un système de contrôle et de classification de certaines vidéos. Le système de contrôle en cause était destiné à assurer la protection des mineurs. L'Etat invoquait, pour justifier son système, cette exigence impérative de protection du mineur et on attendait que la Cour fasse application du principe d'équivalence cad qu'elle réponde au juge national qui lui avait expressément posé cette question : faut-il prendre en compte, dans la résolution du litige, le contrôle relatif à la protection des mineurs qui est effectué par l'Etat d'origine ? La CJCE n'a pas répondu à cette question et a simplement souligné, sans faire référence au principe d'équivalence, que « la seule circonstance qu'un Etat membre opte pour des modalités de protection différentes de celles adoptées dans un autre Etat membre ne saurait avoir d'incidence sur l'appréciation de la proportionnalité des dispositions nationales ». On ne regardera pas ce qui se passe dans l'autre Etat pour apprécier la mesure : cela n'a aucun incidence sur le contrôle de proportionnalité. La CJCE a dit tout le contraire de tout ce qu'on avait toujours cru comprendre du principe d'équivalence. Depuis 2008, on n' a pas de confirmation ou d'information de cette prise de position : la CJCE est très inconstante dans la mesure dont elle juge l'équivalence des législations nationales. Cela montre que la CJCE ne tire pas absolument à ce principe qu'elle a contribué à développer à partir du moment où on développe les exigences impératives devant elle. Constat d'inconstance de la CJCE.

Conclusion.
Rapprochement entre les deux libertés dans les objectifs et les méthodes de réalisation de la liberté.
    > Objectifs. On n'en parlait pas avant car on avait l'impression que les deux libertés obéissaient à des logiques très différentes. Dans le cas des personnes, on avait de multiples dérogations et de nombreuses restrictions qui faisaient qu'on ne pouvait absolument pas mettre sur le même plan la réalisation de la libre circulation des personnes et celle des marchandises. On avait un fossé entre l'état du droit communautaire relatif aux marchandises qui était avancé et celui des personnes en retard. Depuis 15 ans, on s'est rendu compte que les objectifs des libertés évoluaient dans le même sens, ce qui amène un rapprochement. Les marchandises, comme les personnes, étaient conçues dans la perspective d'un marché d'acteurs économiques. Ceci expliquait les restrictions relatives aux personnes : on ne circule que lorsqu'on est un agent économique. Aujourd'hui, on tend à double cet objectif économique. Les objectifs des libertés convergent aujourd'hui.

    > Méthodes. On constate que les évolutions du droit primaire vont vers le rapprochement des libertés. Ces évolutions sont la communautarisation qui a amené à traiter certaines éléments de la libre circulation des personnes selon la méthode communautaire qui a trait aux marchandises. D'autre part, ceci est purement jurisprudentiel, la CJCE applique un raisonnement similaire ce qui relève, par exemple de l'ordre public pour la libre circulation des personnes et de ce qui relève de l'ordre public pour la libre circulation des marchandises. On a des raisonnements d'interprétation largement similaire.

    Ce sont les exigences impératives qui confortent ce rapprochement : elles donnent une autre dimension à la libre circulation des marchandises. Le raisonnement de la CJCE amène, parfois, à mettre sur le même plan les différentes libertés. Aujourd'hui, on peut dire que dans le droit de l'UE, il y a une convergence certaine de ces libertés qui expliquent, dans une large mesure, qu'on peut commencer à étudier les personnes avant les marchandises. Cela dit, même si le mouvement va vers le rapprochement des libertés, on a une très grande spécificité de la liber circulation des marchandise.

Une spécificité marqué de la libre circulation des marchandises, en terme de réalisation du marché intérieur.
    > Quand au degré de réalisation de a liberté. Il est clair aujourd'hui, si on compte l'état d'avancement des deux grandes libertés du marché intérieur, relativement aux marchandises, le marché intérieur est quasiment réalisé (Harmonisation loin d'être totale). La CJCE continue de rende continuellement de rendre des arrêts relatifs à des marchandises mais il est sans commune mesure avec la circulation des personnes. Le droit est soumis à de nombreuses dérogations selon la catégorie de personnes dans laquelle on entre.
    > Des raisonnements jurisprudentiels ont un caractère technique très marqué et globalement, on est dans une jurisprudence qui est beaucoup plus complexe, de ce fait beaucoup moins prévisible que celle relative à la libre circulation des personnes
Exemples. Distinctions subtiles pour définir la MEE ; il existe des incohérences dans la jurisprudence de la CJCE, des moments où elle pose des solutions pour ne plus les appliquer par la suite ou des moments où elle ne tient pas elle-même le raisonnement qu'elle a énoncé (Exigences impératives).
    Les raisonnements développés sont beaucoup plus absolutistes dans le domaine des marchandises que dans celui des personnes.


Mardi 7 Novembre 2010.


Partie III – La Liberté d'Etablissement et de Prestations de Services


Chapitre I – Une Relative Spécificité des Libertés
d' Etablissement et des Prestations de Services


    Dans le TCE, on distingue trois libertés différentes relatives à la liberté professionnelle. Il y a trois déclinaisons de la liberté professionnelle :
    > Le libre exercice d'une activité salariée, cad la possibilité pour le travailleur d'exercer son activité en n'importe quel point du territoire communautaire à partir du moment où il est ressortissant communautaire.
    > La possibilité pour une personne de s'établir dans un autre Etat membre que celui dont il a la nationalité
    > Le ressortissant communautaire peut effectuer des prestations de services à n'importe quel point du territoire communautaire.

Section 1. Le Champ d'Application de ces Libertés
    A) La Liberté d'établissement

    Cette liberté professionnelle s'explique ainsi : le TCE donne expressément le droit, pour un national d'un Etat membre de la communauté, de s'établir librement sur le territoire d'un autre Etat membre. On définira l'accès à cette activité indépendante dans la mise en oeuvre. Malgré tout, il est très difficile de dissocier clairement le droit d'établissement et la libre prestation de services qui relève d'autres dispositions juridiques. De plus, il n'est pas facile de distinguer ce qui relève stricto sensus du droit d'établissement et ce qui relève de la libre circulation des personnes qui obéit à des dispositions juridiques spécifiques.

    Une confusion est possible car nombre de services, la plupart des prestations de services et des actions visant à s'établir quelque part, supposent la présence d'une personne physique qui exécute le service ou qui va créer l'établissement. Concernant les professions libérales, cela appartient à la catégorie juridique relevant du droit d'établissement mais, en même temps, on est tout à fait conscient que la personne qui exerce l'activité libérale pourrait tout aussi bien, dans certains cas elle relèvera, de la libre prestation de services  ou de la libre circulation des personnes. Ce qui fait la spécificité des deux libertés établissement//services par rapport aux personnes, c'est que dans le premier ca,s on aura à traiter des cas où il n'y aura pas eu de déplacement physique de personnes. Il n'y aura pas eu franchissement physique d'une frontière par une personne. De ce fait, les dispositions relatives à ces libertés prestations de services//établissement peuvent viser des situations dans lesquelles ni le prestataires, ni le destinataire ne se déplacent physiquement.
Exemples. Services à distance, courrier électronique.

CJCE 1995 Alpine Investment. La Cour a eu à se prononcer sur le champ d'application des libertés ; elle a estimé que le champ d'application des dispositions relatives à la liberté d'établissement ou de prestations de services n'étaient pas remises en cause quand le destinataire du service n'était qu'un destinataire potentiel. La Cour a étendu, dans cet arrêt, le champ d'application de l'article 45 du traité à des services qu'un prestataire offre par téléphone à des destinataires potentiels établis dans d'autres Etats membres de la communauté mais ces services sont offerts par téléphone. Les destinataires ne se déplacent pas non plus car ne sont que potentiels. Le prestataire en question fournit sa prestation à partir d'un Etat membre dans lequel il est déjà établi, à savoir son Etat de nationalité. S'il y a déplacement, ce n'est ni du prestataire, ni du destinataire ; cela ne concerne pas les personnes en elles-mêmes mais l'objet de la prestation. Pour cela, il y a un traitement juridique spécifique de cette liberté par rapport aux autres.

    La question la plus difficile est la distinction entre l'établissement et la libre prestation de services. D'un point de vue économique, les services en eux-mêmes peuvent se déployer par la voie du droit d'établissement que la libre prestation de services. La notion d'établissement a un élément d e plus de le service : elle comporte « l'exercice effectif d'une activité économique au moyen d'une installation stable dans un autre Etat membre pour une durée indéterminée » (CJCE Factortane 1993).
CJCE 1995 Gebhard. La liberté d'établissement correspond à la possibilité pour un ressortissant communautaire exerçant une activité non salariée de participer, de façon stable et continue, à la vie économique d'un Etat membre autre que son Etat d'origine et d'en tirer profit. Elément essentiel de la stabilité pour qu'il y ait établissement.

    De plus, il faut également que la durée soit indéterminée, que l'activité de l'entreprise s'inscrive dans une relative durée.

    B) La Libre Prestation de Services

    Le prestataire de services va exercer son activité économique dans un autre Etat membre mais à titre temporaire. C'est sur ce critère que se cristallisent les difficultés. En théorie, il y a stabilité et caractère temporaire de l'autre ; en plus, il faut pouvoir apprécier ce caractère en fonction de la durée de la prestation, de sa fréquence, de sa périodicité éventuelle ou de sa continuité.

    Est-ce qu'une prestation qui se prolonge dans le temps, qui donc va dépasser ce caractère temporaire de la prestation, alors même qu'elle s'effectue alors même qu'il y ait eu une infrastructure fixe qui soit nécessaire, s'apparente à un établissement ou à une simple prestation ? La Cour va apporter des éléments de réponse. Elle pose que, pour qu'il y ait prestation de services, il faut qu'il y ait un point de départ de la prestation à partir duquel des prestations temporaires vont être effectuées sur le territoire d'autres Etats membres. Pour la Cour, la prestation de services est l'exercice d'une activité temporaire dans un Etat mais à partir d'un établissement dans un autre Etat. Pour qu'il y ait prestation de services et que le ressortissant communautaire puisse invoquer cette liberté à son profit, il faut qu'il soit établi sur le territoire communautaire pour qu'il puisse effectuer sa prestation. Bénéficier de cette liberté peut multiplier certains risques, notamment celui de fraude, y compris dans le cadre d'une prestation de services, la Cour pose l'exigence d'un établissement stable dans un premier Etat membre, donc à l'intérieur de l'Union. Si on n'avait pas cette exigence, on pourrait développer des activités qui ne seraient soumises à aucun droit national ou en tout cas qui chercheraient à se développer pour échapper à l'emprise d'un droit national jugé trop contraignant. La Cour a posé le principe selon lequel un Etat membre est tout à fait en droit de prendre des mesures destinées à lutter contre la fraude, à empêcher certains de ses ressortissants de se soustraire abusivement à l'emprise de leur droit national. De ce fait, les justiciables ne peuvent abusivement ou frauduleusement se prévaloir des normes communautaires.

CJCE 1974 Van Bins Bergen. Le principe a été posé pour les prestations de service. Effet direct posé des dispositions relatives à la libre prestation de services, ce dès la fin de la période de transition. Les Etats n'avaient pris aucune mesure dans le cadre du Conseil visant à mettre en oeuvre la libre prestation de services s'il n'y a aucune mesure mise en oeuvre, pour les Etats, il n'y avait pas applicabilité des dispositions relative à la libre prestation de services puisqu'elles n'étaient pas d'effet direct. Or, la Cour dit le contraire en 1974 en posant le principe de l'effet direct de toutes ces dispositions. Quelque soit l'exigence de l'établissement préalable, il est nécessaire pour ne pas y avoir fraude et emprise d'un droit sur une situation juridique donnée. En revanche, la prestation en elle-même, est temporaire, ce qui la caractérise en tant que services. Ce caractère temporaire va nécessairement soumettre la situation juridique donnée à au moins deux systèmes juridiques différents : celui d'on vient l'établissement et celui où va la prestation.

    La vraie difficulté vient du fait qu'on n'est pas seulement dans une situation d'un passage de l'un à l'autre et la situation relèvera, par nature, de deux systèmes. Ceci rend l'approche du droit communautaire relativement difficile. L'appréhension du phénomène est rendue plus complexe. On a toujours eu tendance à considérer que la catégorie juridique des services était une catégorie résiduelle, véritable aveu de la difficulté. On dit que c'est résiduelle quand aucune autre liberté ne trouvera à s'appliquer que l'on finira par appliquer les dispositions relatives aux services. Malgré ce caractère résiduel, on a beaucoup de mal à définir le champ d'application de cette liberté. Aux termes du traité relatif aux services, on sait qu'un service est une prestation fournie contre une rémunération par des acteurs économiques indépendants, cad qui ne sont pas salariés. En l'absence de rémunération, on n'a pas de service.
Exemple.  Le fait d'enseigner. Dans un établissement public, enseignement public financé par des fonds public => il n'y a pas de prestations de service au sens du traité. (CJCE 1993 Wirth). Difficulté à mettre des limites au champ d'application du traité.
Soins de santé. Jusqu'en 2001, la Cour considérait que des prestations dans le domaine de la santé, notamment l'accès à certains soins, parce que c'était des prestations qui généralement étaient fournies sans rémunération en contrepartie, cette délivrance de soins par les hôpitaux publics n'était pas considérée comme une prestation de services et de ne relève pas du champ d'application du traité.
CJCE Smiths 2001. Arrêt ambigu. La Cour a jugé qu'il y avait prestation de services parce que l'hôpital public était en partie rémunéré par un tiers, à savoir une caisse d'assurance maladie assurant à l'hôpital un financement sur une base forfaitaire. La Cour a considéré que ce financement équivalait à une rémunération ; on a un infléchissement de jurisprudence.

Section 2. La Mise en Oeuvre de la Prestation de service
1)    Accès à une activité indépendante

    Cette question concerne d'abord la liberté d'établissement puisque la première conséquence de la liberté d'établissement est d'ouvrir, sans discrimination, les professions indépendantes à tous les ressortissants communautaires qui souhaiteraient exercer cette profession. En 1974, on a l'arrêt Van Bins Bergen
CJCE Reyners 1974. Concernait la profession d'avocat. Dans cet arrêt, la Cour a dit deux choses : l'accès à une activité indépendante est la pierre angulaire du droit d'établissement. Parallèle avec Van Bins Bergen : la Cour admet l'effet direct des dispositions du traité relatives au droit d'établissement. Effet direct reconnu à la fin de la période de transition cad 1969.
Cet arrêt va être un déclencheur : avant 1974, il ne se passe rien en matière d'établissement et de services parce qu'en 1974, les Etats vont trainer à adopter des mesures d'harmonisation de ces différentes activités. Or, sans mesure d'harmonisation, les Etats pensaient être à l'abri du processus de libéralisation des marchés. Sans mesure d'harmonisation, il était impossible d'ouvrir les professions aux ressortissants communautaires car la plupart des activités indépendantes concernées étaient des secteurs où s'appliquait toute une série de règles déontologiques, par exemple, de règles relevant de l'intérêt national, de règles de sécurité, de niveau de diplômes. Tant qu'une harmonisation minimale n'était pas faite, il était évident qu'on ne pouvait pas ouvrir les professions d'avocats, architectes à l'ensemble des ressortissants communautaires. En 1974, la Cour va démonter cet argument, inverser l'argument en proclamant l'effet direct des dispositions. Qui dit effet direct, dit que tout individu peut aller devant une juridiction nationale et faire constater par cette juridiction l'incompatibilité du droit national avec le droit communautaire. 
    La Cour a poussé les Etats à adopter des mesures d'harmonisation pour éviter que des individus puissent invoquer la liberté d'établissement et profiter du système national sans que les Etats ne se soient mis d'accord sur des exigences importantes comme la formation requise, les règles déontologiques s'appliquant dans telle ou telle profession. Il s 'agit de l'accès individuel à une activité non salariée et de la constitution ou de la gestion d'une entreprise.  L'accès à l'activité indépendante va avec le principe cardinal du droit communautaire cad le principe du traitement national : toute règle nationale qui aboutirait à une discrimination, donc à un traitement moins favorable, est prohibée . Il peut s'agir de règles posant des conditions de résidence, des inégalités fiscales qui peuvent aboutir à restreindre la volonté du ressortissant communautaire de s'établir ailleurs que dans son propre Etat.

    Pour les entreprises, il faut distinguer l'établissement à titre principal et l'établissement à titre secondaire.
    > A titre principal, c'est la création ou le transfert du siège principal de l'entreprise. On pourra dans cette situation invoquer le bénéfice du droit communautaire à partir du moment où on a crée une entreprise en étant le national d'un Etat membre. La seule condition de nationalité suffit dans ce cas pour jouir de la liberté d'établissement.
    > A titre secondaire, il vise la création de succursales ou filiales d'une entreprise. La condition posée est l'existence d'un premier établissement à titre principal dans un autre Etat membre. La condition de nationalité n'est donc pas exigée : il faut un premier établissement à titre principal car toutes les entreprises qui n' ont pas été établies selon le droit d'un Etat membre, qui n'ont pas la nationalité d'un Etat membre, pourront donc jouir et invoquer le droit communautaire relatif au droit d'établissement à partir du moment où elles créent une filiale et si une première filiale a été créée sur le sol communautaire. Toute seconde filiale pourra bénéficier des dispositions relatives au droit d'établissement.
CJCE Centros 1999. A donné une portée très large à ce droit en reconnaissant à une société le droit de créer une succursale dans un autre Etat membre alors même que le seul but de cette création est de bénéficier d'une législation moins contraignante.

1)    Démarche sectorielle ou directive de libéralisation ou transitoire

    On a cherché à établir une libéralisation par secteur d'activité. On a fait des directives (Industrie, cinéma, banques, assurances). Le principe de base de toutes ces directives est qu'elles posent le libre exercice d'une activité non salariée et le principe du traitement national mais formulé d'une telle manière qu'on voit bien qu'on a voulu laisser à l'Etat une marge d'appréciation importante. L'Etat demeure maître de sa législation tant qu'il n'y a pas de discrimination directe ou indirecte. Cela signifie que toutes les directives laissent libre l'Etat d'imposer certaines règles, notamment les règles déontologiques d'indépendance de la profession ou de mobilité par exemple. Ces règles sont soumises à deux limitations :
    > Le pouvoir de l'Etat peut-être limité par certains règles minimales établies par les directives mais il faut que ce soit une règle expresse, donc une règle contenue dans le texte de la directive.
    > L'Etat pourra invoquer des considérations d'intérêt général sous certaines conditions. On parlera de raisons impérieuses d'intérêt général.
CJCE Gehbard 1995. La CJCE a posé sa doctrine en la matière. L'Etat peut poser des mesures nationales qui vont gêner l'exercice des libertés mais il faut ces mesures s'appliquent de manière non discriminatoires, qu'elles se justifient par des raisons impérieuses d'intérêt général, qu'elles soient propres à garantir la réalisation de l'objectif qu'elles poursuivent et qu'elles n'aillent pas au delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre.  Donc 4 conditions que l'on retrouve dans toutes les libertés : non discrimination, intérêt impérieux ici appelée « raison impérieuse d'intérêt général », nécessité et proportionnalité de la mesure.

Lundi 13 Décembre 2010.
Rattrapages. Lundi 10 janvier : cours.
   
Directive Bolkenstein. Au centre des débats pendant le processus de ratification de la Convention de 2004. A fait l'objet de nombreux débats et a pesé dans la décision de refus de ratifier le traité constitutionnel. Mettait en place la directive générale dite « services » qui a été adoptée en 2006. La transposition de ce texte devait être terminé en décembre 2009.  On a beaucoup parlé de ce texte pour deux raisons :
    > Changement de méthode dans la libéralisation des services dans l'UE
    > Directive transversale. L'objectif initial de la proposition est d'avoir un texte applicable à presque tous les services économiques. Texte avec une vocation très large qui ne concerne que les services économiques. Tous les services non économiques ne relèvent pas du champ d'application de la directive. A partir du moment où l'activité n'est pas économique, elle n'est pas couverte par le traité. Le principe de base est la loi du pays d'origine : la Commission qui défendait ce texte estimait que ce principe était la pierre angulaire de sa proposition. Sans ce principe, elle estimait qu'on dénaturait complètement la proposition. C'est sur ce principe de la loi du pays d'origine que se sont fondées les controverses et il est rare que l'on parle à ce point, dans les débats communautaires, d'une directive mais on en a beaucoup parlé du fait qu'elle mettait en place ce principe. Fin 2006, la directive a été finalement adoptée et il se trouve que, par rapport à la proposition initiale formulée par la commission, le texte final est très en « retrait » par rapport à la proposition initiale, notamment sur ce qui faisait sa principale nouveauté à savoir le principe du pays d'origine qui ne figure pas dans le texte final. Aujourd'hui, la directive B. n'existe pas et n'a pas été adoptée car la directive adoptée finalement en 2006 a une philosophie complètement différente de celle prônée par la Commission initialement. Le texte est moins ambitieux : il couvre moins de domaines que prévu et maintient, alors que ce n'était pas prévu à l'origine, des dérogations et le maintien de certaines règles nationales très importantes. Ce principe n'est finalement pas inscrit dans le texte final de la directive. Le principe qui continue à s'appliquer en matière de services est celui de la libre prestation, consacré par la directive. On donne le droit à un prestataire, à partir du moment où il entre dans le champ d'application de la directive, de fournir librement ses services dans un autre Etat membre et cet Etat membre lui garantit le libre accès à la prestation de services (article 16 de la directive). Pas de révolution, on reprend le droit existant : ce principe de libre prestation n'est accepté que lorsqu'on est dans le champ de la directive et l'article 2 de la directive énumère plusieurs activités. Il y en a 13 au total auxquelles la directive ne s'applique pas. Ces exclusions sont de plusieurs ordres différents :
    > Existence de certaines règlementations communautaires sectorielles maintenues qui régissent la matière. A partir du moment où il y a une réglementation communautaire spéciale, la directive « service général » ne s'applique pas. C'est le cas dans le domaine des transports, des services financiers, services audiovisuels.
    > Des activités qui, « par nature », vont être excluent de la libéralisation. Il s'agit des services d'intérêt général (Si exclus = considérés comme non économiques), activités qui participent à l'autorité publique (Matière fiscale, tous les domaines considérés comme sensibles car ils vont toucher à des compétences régaliennes de l'Etat), beaucoup de services sociaux et relatifs au logement social, les agences de travail intérimaires. Ces domaines qui étaient inclus dans le champ de la première proposition ne figurent plus dans le champ d'application de la directive ou dans l'article 2, exclusions pures et simples.
    > Dérogations supplémentaires à la libre prestation de services. Article 17. Concerne toutes une série de domaines. Ce n'est pas exclu mais soumis à des dérogations : services  d'intérêt économique général (SIEG), secteurs qui font l'objet de certaines règlementations spécifiques.
Directive 2005. Directive générale de reconnaissance de diplômes qui régit la reconnaissance des qualifications professionnelles exigée pour l'exercice permanent, soit à titre indépendant et professions indépendantes. Cette directive vient poser le principe selon lequel on va pouvoir, avec beaucoup de garde-fous, mettre en place un régime général de reconnaissance des titres de formation => Article 10 de la directive. Ce régime général s'applique à toutes les professions qui ne font pas l'objet d'un système sectoriel de reconnaissance, qui ne fait pas l'objet d'un régime de directives sectorielle.

3)    La Question de la Reconnaissance des Qualifications professionnelles

    Elle concerne la question de la reconnaissance des diplômes. C'est le diplôme national qui a été considéré par les institutions comme une sorte de barrière invisible parce qu'a priori, cela n'est pas un élément discriminant. On exige seulement une qualification pour exercer telle profession mais la tendance des Etats est d'exiger la possession du diplôme national. Ce diplôme est contrôlé dans son niveau, ses conditions d'obtention. Les Etats sont dissuadés d'exercer leur liberté. Pour les auteurs, dans 1957, article 57§1, il faut faciliter l'accès aux activités non salariées et pour ce faire, le Conseil avait compétence pour arrêter des directives visant à la reconnaissance mutuelle est diplômes, certificats et autres titres. Cela va concerner les activités salariées et non salariées.

    La reconnaissance accordée par le droit communautaire est une reconnaissance à des fins de faciliter l'accès à la professionnelles. Le droit communautaire ne s'occupe pas de la reconnaissance académique. Le droit de l'UE n'a rien à dire sur l'organisation même du système d'enseignement, sur la manière dont l'Etat conçoit ses programmes et le niveau académique à proprement dit. Le principe de reconnaissance des diplômes est une conséquence du principe de reconnaissance mutuelle : un ressortissant d'un Etat membre qui a un diplôme délivré dans un autre Etat membre a le droit, au nom de la reconnaissance, d'accéder dans n'importe quel Etat de l'Union, aux professions dont l'accès est subordonné à une qualification. Depuis 2005, système de reconnaissance qui de voulait général et on a réussi à adopter deux directives, l'une en 1988 appelée « directive BAC+3 » qui concerne les professions règlementées dont l'accès à l'exercice est subordonné à la possession d'un diplôme sanctionnant un cycle d'études d'au moins 3 ans après le bac (Profession de comptabilité ou paramédicale). En 1992, on a réussi à se mettre d'accord sur une harmonisation visant des formations plus courtes, d'un an après le BAC, c'est la directive « BAC+1 » qui permet la reconnaissance de diplômes sanctionnant entre une et trois années d'études post-secondaires. Cela ne va concerner que les professions dites règlementées. Une profession règlementée est une activité dont l'accès ou l'exercice est subordonné directement ou indirectement par des dispositions législatives, règlementaires ou administratives. La jurisprudence est venue préciser ces différents points.
CJCE 1er février 1996 Aranatis. Ces conditions varient dès lorsque la législation nationale établit un régime qui a pour effet de réserver expressément une activité aux personnes qui remplissent certaines conditions et d'en interdire l'accès à celles qui ne les remplissent pas.
CJCE 2003 Burbaud. La CJCE a jugé contrairement aux autorités administratives françaises qu'étaient des professions règlementées les emplois publics auxquels on pouvait accéder par voie de concours nationaux : il s'agit des directeurs de la fonction publique hospitalière qui sont recrutés après leur admission à un concours, cad le Concours de l'Ecole de la Santé Publique. Pour la Cour, cette profession est clairement règlementée ; cela signifie donc ces professions là sont dans le champ d'application des directives, notamment celle de 2005 et la France se voit obligée de reconnaitre, à partir du moment où les conditions de la directive sont satisfaites, un diplôme équivalent qui peut être obtenu dans un autre Etat membre mais pas par la voie d'un concours.

    Aujourd'hui les directives générales reposent sur une présomption selon lesquelles les formations qui sont reçues dans les Etats membres de l'Union sont comparables d'un Etat à un autre mais on n'exige pas de l'Etat une reconnaissance automatique puisque si l'Etat prouve (Lui incombe la charge de la preuve) qu'il n'en va pas ainsi et que la dite formation n'est pas équivalente, le nouveau système des directives prévoit que l'Etat d'accueil du ressortissant peut exiger des éléments supplémentaires visant à rendre la formation d'un niveau équivalent. Ces exigences peuvent être une expérience professionnelle supplémentaire pour compenser une durée d'études moindre, un stage condition obligatoire posée par l'Etat, avant d'accéder à la profession une épreuve d'aptitude spécifiquement imposée au ressortissant communautaire pour que l'Etat vérifie son aptitude à exercer cette profession. Eléments discriminants car ne concernent que les ressortissants communautaires sont néanmoins admis dans la directive pour permettre la reconnaissance finale du diplôme.

    La situation de la reconnaissance du diplôme en dehors de la directive : hors du champ d'application des directives, y compris celle de 2005 qui comporte nombre d'exclusions, la reconnaissance perd tout caractère automatique ou semi automatique. Dans ce cas, les Etats gardent certaines obligations au regard du droit communautaire : ils doivent apprécier, de façon objective, l'éventuelle correspondance entre leurs qualifications et celles qui ont été acquises par le ressortissant. Seulement si cette correspondance est partielle ou insuffisante que l'Etat membre peut exiger que l'intéressé démontre qu'il a acquis les connaissances requises et les qualifications manquantes. La décision que prend l'Etat est nécessairement une décision motivée et « susceptible de recours juridictionnel », pour la Cour.
CJCE 1993 Vlassopoulou. Synthétise ces éléments. Accès de la profession d'avocats
CJCE Kraus. 1993 (Discrimination à rebours). Concerne spécifiquement la question de la reconnaissance des diplômes.
   
    B) La libre prestation de services

    L'application du droit de l'Etat d'accueil de la prestation est vue comme un obstacle, a priori, à la liberté. La prestation n'est pas durable et le prestataire n'a qu'un temps limité pour s'adapter à la législation et trouver les moyens de l'appliquer. Ce sont autant de freins à la la liberté de l'exercice de sa prestation. Vu que cette réglementation peut être un obstacle, l'application de règlements national de l'Etat membre d'accueil au prestataire de services est susceptible de prohiber, de gêner ou de rendre moins attrayantes les prestations de service par des personnes ou des entreprises établies dans d'autres Etats membres dans la mesure où l'application de ces règlementations va entraîner des frais ou des charges économiques supplémentaires.  Pas de cumul de règlementations.

        1) Discussions jurisprudentielles

    Jurisprudence constante. La cour va chercher à appliquer deux systèmes juridiques en posant le principe qu'une réglementation nationale applicable à toute personne de manière non discriminatoire peut être justifiée par des raisons impérieuses d'intérêt général, dans la mesure où cet intérêt n'est pas sauvegardé par les règles auxquels le prestataire est soumis dans l'Etat membre dans lequel il est établi. L'Etat d'exécution de la prestation ne doit pas aller au delà de ce qui est nécessaire pour atteindre le but poursuivi. SI le but poursuivi est déjà atteint par l'application de la législation de l'Etat d'origine,  l'Etat d'exécution ne peut pas appliquer sa réglementation car ne répond pas au test de nécessité imposé par la Cour. L aloi de l'Etat d'exécution de la prestation de services n'est autorisée à l'appliquer que si elle offre un niveau de protection de l'intérêt général différent ou complémentaire de celui que garantit la loi de l'Etat d'établissement de l'entreprise.
Exemple. Protection des salariés.  Si l'Etat d'exécution de la prestation impose une obligation de payer à titre de cotisations sociales la part patronale, cette obligation ne peut être imposée à un prestataire de services si celui-ci est déjà redevable de cotisations comparables pour les mêmes travailleurs en vertu de la législation du pays d'établissement. Si l'Etat d'exécution de la prestation, qui va accueillir un service par une entreprise par exemple, veut appliquer son droit du travail aux salariés qui vont venir sur son territoire exécuter la prestation, au nom de la protection des salariés, il faut, pour que ce droit puisse s'appliquer, que les travailleurs, détachés dans le cadre de cette prestations, ne jouissent pas d'une « protection identique ou comparable », selon la Cour, en vertu de la réglementation de l'Etat membre d'établissement.

    Les Etats s' obligent à une comparaison des niveaux de protection de l'intérêt général (Difficulté de connaître et entrer dans un système étranger, l'évaluer au regard de finalités qui lui sont propres). Est-ce que le droit de l'Etat d'établissement assure une protection de l'intérêt général qui est invoqué par l'Etat d'exécution ? La Cour a posé le principe que cette comparaison de l'intérêt général ne doit pas s'effectuer terme à terme mais doit se faire d'une manière plus générale. Pour déterminer si une société française installée en Belgique qui occupe des salariés en Belgique doit respecter le salaire minimum en Belgique ? La CJCE doit exiger que l'Etat face cette comparaison mais elle reste très globale car l'Etat doit examiner si le régime social des salariés français considéré dans son ensemble comme équivalent à celui des salariés belges. On va prendre cet élément dans une réflexion globale qui va intégrer le niveau de protection sociale des deux salariés, le niveau de fiscalité auquel sont soumis ces salariés, le niveau de charges sociales. C'est logique car le salaire brut n'est qu'une indication du niveau de protection accordée au salarié.  Cela rend la comparaison plus difficile à exercer et c'est le juge national qui doit faire ce travail. Dans certaines solutions jurisprudentielles, on un raisonnement un peu moins défendable : la Cour a parfois imposé un raisonnement, donc un langage, qui visait à apprécier le droit de l'Etat d'exécution en terme d' »avantages et de contraintes ». Dans ce raisonnement, l'Etat doit justifier la contrainte imposée aux opérateurs économiques pour remplir certaines objectifs assignés par la législations. On a eu ce raisonnement dans les matières de droit social et mettre en balance le surcroit de protection sociale qui peut être conféré à certains travailleurs par rapport à ce que garantir la réglementation de l'Etat membre d'établissement. On aboutit à une opération périlleuse qui revient à identifier le surcroit de protection, voir dans quelle mesure ce surcroit de protection vaut la peine, qu'est-ce qu'il coute à l'entreprise, est-ce que cette charge supplémentaire de l'Etat d'exécution est justifiée par rapport à l'Etat d'origine ? On est dans des sentiers glissants car on en vient à juger la légitimité d'une protection accordée au travailleurs.

    Les solutions jurisprudentielles sont jugées trop libérales pour certains car il y a mise en concurrence des droits nationaux. Pour d'autres, elles sont trop contraignantes car elles viennent à reconnaître à l'Etat la possibilité de reconnaître certaines raisons d'intérêt général pour justifier des règlementations contraignantes. On a donc mis en place des solutions législatives.

2)    Solutions Législatives

> Solution restrictive. On adopte une solution communautaire qui va autoriser l'application du droit de l'Etat d'exécution, y compris si on sait pertinemment que ce droit a u caractère restrictif sur la liberté.
Directive 1996 qui règle la question du détachement des salariés dans des entreprises établies dans les autres Etats membres. Impose le respect, quais intégral, du droit du travail de l'Etat d'exécution aux entreprises de prestation de services. Toute entreprise communautaire qui effectue ces prestations de service dans les Etats membres par l'intermédiaire de salariés, il faudra que l'entreprise applique les périodes de travail et de repos imposées par l'Etat d'exécution, la législation sur les congés, la législation relative à la protection de la santé du travailleur. Application quais intégrale du droit de l'Etat d'exécution. Cette directive s'applique et vient reprendre un acquis de la jurisprudence : elle peut s'applique aux ressortissants non communautaires qui vont exercer des prestations de services du fait qu'ils sont envoyés par une entrepris communautaire pour travailler dans un Etat tiers mais eux mêmes sont des ressortissants d'Etat tiers (CJCE 1994 Vander Elst)

Directives sectorielles relatives à la profession d'avocat. Dans les 1è directives sectorielles, il y a obligation pour l'avocat d'agir de concert avec un avocat ressortissant de l'Etat d'exécution de la prestation. La prestation ne peut se faire sans qu'il y ait ce relai fourni par l'avocat dans l'Etat membre d'exécution.

Problème. La CJCE a pu juger à plusieurs reprises que ces directives et philosophies particulières pouvaient poser problème au regard de la liber circulation. Cela n'est pas facile de contester ces directives. Pour contester une directive, deux possibilités sont ouvertes :
    > action en nullité par la voie du recours en annulation. Conditions très restrictives pour les particuliers
    > Un justiciable pourra, devant ses juridictions nationales, invoquer l'exception de nullité de la directive et le juge national pour sursoir à statuer et poser une question préjudicielle à la Cour qui sera la question préjudicielle en appréciation de validité de la directive. Par ce biais, cette directive de 1996 a pu faire l'objet d'une appréciation de la Cour qui a bien précisé que son interprétation devait se faire à la lumière de l'article 49 du traité qui pose le principe de la libre prestation de services (Wolf CJCE 2004)

> Solution libérale. La plus libérale est celle qui n'a pas été adoptée. La solution la plus libérale est l'application pleine et entière de l'Etat d'origine qui est fondée au départ sur l'idée que les Etats se font mutuellement confiance, y compris dans le domaine des services. Principe invalidé par les institutions communautaires car il y a des risques de dumping social, juridique. On applique le principe, c'est le droit du pays de l'entreprise qui fournit le service qui s'applique et la conséquence immédiate est que cela met en concurrence normative les différents systèmes. Ce principe favorise l'implantation de l'entreprise dans le pays où la législation est la moindre contraignante et les bénéficiaires de ces services ne seront pas suffisamment informés de certaines protections juridiques. Risque indéniable de mise en concurrence des législations les unes par rapport aux autres. C'est pour cela que dans le texte adopté, c'est le principe de la libre prestation de service qi est adopté mais non pas cela de la législation du pays d'origine. Qui exercera le contrôle finalement  ? La directive telle qu'adoptée répartit les fonctions de contrôle entre l'Etat membre d'établissement et l'Etat d'accueil de la prestation. En principe, le contrôle du prestataire incombe à l'Etat d'établissement ; l'Etat dans lequel le service est fourni ne peut procéder à des vérifications et à des contrôles que si les mesures de contrôle sont non discriminatoires et proportionnées. C'est finalement l'Etat d'accueil de la prestation qui contrôle le respect d'exigences d'intérêt général et des dérogations dont on a déjà parlé.

Commentaires

  1. ce cours est à modifier, je travaille deçu, maiss il me semble complet. il peut permettre de comprendre celui de 2010-2011.

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